La société peut encore modifier son capital-actions de diverses manières, ou de plusieurs d’entre elles à la fois :
i) changer des actions avec valeur nominale en actions sans valeur nominale, ou vice versa (Québec seulement) (art. 240 et s. L.s.a.);
ii) changer la désignation des actions d’une catégorie sans toucher les droits et restrictions qui leur sont attachés (art. 240 et s. L.s.a.; art. 173 (1) g) L.c.s.a.);
iii) changer les droits et restrictions attachés à une catégorie d’actions, sans changer leur désignation (art. 240 et s. L.s.a.; art. 173 (1) g) L.c.s.a.);
iv) changer des actions d’une catégorie en actions d’une autre catégorie, c’est-à-dire avec une nouvelle désignation et de nouveaux droits et restrictions (art. 91 et s. L.s.a.; art. 173 (1) h) L.c.s.a.); c’est l’opération que la loi appelle « conversion », et elle consiste en fait au cumul des deux précédentes.
Tous ces changements requièrent l’obtention d’un certificat de modification. Mais nous verrons que les formalités de régie interne pour leur adoption varient sensiblement.
A- Le changement de valeur nominale à sans valeur nominale
Puisque la valeur nominale est l’un des éléments du capital autorisé de la société provinciale, tout changement à celle-ci requiert l’adoption d’une résolution spéciale et le dépôt de statuts de modification (art. 240 et s. L.s.a.).
Cette résolution spéciale peut donner ouverture au vote par catégorie (art. 191 L.s.a.) et au droit au rachat d’actions (art. 373 L.s.a.) des détenteurs de catégories d’actions dont les droits (y compris le droit à l’égalité de traitement) sont atteints.
Le fait de rendre avec valeur nominale des actions sans valeur nominale se répercute sur le compte de capital-actions émis et payé afférent à ces actions. Ce compte, en effet, ne peut excéder la valeur nominale des actions en cause (art. 69 L.s.a.). Toute la partie du compte afférent aux actions ainsi modifiées qui excède leur nouvelle valeur nominale doit être portée au compte de surplus d’apport de la société, ce qui entraîne donc une réduction du compte. À l’inverse, si des actions avec valeur nominale sont changées en actions sans valeur nominale, on peut assister à une augmentation du compte de capital-actions émis et payé, en y créditant la partie de leur prix d’émission qui excède leur valeur nominale.
B- La redésignation
La redésignation d’actions n’est habituellement pas une opération qu’on effectue seule. Elle intervient à l’occasion de la création de nouvelles catégories d’actions ou lors d’autres remaniements du capital.
La seule redésignation ne touche pas les droits des actionnaires, en conséquence aucun consentement de leur part n’est requis.
C- Les changements des droits ou restrictions
Quant aux sociétés fédérales, les formalités à suivre pour modifier les droits ou restrictions attachés aux actions sont : l’adoption d’une résolution spéciale (2/3 des voix ou toute proportion plus élevée prévue dans les statuts) et le dépôt de clauses modificatrices (art. 173 (1) g) et 177 et s. L.c.s.a.). Toutefois, la Loi canadienne sur les sociétés par actions accorde expressément aux actionnaires un « droit de veto » (et par conséquent le « droit de dissidence »), qui permet aux détenteurs de toutes les catégories d’actions dont les droits sont touchés de voter séparément sur la modification de statuts (art. 176 (1) c), d) et f) L.c.s.a.), que leurs actions comportent ou non le droit de vote. Ce n’est que si les 2/3 (ou une proportion supérieure fixée dans les statuts, le cas échéant (art. 6 (3) L.c.s.a.) des détenteurs de chaque catégorie d’actions touchée sont recueillis que la modification pourra être effectuée (art. 176 (6) L.c.s.a.). Plus encore, la modification (par exemple, qui ajoute un privilège de rachat unilatéral par la société) peut être soumise au vote de la « majorité de la minorité » de la catégorie visée si elle constitue une « opération d’éviction » (art. 2(1), » opération d’éviction » et 194 L.c.s.a.).
