C. LE RÔLE DES CONTRAINTES COGNITIVES Flashcards
(36 cards)
C. LE ROLE DES CONTRAINTES COGNITIVES DANS LA COMPREHENSION DES PHRASES
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La compréhension des phrases implique plus qu’un simple accès à la signification de chaque mot. Il faut […] ces significations pour finalement aboutir à une [… …] du […] de la phrase entière. Chez l’adulte qui entend ou qui lit une phrase de sa langue maternelle, les opérations qui assurent la compréhension sont généralement […] : elles se déroulent […], sans exiger un effort mental particulier et sans que le sujet ait un accès […] à ces opérations. Pour intégrer les mots successifs d’une phrase, le lecteur doit faire appel à des […] relatives à la […] de sa langue. Ces connaissances permettent de déterminer les groupes de mots assumant ensemble une même […] (par exemple le groupe qui est [… …] de la phrase), leur […] dans la phrase mais aussi les phénomènes [d’… …] intervenant entre les mots (par exemple [l’… entre le … et son …]).
La compréhension des phrases implique plus qu’un simple accès à la signification de chaque mot. Il faut [intégrer] ces significations pour finalement aboutir à une [représentation mentale] du [sens] de la phrase entière. Chez l’adulte qui entend ou qui lit une phrase de sa langue maternelle, les opérations qui assurent la compréhension sont généralement [automatiques] : elles se déroulent [rapidement], sans exiger un effort mental particulier et sans que le sujet ait un accès [conscient] à ces opérations. Pour intégrer les mots successifs d’une phrase, le lecteur doit faire appel à des [connaissances] relatives à la [grammaire] de sa langue. Ces connaissances permettent de déterminer les groupes de mots assumant ensemble une même [fonction] (par exemple le groupe qui est [sujet grammatical] de la phrase), leur [ordre] dans la phrase mais aussi les phénomènes [d’accord grammatical] intervenant entre les mots (par exemple [l’accord entre le verbe et son sujet]).
Une question centrale abordée par les travaux psycholinguistiques concerne la nature des informations utilisées par le système cognitif assurant la compréhension des phrases. On peut distinguer deux points de vue « extrêmes » à ce sujet. Lesquels ?
1) Le point de vue modulaire strict
2) Le point de vue interactif
Point de vue modulaire strict vs Point de vue interactif
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1) Le point de vue modulaire strict
En référence à la théorie de la modularité* de l’esprit défendu par [… (19..)], le point de vue modulaire strict stipule que l’analyse grammaticale de la phrase opère d’abord en tenant compte d’un nombre […] d’informations : essentiellement les catégories […] des mots successifs (i.e. nom, verbe, etc.). Les connaissances […] et certains […] sont appliqués à ces informations pour organiser les mots successifs en une [… …]. Les informations relatives au […] des mots et à la [… d’…] sont ensuite prises en compte pour aboutir à une […].
En référence à la théorie de la modularité* de l’esprit défendu par [Fodor (1986)], le point de vue modulaire strict stipule que l’analyse grammaticale de la phrase opère d’abord en tenant compte d’un nombre [limité] d’informations : essentiellement les catégories [lexicales] des mots successifs (i.e. nom, verbe, etc.). Les connaissances [grammaticales] et certains [principes] sont appliqués à ces informations pour organiser les mots successifs en une [structure grammaticale]. Les informations relatives au [sens] des mots et à la [situation d’énonciation] sont ensuite prises en compte pour aboutir à une [interprétation].
Point de vue modulaire strict vs Point de vue interactif
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2) Le point de vue interactif
Le point de vue interactif suppose au contraire que la […] des mots et la [… d’…] sont prises en compte dès la […] de la [… …].
Le point de vue interactif suppose au contraire que la [signification] des mots et la [situation d’énonciation] sont prises en compte dès la [construction] de la [structure grammaticale].
