socio Flashcards
(31 cards)
démocratisation sportive
processus socio-historique qui, depuis années 1960, a vu le
sport s’implanter :
– dans les pratiques des Français
– dans leur culture commune
– devenir un support privilégié des grands enjeux de la nation.
Définition : Démocratisation
processus social : mettre à la portée de tous, diffuser, faciliter l’accès d’une
activité jusque-là réservée à un groupe restreint (enseignement, culture, etc.). Cf.
popularisation et massification.
–> processus politique : conduire à la démocratie (gouvernement par le peuple),
donner aux citoyens le pouvoir de s’organiser (citoyens acquièrent une place dans
organisation des sports).
Objectifs de la demo.
–> comprendre comment sport devenu culture de masse en France
–> — comment ce processus a transformé la pratique des sports
–> — comment ce processus a transformé la fonction sociale du sport (instrument
pour santé, citoyenneté, intégration, etc.)
► Problématique démo.
–> dans quelle mesure les sports, en devenant une pratique et une culture de masse
depuis les années 1960, ont-ils à la fois changé de nature et acquis une place centrale
dans la société française ?
Accroissement historique de la pratique et du nombre des licenciés
1944 licenciés < 1 million 1950 = 2 millions.
1958 = 2,5 millions 1968 = 5 millions
1975 = 7,5 millions.
Insee, 1967 : 39 % des Français déclarent pratiquer un sport.
► Trois explications de l’Accroissement historique de la pratique et du nombre des licenciés
a.► « Trente Glorieuses » (1945-1975) = forte croissance économique => transforme niveaux
de vie
–> essor du temps libre et pratiques de loisir => deviennent un indice de modernité
(Joffre Dumazedier, Vers une civilisation du loisir ?, 1962).
–> Or sports = débouché important pour cette nouvelle demande de loisirs.
b.► Croissance démographique = essor des naissances depuis 1945 => années 60-70 =
nombreux adolescents : en 1968, les < 20 ans = 30% de la population.
–> ces jeunes = premier public de l’essor des pratiques sportives = « juvénilisation »
de la pratique sportive
–> poussent les fédérations à s’ouvrir à ce public massif = création de catégories d’âge
et de compétitions spécifiques.
c.► Action de l’État : années 1960 = sport change d’échelles
–> V
e République (1958) = achèvement de la reconstruction du pays libère
investissements disponibles + volontarisme politique du général de Gaulle
–> 1959, création d’un haut-commissariat à la Jeunesse et aux Sports, confié à Maurice
Herzog, alpinisme très célèbre pour avoir vaincu l’Annapurna et y avoir laissé plusieurs
doigts.
=> sport devient une affaire d’État et les investissement en la matière encourage le
développement accru des sports :
= lois-programmes = construction de nombreux équipements sportifs années 60 :
– 1 000 piscines,
– 1 500 stades
– 1 480 gymnases.
limite à cette démocratisation
ne touche pas toute la population
–> forte inégalité sociale (Insee, 1967) :
– 66 % des professions intellectuelles supérieures (cadres supérieurs, avocat, médecins,
etc.) pratiquent un sport.
– 57 % des professions intermédiaires (cadres, ingénieurs, etc.)
– 35 % des employés
– 30 % des ouvriers
– 5 % des agriculteurs
–> forte inégalité de genre =
– certes : pratique féminine s’accroit =
basket-ball : 20% de femmes en 1960 –> > 40% en 1975
athlétisme : 12% –> > 30%
– Mais = reste moins développée que celle des hommes et beaucoup moins tournée vers la
compétition.
Enseignement important de la démo
plus on monte dans la hiérarchie sociale et plus on a une pratique sportive ;
–> essor des pratiques sportives = lié à essor des classes moyennes salariées (cadres
et cadres supérieurs), dont le nombre augmente (3,5 millions en 1962, 6 millions en
1975), et qui incarnent la modernisation réussie des modes de vie.
=> forte promotion sociale des sports = pratiquer un sport = signe de distinction et
indicateur de « modernité ».
Mais ces éléments ne suffisent pas à décrire l’essor du sport durant les Trente Glorieuses.
L’implantation du sport à l’école
Place des sports est bouleversée durant ces mêmes décennies :
–> Années 1960 : État gaullien = très inspiré par les positions anciennes de Coubertin
–> fait du sport un modèle de citoyenneté.
–> jusque-là = gymnastique dominait l’école ; à partir des années 1960 = sport
s’impose à l’école.