Les modifications qui donnent ouverture au vote par catégorie incluent l’augmentation du nombre maximal d’actions de la catégorie, l’échange ou l’annulation de ces actions, la création d’une catégorie égale ou supérieure, l’ajout, la suppression ou la modification préjudiciable de droits, privilèges, restrictions ou conditions de la catégorie, l’accroissement des droits ou privilèges d’une autre catégorie la rendant égale ou supérieure, et l’échange d’actions d’une autre catégorie en actions de la catégorie. Toutefois, les statuts peuvent exclure le vote par catégorie dans les trois premiers de ces cas.
Pour ce qui est des sociétés québécoises, les formalités sont sensiblement les mêmes qu’au fédéral : adoption d’une résolution spéciale et dépôt de statuts de modification (art. 240 et s. L.s.a.), avec vote par catégorie pour les détenteurs d’actions dont les droits sont atteints par le changement (ce qui inclut ceux dont la catégorie subit le changement, s’il est défavorable, et ceux d’autres catégories auxquels le changement porte préjudice, par exemple en conférant à la catégorie visée des droits supérieurs ou égaux aux leurs) (art. 191 L.s.a.), et droit au rachat d’actions pour ces détenteurs (art. 373 L.s.a.).
D- La conversion
La conversion d’actions est l’opération en vertu de laquelle des actions d’une catégorie sont transformées en actions d’une autre catégorie qui se distingue de la première par sa désignation et par ses droits et restrictions différents.
Au fédéral, la conversion d’actions requiert toujours l’adoption d’une résolution spéciale des actionnaires, et le dépôt de clauses modificatrices (art. 173 (1) h) et 177 L.c.s.a.). Au Québec, une résolution spéciale est également requise (art. 91 L.s.a.); le dépôt de statuts de modification n’est pas requis, sauf si le capital autorisé de la société est modifié à l’occasion de la conversion (par exemple, en créant une nouvelle catégorie d’actions, en augmentant le nombre maximal des actions d’une catégorie ou en changeant ses droits) (art. 92 L.s.a.).
Les actions peuvent être converties en actions d’une catégorie qui existe déjà ou en actions d’une nouvelle catégorie créée à cette occasion. Quant à la procédure à suivre, il faut distinguer entre la conversion d’actions non émises et d’actions émises.
1. Les actions non émises
Une société peut convertir des actions non émises d’une catégorie en actions non émises d’une autre catégorie. Il s’agit alors d’augmenter le nombre autorisé des actions de la seconde catégorie et à réduire celui des actions de la première catégorie, sans toucher au capital émis.
Au fédéral, la loi prévoit expressément la conversion d’actions non émises. Elle requiert, pour l’effectuer, l’adoption d’une résolution spéciale des actionnaires (art. 173 (1) h) L.c.s.a.) et le dépôt de clauses modificatrices (art. 177 L.c.s.a.). Elle accorde aussi un vote séparé et un droit de dissidence aux détenteurs des actions, avec droit de vote ou non, de chacune des catégories dont les droits sont atteints par la conversion (art. 176 (1) a), b) et (9) et 190 (2) L.c.s.a.)6. Elle ajoute même la formalité du vote de la « majorité de la minorité » dans le cas d’une conversion se qualifiant comme « opération d’éviction » (par exemple, la conversion en actions rachetables, unilatéralement par la société) (art. 2 (1), « opération d’éviction » et 194 L.c.s.a.).
[Page 125]
Au Québec, les formalités sont celles d’une modification de statuts : résolution spéciale et dépôt de statuts de modification (art. 240 et s. L.s.a.), avec possibilité de vote par catégorie et de droit au rachat d’actions (art. 191 et 373 L.s.a.).
2. Les actions émises
En ce qui concerne les sociétés par actions fédérales, la conversion des actions émises requiert toujours une résolution spéciale (deux tiers des voix exprimées par les détenteurs d’actions avec droit de vote), et le dépôt de clauses modificatrices (art. 173 (1) h) et 177 L.c.s.a.), et ce, même si la conversion n’entraîne aucune modification au capital autorisé (par exemple, si les deux catégories d’actions existent déjà en nombre illimité). Il faut de plus que les détenteurs de toutes les catégories d’actions dont les droits sont défavorablement touchés par la conversion (ce qui inclut les détenteurs des actions à convertir, ceux des actions de la catégorie en laquelle sont converties les actions, et ceux des actions de toute autre catégorie dont les droits sont atteints par la conversion) consentent à cette conversion, par résolution spéciale adoptée par vote séparé (art. 176 (1) b), c), e), g), 176 (5) et (6) L.c.s.a.). Un droit de dissidence est accordé aux actionnaires minoritaires opposés à la conversion, mais qui ne détiennent pas une proportion suffisante des voix pour l’empêcher. Il peut même arriver qu’un actionnaire minoritaire, au lieu d’exercer son droit de dissidence, fasse interdire la conversion par un tribunal, s’il peut démontrer le caractère discriminatoire ou injustement préjudiciable de celle-ci7.