Point de vue modulaire strict vs Point de vue interactif
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Dans ce cours est illustré le débat entre ces deux approches théoriques en considérant la compréhension de certaines phrases […]. Aujourd’hui les partisans des deux approches s’accordent sur un point : la compréhension des phrases est une opération mentale soumise à une [… …]. Les mots perçus se succèdent, il faut donc […] des informations pour les […] à celles qui suivent, et la mémoire de travail qui assure le […] et le […] des informations a une [… …]. Cette […] peut expliquer certaines données relatives à la […]. A fortiori dans le cas où les mots à intégrer sont […]. Dans cette condition, les modularistes et les interactivistes admettent en effet que la […] des […] de mémoire de travail induit une [… de …].
Dans ce cours est illustré le débat entre ces deux approches théoriques en considérant la compréhension de certaines phrases [ambiguës]. Aujourd’hui les partisans des deux approches s’accordent sur un point : la compréhension des phrases est une opération mentale soumise à une [contrainte majeure]. Les mots perçus se succèdent, il faut donc [maintenir] des informations pour les [intégrer] à celles qui suivent, et la mémoire de travail qui assure le [maintien] et le [traitement] des informations a une [capacité limitée*]. Cette [limitation] peut expliquer certaines données relatives à la [compréhension]. A fortiori dans le cas où les mots à intégrer sont [distants]. Dans cette condition, les modularistes et les interactivistes admettent en effet que la [limitation] des [ressources] de mémoire de travail induit une [difficulté de traitement].
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*cf. Puf COGN partie 1, chap. 2
I. La compréhension des ambiguïtés grammaticales transitoires
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Phrase (1) : La femme repousse l’homme avec le parapluie.
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La phrase (1) est ambiguë : « le parapluie » peut être l’instrument que la femme utilise pour repousser l’homme, mais il peut aussi être un objet que possède l’homme. Cette seconde interprétation revient à dire que « la femme repousse l’homme qui a un parapluie ».
Selon la grammaire traditionnelle, la première interprétation de la phrase (1) revient à attribuer au groupe de mots « avec le parapluie » une fonction de complément de moyen, alors que, dans la deuxième interprétation, ce même groupe vient compléter le nom « homme ». Il s’agit donc d’une ambiguïté grammaticale.
Comment savoir quelle interprétation est adoptée au moment où le mot « parapluie » est lu ?
Pour savoir quelle interprétation est adoptée au moment où le mot « parapluie » est lu, une méthode possible consiste à présenter successivement chacun des mots de la phrase (1), en mesurant le temps de lecture de chaque mot, et à ajouter après la phrase (1) une suite de mots qui n’est compatible qu’avec l’une des interprétations possibles. La phrase (2) est un exemple possible de ce genre d’énoncé.
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Phrase (2) : La femme repousse l’homme avec le parapluie en se servant d’une canne.
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Dans ce cas, si le lecteur parvenant au mot « parapluie » a pensé qu’il s’agissait de l’instrument utilisé par la femme, il devrait être gêné par les derniers mots « en se servant d’une canne » de la phrase (2). En effet, « en se servant d’une canne » n’est pas compatible avec cette interprétation. La gêne du lecteur sera objectivable par un ralentissement de sa lecture.
I. La compréhension des ambiguïtés grammaticales transitoires
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Pourquoi ce ralentissement est-il parfois appelé « effet d’impasse » ?
Ce ralentissement est parfois appelé « effet d’impasse » (“garden-path effect” en anglais), car le lecteur a d’abord l’impression d’une impasse dans sa compréhension de la phrase.
I. La compréhension des ambiguïtés grammaticales transitoires
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Les études rapportées dans cette section du cours adoptent cette méthode de mesure de l’effet d’impasse pour évaluer l’interprétation d’une ambiguïté grammaticale. Quels sont les deux modèles théoriques considérés dans ce cours qui tentent d’expliquer comment un lecteur interprète des ambiguïtés grammaticales ?
1) Un modèle modulaire
2) Un modèle interactif
I. La compréhension des ambiguïtés grammaticales transitoires
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Le premier modèle stipule qu’un système cognitif opère une [… …] de l’énoncé : ce système serait modulaire, car il tient compte seulement [d’… …] contenues dans l’énoncé.
1) Le premier modèle stipule qu’un système cognitif opère une [analyse grammaticale] de l’énoncé : ce système serait modulaire, car il tient compte seulement [d’informations grammaticales] contenues dans l’énoncé.