Pour les sociétés québécoises, la conversion d’actions émises s’effectue par résolution du conseil d’administration, et doit être approuvée par résolution spéciale (art. 91, al. 2 L.s.a.). Cette résolution spéciale donne ouverture au vote par catégorie (et au droit au rachat d’actions) pour les détenteurs d’actions dont les droits sont touchés, directement ou indirectement, par la conversion (art. 191 et 373 L.s.a.). Aucun dépôt de statuts de modification n’est requis, sauf si, comme nous le disions, il s’agit de modifier le capital autorisé à l’occasion de la conversion (art. 92 L.s.a.).
La conversion d’actions ne doit ni augmenter ni diminuer le montant payé sur les actions émises de la société (art. 91, al. 2 L.s.a.). Pour les sociétés fédérales, le montant payé sur les actions émises est leur capital déclaré (art. 26 L.c.s.a.). Ce capital déclaré n’est pas en principe touché par la conversion d’actions, car cette conversion n’entraîne aucun remboursement d’argent aux actionnaires, mais les divers comptes du capital déclaré (il y en a un par catégorie d’actions), eux, doivent être rectifiés pour refléter la conversion. Ainsi, si des actions de catégorie « A » sont converties en actions catégorie « B », le compte du capital déclaré pour les actions de catégorie « A » doit être réduit d’un montant correspondant à la somme moyenne reçue lors de l’émission des actions converties, et le compte du capital déclaré pour les actions de catégorie « B » doit être augmenté d’autant, en y ajoutant tout apport supplémentaire reçu au titre de la conversion, le cas échéant. La formule comptable est exposée à l’article 39 (4) L.c.s.a.
Pour les sociétés québécoises, les modifications au compte de capital-actions émis et payé que la conversion entraîne (les mêmes qu’au fédéral) sont énoncées à l’article 73 L.s.a., une nouveauté par rapport à la Loi sur les compagnies, muette sur cette question.
Par exemple, dans l’hypothèse où les émissions d’actions suivantes ont été effectuées :
100 actions de catégorie « A » à 100 $ = 10 000 $
100 actions de catégorie « A » à 200 $ = 20 000 $
Total : 200 actions de catégorie « A » = 30 000 $
50 actions de catégorie « B » à 100 $ = 5 000 $
50 actions de catégorie « B » à 150 $ = 7 500 $
Total : 100 actions de catégorie « B » = 12 500 $
la conversion de 100 actions de catégorie « A » en 100 actions de catégorie « B » entraîne les rectifications suivantes :
– une somme de 15 000 $ est débitée du compte capital déclaré afférent aux actions de catégorie « A », soit la somme moyenne reçue lors de l’émission des actions de catégorie « A » (30 000 $ ÷ 200 actions, ou 150 $) multiplié par le nombre d’actions de catégorie « A » converties (100)8;
– la même somme de 15 000 $ est créditée au compte capital déclaré afférent aux actions de catégorie « B ».
[Page 126]
Après rectification, le compte capital déclaré est le suivant :
– actions de catégorie « A » : 100 actions = 15 000 $;
– actions de catégorie « B » : 200 actions = 27 500 $.
Les 100 actions de catégorie « A » converties deviennent 100 actions de catégorie « B » émises (art. 39 (9) L.c.s.a.); si le nombre des actions de catégorie « A » autorisées est limité par les statuts, les 100 actions de catégorie « A » converties redeviennent aussi 100 actions de catégorie « A » non émises, à moins d’une clause à l’effet contraire dans les statuts (art. 39 (10) L.c.s.a.).