I. La compréhension des ambiguïtés grammaticales transitoires
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Le deuxième modèle est interactif : il suggère que l’analyse de la phrase est aussi sensible à [d’… …] d’informations, par exemple des informations relatives au […] où l’énoncé est produit.
Le deuxième modèle est interactif : il suggère que l’analyse de la phrase est aussi sensible à [d’autres types] d’informations, par exemple des informations relatives au [contexte] où l’énoncé est produit.
I. La compréhension des ambiguïtés grammaticales transitoires
a. Le principe d’attachement minimal : des modèles modulaires aux modèles interactifs
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Que suppose au juste un modèle modulaire ?
Un modèle modulaire suppose que, lors des premières étapes de la compréhension, chaque mot se voit attribuer une catégorie grammaticale (e. g. article, nom, verbe, etc.), comme illustré ci-dessous. \_\_\_\_\_\_\_\_\_\_\_\_\_\_\_\_ Article : La Nom : femme Verbe : repousse Article : l' Nom : homme Préposition : avec Article : le Nom : parapluie… \_\_\_\_\_\_\_\_\_\_\_\_\_\_\_
I. La compréhension des ambiguïtés grammaticales transitoires
a. Le principe d’attachement minimal : des modèles modulaires aux modèles interactifs
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Dans le modèle modulaire, un système cognitif appelé [l’… …] (“parser”en anglais) assemble ces catégories en des [… …]. Pour cela, il applique des […], comme celle qui stipule qu’un article suivi d’un nom forment un [… … (…)], une préposition (P) suivie d’un GN forment ensemble un [… … (…)]. Le verbe (V) est regroupé avec le GN qui le suit, pour former un [… … (…)].
Le premier GN qui précède le GV forment ensemble un […] de [… …], qui correspond à la […]. Suivant une tradition bien établie en [… …] ([…, 19…]), la figure 1 représente ces [… …] en les rejoignant par des […] aux éléments qui les constituent. La figure 1 présente ainsi une organisation […] qui correspond à la [… …] de la phrase, c’est-à-dire à son organisation en [… …].
Dans le modèle modulaire, un système cognitif appelé [l’analyseur syntaxique] (“parser”en anglais) assemble ces catégories en des [groupes grammaticaux]. Pour cela, il applique des [règles], comme celle qui stipule qu’un article suivi d’un nom forment un [groupe nominal (GN)], une préposition (P) suivie d’un GN forment ensemble un [groupe prépositionnel (GP)]. Le verbe (V) est regroupé avec le GN qui le suit, pour former un [groupe verbal (GV)].
Le premier GN qui précède le GV forment ensemble un [groupe] de [niveau supérieur], qui correspond à la [phrase]. Suivant une tradition bien établie en [grammaire générative] ([Chomsky, 1971]), la figure 1 représente ces [groupes grammaticaux] en les rejoignant par des [traits] aux éléments qui les constituent. La figure 1 présente ainsi une organisation [arborescente] qui correspond à la [structure syntaxique] de la phrase, c’est-à-dire à son organisation en [groupes grammaticaux].
I. La compréhension des ambiguïtés grammaticales transitoires
a. Le principe d’attachement minimal : des modèles modulaires aux modèles interactifs
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À quoi tient l’ambiguïté de la suite de mots dans la figure 1 ?
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◽️FIG.1 _ Structure syntaxique partielle de « La femme repousse l’homme avec le parapluie »
◽️FIG.2 _ Structure syntaxique complète où « avec le parapluie » complète le verbe.
Dans la figure 1, le GP n’a pas été assemblé avec un autre groupe de la phrase. En fait, l’ambiguïté de la suite de mots tient précisément au type de regroupement adopté pour ce GP. Il peut être uni au Verbe et au GN qui le précèdent : il est alors directement dominé par le GV, comme dans la figure 2. Cette analyse met le GP au même niveau que le verbe. Le groupe « avec le parapluie » complète alors le verbe. Cela correspond à l’interprétation où « le parapluie » désigne l’instrument employé par la femme
I. La compréhension des ambiguïtés grammaticales transitoires
a. Le principe d’attachement minimal : des modèles modulaires aux modèles interactifs
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Mais il existe une autre analyse possible. Laquelle ?
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◽️FIG.2 _ Structure syntaxique complète où « avec le parapluie » complète le verbe
◽️FIG.3 _ Structure syntaxique complète où « avec le parapluie » complète « l’homme »
L’autre analyse possible consiste à considérer le GP comme un complément du nom qui le précède. Dans ce cas, le GP est uni au GN qui précède pour former un groupe nominal plus ample, qui est entouré dans la figure 3.
Dans cette dernière analyse, le verbe « repousse » prend pour complément d’objet direct le GN entouré : « l’homme avec le parapluie ». Il s’agit donc de l’autre interprétation possible : celle où la femme repousse un homme qui possède un parapluie.
I. La compréhension des ambiguïtés grammaticales transitoires
a. Le principe d’attachement minimal : des modèles modulaires aux modèles interactifs
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Le modèle modulaire de la compréhension propose que l’analyseur syntaxique applique un principe pour choisir immédiatement entre les deux structures possibles. Quel est ce principe ?
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◽️FIG.2 _ Structure syntaxique complète où « avec le parapluie » complète le verbe
◽️FIG.3 _ Structure syntaxique complète où « avec le parapluie » complète « l’homme »
Frazier et Rayner (1982) ont appelé ce principe le « principe d’attachement minimal ». Il énonce que la structure adoptée est celle qui implique le moins de groupes à l’intérieur de l’arborescence. C’est donc un principe d’économie. Il conduit à adopter la structure de la figure 2, car celle de la figure 3 implique un groupe supplémentaire : le GN entouré.
I. La compréhension des ambiguïtés grammaticales transitoires
a. Le principe d’attachement minimal : des modèles modulaires aux modèles interactifs
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Concernant le modèle modulaire, deux points sont à souligner :
1) Il considère que l’analyse de la structure grammaticale d’une phrase est un processus qui n’est sensible qu’aux [… …] des mots (article, nom, etc.) et aux [… …] (GN, GP, etc.). Ce processus est régi par un [… d’… …] qui n’est lui-même sensible qu’au […] des groupes grammaticaux. La […] des mots ou la [… d’…] de la phrase serait négligées par le processus qui construit la structure grammaticale. C’est d’ailleurs cette propriété qui explique pourquoi le modèle est modulariste : la construction de la structure est opérée par un module [« … »] à certaines informations.
2) Selon ce type de modèle, si un lecteur perçoit les mots « en se servant de la canne » après le mot « parapluie », il éprouvera une gêne, encore appelée [« … d’… »]. En effet, ce nouveau groupe prépositionnel devient un [… …] de « avec un parapluie » et le lecteur doit […] son analyse initiale pour adopter l’analyse représentée dans la figure 3.
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◽️FIG.2 _ Structure syntaxique complète où « avec le parapluie » complète le verbe
◽️FIG.3 _ Structure syntaxique complète où « avec le parapluie » complète « l’homme »
Concernant le modèle modulaire, deux points sont à souligner :
1) Il considère que l’analyse de la structure grammaticale d’une phrase est un processus qui n’est sensible qu’aux [catégories grammaticales] des mots (article, nom, etc.) et aux [groupes grammaticaux] (GN, GP, etc.). Ce processus est régi par un [principe d’attachement minimal] qui n’est lui-même sensible qu’au [nombre] des groupes grammaticaux. La [signification] des mots ou la [situation d’énonciation] de la phrase serait négligées par le processus qui construit la structure grammaticale. C’est d’ailleurs cette propriété qui explique pourquoi le modèle est modulariste : la construction de la structure est opérée par un module [« imperméable »] à certaines informations.
2) Selon ce type de modèle, si un lecteur perçoit les mots « en se servant de la canne » après le mot « parapluie », il éprouvera une gêne, encore appelée [« effet d’impasse »]. En effet, ce nouveau groupe prépositionnel devient un [concurrent direct] de « avec un parapluie » et le lecteur doit [réviser] son analyse initiale pour adopter l’analyse représentée dans la figure 3.
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NB. Des études mesurant le temps de lecture des mots ont confirmé cet effet d’impasse (Frazier et Rayner, 1982)
I. La compréhension des ambiguïtés grammaticales transitoires
a. Le principe d’attachement minimal : des modèles modulaires aux modèles interactifs
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Mais le modèle modulariste va plus loin : dans tous les contextes, la structure privilégiée par le principe d’attachement minimal devrait être la première adoptée. C’est précisément cette dernière hypothèse qui a été remise en cause. Développez.
Cette hypothèse a été remise en cause par une étude de Spivey, Tanenhaus, Eberhard, et Sedivy (2002). La méthode employée par Spivey et al. était tout à fait originale puisqu’elle consistait à évaluer ce que les sujets regardaient pendant l’audition d’une phrase les invitant à déplacer un objet. Les participants écoutaient des phrases les invitant à réaliser des actions, comme dans la phrase (4).
Phrase (4) : Mettez la clé sur l’enveloppe dans la boîte.
Phrase (4’) : Mettez la clé sur l’enveloppe…
Le lecteur notera que le principe d’attachement minimal, s’il est appliqué pendant l’audition du fragment (4’) conduit à faire de « sur l’enveloppe » un complément de lieu du verbe : « sur l’enveloppe » désigne alors la destination du geste. L’autre analyse et celle où « sur l’enveloppe » est un complément du nom « clef », elle indique que la clef est déjà sur l’enveloppe. Cette analyse devient pertinente en écoutant les derniers mots de la phrase (4). Le principe d’attachement minimal suggère que l’auditeur de la phrase (4) devrait d’abord estimer que « sur l’enveloppe » est la destination de son action. Puis, lors de l’audition du dernier complément « dans la boîte », l’auditeur serait obligé de réviser sa première analyse grammaticale, pour privilégier une interprétation de « sur l’enveloppe » qui désigne le lieu où la clé est déjà située, « dans la boîte » devenant la destination. Spivey et al. ont présenté à l’auditeur une situation visuelle analogue à la zone de gauche dans la figure 4. Grâce à un dispositif enregistrant les mouvements des yeux (cf. partie 2, chapitre 10), ils ont pu évaluer où la personne fixait son regard pendant l’audition d’une phrase comme (4).
I. La compréhension des ambiguïtés grammaticales transitoires
a. Le principe d’attachement minimal : des modèles modulaires aux modèles interactifs
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Que montre l’étude de Spivey et al. (2002) et quelles en sont les conséquences ?
L’étude de Spivey et al. (2002) montre donc que l’attachement minimal n’est pas constant. Le contexte peut influencer immédiatement l’analyse grammaticale, ce qui suggère que l’analyseur ne tient pas compte seulement des catégories grammaticales et des groupes grammaticaux de la phrase actuellement perçue. Cela conduit de nombreux auteurs à privilégier aujourd’hui des modèles interactifs de la compréhension, c’est-à-dire des modèles où l’analyse de la phrase s’effectue en tenant compte d’informations très diverses qui interagissent immédiatement pour déterminer l’analyse adoptée. L’existence d’effets d’impasse n’est pas contestée par les modèles interactifs. C’est plutôt la systématicité de ces effets qui est remise en cause.
I. La compréhension des ambiguïtés grammaticales transitoires
b. Principe de fermeture tardive et révision de l’analyse grammaticale
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Un effet d’impasse suggère que le lecteur révise une analyse adoptée antérieurement. Mais cette révision implique-t-elle obligatoirement une élimination de l’analyse initiale et de ses implications ?
Pour répondre à cette question, Christianson, Hollingworth, Halliwell et Ferreira (2001) ont envisagé un cas d’ambiguïté transitoire illustré par la phrase (5).
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Phrase (5) Pendant que le journaliste photographiait la fusée atterrissait sur Mars. Phrase (5’) Pendant que le journaliste photographiait la fusée…
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Comme l’illustre la phrase (5’), lorsque le lecteur arrive au mot « fusée », deux interprétations sont possibles : soit « la fusée » est l’objet direct du verbe « photographiait », soit « la fusée » est un sujet grammatical d’un verbe qui va être perçu ensuite.
En effet, deux structures syntaxiques sont possibles pour le fragment (5’). La première est illustrée dans la figure 5.
◽️FIG.5 _ Structure syntaxique de la suite de mots « Pendant que le journaliste photographiait la fusée… » où le GN « la fusée » est le complément d’objet direct de « photographiait ».
◽️FIG.6 _ Structure syntaxique de la suite de mots « Pendant que le journaliste photographiait la fusée » où le GN « la fusée » est le sujet d’une deuxième proposition.
Pour simplifier l’illustration, la catégorie grammaticale de chaque mot n’est pas indiquée en bas de l’arbre. La structure illustrée dans la figure 5 regroupe le verbe « photographiait » avec le GN « la fusée », ce qui revient à faire de « la fusée » le complément d’objet direct de ce verbe. Le GN « la fusée » est alors un groupe entrant dans la composition de la première proposition (Prop1). La deuxième structure est illustrée dans la figure 6. Elle dissocie le GN « la fusée » du verbe précédent, et elle place ce GN dans une seconde proposition (Prop2) dont « la fusée » sera le sujet grammatical.
I. La compréhension des ambiguïtés grammaticales transitoires
b. Principe de fermeture tardive et révision de l’analyse grammaticale
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Que montre l’examen des deux structures possibles ?
L’examen des deux structures possibles montre que le principe d’attachement minimal ne peut pas déterminer quelle structure sera préférée. En effet, les deux structures impliquent le même nombre de groupes grammaticaux. Les partisans du modèle modulaire ont donc proposé un second principe pour sélectionner une seule structure : le principe de fermeture tardive.
I. La compréhension des ambiguïtés grammaticales transitoires
b. Principe de fermeture tardive et révision de l’analyse grammaticale
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En quoi consiste le principe de fermeture tardive ?
Ce principe énonce que l’analyseur syntaxique privilégie l’attachement du mot actuellement perçu à la proposition en cours de construction. Cela conduit à fermer tardivement une proposition, plutôt qu’à ouvrir précocement une deuxième proposition. La structure illustrée dans la figure 5 serait donc préférée si ce principe est appliqué. Cette structure n’est pas compatible avec les derniers mots de la phrase complète (5). L’application du principe de fermeture tardive devrait induire un effet d’impasse lors de la lecture des mots « atterrissait sur Mars ». En d’autres termes, les lecteurs qui perçoivent la phrase (5) devraient déclencher une réanalyse de la phrase lorsque le mot « atterrissait » est perçu. Cette réanalyse devrait induire des temps de lecture longs sur les derniers mots de la phrase. Pour bien mettre en évidence cette augmentation du temps de lecture, il suffit de prendre comme condition de comparaison la lecture d’une phrase comme la phrase (6), où l’ambiguïté transitoire disparaît grâce à la virgule qui interdit de prendre « la fusée » comme l’objet direct du verbe « photographiait ».
Phrase (6) : Pendant que le journaliste photographiait, la fusée atterrissait sur Mars. De fait, Christiansen et al. ont constaté que la phrase (6) était lue presque une seconde plus vite que la phrase (5). Ce résultat est cohérent avec l’existence d’un « effet d’impasse » lors de la lecture de la phrase (5), les lecteurs doivent réanalyser la phrase pour assigner aux premiers mots la structure de la figure 6. La question principale qui intéressait ces auteurs portait précisément sur le processus de « réanalyse ». Une hypothèse simple considère que la réanalyse opérée sur la phrase (5) devrait aboutir à une interprétation identique à celle adoptée pour la phrase (6). Le lecteur corrigerait son analyse incorrecte initiale, en éliminant purement et simplement la structure où « la fusée » est prise comme l’objet direct de « photographiait » et en adoptant l’option où « la fusée » est le sujet grammatical du verbe « atterrissait ». Les auteurs ont fait suivre les phrases (5) et (6) de questions portant sur les deux aspects qui viennent d’être mentionnés. Pour les deux types de phrases, les lecteurs estimaient très majoritairement que « la fusée atterrissait sur Mars », et donc que « la fusée » était bien prise, in fine, comme le sujet de « atterrissait ». Les auteurs demandaient aussi aux lecteurs si « Le journaliste photographiait la fusée ? ». Dans le cas de la phrase (6), les lecteurs répondaient « Oui » dans environ 42 % des cas. En revanche, après la phrase transitoirement ambiguë (5), ils répondaient « Oui » dans 72 % des cas. La lecture des deux phrases n’aboutissait donc pas à des interprétations identiques. Christiansen et al. notent que répondre « Oui » à cette dernière question ne peut pas être pris comme le signe d’une erreur d’interprétation. Le lecteur peut inférer que « le journaliste » photographiait « la fusée aussi bien pour la phrase (5) que pour la phrase (6). Mais il reste à expliquer pourquoi cette inférence légitime est plus fréquente après lecture de la phrase transitoirement ambiguë (5).
I. La compréhension des ambiguïtés grammaticales transitoires
b. Principe de fermeture tardive et révision de l’analyse grammaticale
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Mais il reste à expliquer pourquoi cette inférence légitime est plus fréquente après lecture de la phrase transitoirement ambiguë (5). Développez.
Pour Christiansen et al., cela reflète le fait que la phrase (6) a transitoirement conduit les lecteurs à adopter l’interprétation où « le journaliste photographiait la fusée », qui était compatible avec l’analyse grammaticale initialement adoptée par le principe de fermeture tardive. Même si les lecteurs de la phrase (6) admettaient finalement que « la fusée » était le sujet du verbe « atterrissait », leur interprétation restait influencée par la mauvaise analyse initiale qui faisait de « la fusée » l’objet direct de « photographiait ». Ainsi les lecteurs qui doivent réanalyser une suite de mots, préfèrent minimiser leur révision. Ils corrigent la structure, mais ils ne vont pas jusqu’à une correction d’un aspect de l’interprétation associé à la structure initialement calculée. Pour la phrase (6), cela est compréhensible puisqu’il est plausible que le journaliste ait photographié la fusée. De manière plus générale, cette étude montre que les lecteurs calculent une interprétation « suffisamment bonne » de l’énoncé, c’est-à-dire une interprétation cohérente avec ce qui est explicitement dit, mais qui implique un minimum de révision.
I. La compréhension des ambiguïtés grammaticales transitoires
b. Principe de fermeture tardive et révision de l’analyse grammaticale
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Les études sur la compréhension des ambiguïtés grammaticales conduisent donc à trois conclusions. Lesquelles ?
Conclusion 1. Le lecteur ou l’auditeur adopte immédiatement une analyse grammaticale, sans attendre des informations permettant éventuellement de lever l’ambiguïté. Cette tendance reflète sans doute une limitation de la capacité permettant de maintenir plusieurs analyses grammaticales pour une séquence de mots.*
Conclusion 2. Le modèle modulaire est remis en cause par des études récentes suggérant que l’analyse grammaticale peut tenir compte immédiatement de certaines informations non grammaticales.
Conclusion 3. La capacité pour réviser une analyse inexacte est limitée. Une analyse initiale peut être seulement partiellement abandonnée lorsque des informations indiquent qu’elle n’était pas exacte.
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* Cette hypothèse est développée dans le cours dans la section consacrée à la limitation de la mémoire de travail et à son rôle dans la compréhension des phrases.
II. La compréhension des phrases complexes sans ambiguïté
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Une propriété fondamentale des langues humaines et que certains mots ne peuvent être interprétés entièrement dans la position qu’ils occupent dans la phrase. Deux exemples simples peuvent servir pour illustrer cette propriété. Développez.
Phrase (7) : Le journaliste critique le politicien
Phrase (8) : C’est le politicien que le journaliste critique.
Phrase (8’) : C’est le politicien…
Pour la phrase (7), au moment où l’auditeur entend le mot « politicien », il peut l’interpréter comme désignant le personnage qui subit l’action de « critiquer » (i. e. le Patient de cette action)
En revanche, quand l’auditeur perçoit le mot « politicien » en entendant la phrase (8), il ne peut pas encore lui assigner le rôle de Patient. Les informations perçues à cet instant, qui sont illustrées dans (8’), sont insuffisantes pour attribuer un rôle au personnage désigné par le mot « politicien », car le verbe n’a pas encore été entendu. C’est seulement quand le verbe « critique » est perçu, à la fin de la phrase, que le « politicien » peut être interprété comme le Patient de l’action.