► Raisons de ce basculement
la promotion des valeurs sportives dans la société française.
deux facteurs explicatifs
Le premier est d’ordre géopolitique :
facteur géopolitique
–> Contexte de Guerre Froide : De Gaulle veut grandeur de la France sur scène
internationale = devenir grande puissance mondiale, indépendante des USA et URSS.
=> victoires sportives des athlètes et équipes nationales (JO) = enjeu de premier plan.
–> Grand échec des JO de Rome, 1960 = 5 médailles seulement, dont aucune en or.
= « débâcle », « honte nationale », « déchéance pour la France » selon la presse
= sursaut : « La place de la France dans le sport mondial est liée de toute évidence
au développement d’une conscience sportive dans la formation des jeunes
Français » (Arrêté de 1960, BOEN).
–> En clair : si la France veut des sportifs de haut niveau, il faut initier les enfants
aux sports dans les écoles
= origine de l’éducation physique et sportive (EPS remplace EP en 1962).
d’ordre idéologique
célébration des valeurs sportives comme modèle de société dans années 60
= Maurice Herzog, Essai de doctrine du sport, 1965 : = célèbre la « portée morale du
sport » et le « citoyen sportif » = « remarquable moyen d’éducation » du citoyen :
= apprend à se dépasser, respecter des règles, accepter la défaite, coopérer avec les
autres pour gagner :
« Le sportif prend d’abord conscience de lui-même. Il lutte contre la
nonchalance et le laisser-aller en poursuivant son entraînement […]. S’il
ment il est méprisé, s’il triche il est rejeté, s’il se glorifie il est raillé, s’il est
malhonnête il est l’objet de la réprobation générale. »
résumé
–> Bref : sport devient une école de la vie, et on attend beaucoup de l’EPS : ce que
les enfants apprennent à travers les sports, ils le transfèreront dans la vie collective
de la Nation.
= Sport = centre d’un projet de société.
Sport entre à l’école :
–> 1959 : création d’une épreuve d’EPS au bac
–> 1962 : Instructions officielles = sport au cœur de l’EPS comme initiation,
entraînement et compétition = faire émerger une élite sportive.
–> Malgré réticence des enseignants d’EPS et dispenses des élèves (les filles surtout) :
modèle sportif s’impose dans les années 1960-1970
–> 1975 : Loi Mazeaud vient couronner ce modèle : « Art. 1. Le développement de la
pratique des activités physiques et sportives, élément fondamental de la culture,
constitue une obligation nationale »
=> Sport devient enjeu pour la Nation
souci de « faire faire du sport » aux enfants +
partenariat entre École, collectivités territoriales et institutions sportives + fin années 70 =
études Staps pour formation des prof d’EPS.
Bouillonnement d’expériences
ex. les « Républiques des sports » initiées par Jacques de
Rette entre 1964 et 1973 au lycée de Calais puis dans tout le pays.
–> Principe = faire participer l’élève à son propre apprentissage sportif en adoptant le
cadre républicain. Chaque classe = deux clubs + match interclasses ou inter-
établissements le jeudi après-midi.
–> Fonctionnement chaque classe élit un président, deux capitaines, un secrétaire, un
trésorier, qui changent tous les trimestres = forme démocratique du vote pour choix
des sports pratiqués + façon d’arbitrer les conflits
=> Fait du sport un instrument de citoyenneté : le sport devient « citoyen » et sert
l’apprentissage de la démocratie
Une culture sportive : l’explosion du sport spectacle
Sport spectacle (inventé dans années 20-30) = change d’échelle avec années 50-60
Démocratisation médiatique du sport : essor des événements sportifs avec audiences inédites
Sport spectacle
Sportifs deviennent vedettes nationales :
= Mort de Cerdan en 1949 = 600 000 personnes + dirigeants du pays se mêlent à la foule.
= Enquête 1953 sur « les hommes qui font l’événement » : 92 citations pour le sport,
contre 89 pour le cinéma, 47 pour la politique.
= 1958, Coupe du monde de football, Raymond Kopa, fils de mineur polonais est érigé en
star nationale*.
Démocratisation médiatique du sport
essor des événements sportifs avec audiences inédites :
–> radiodiffusion en direct des grands événements sportifs = institution nationale
–> presse : lancement en 1946 de L’Équipe (suite de L’Auto) = devient le plus grand
journal sportif du monde : couvre grandes rencontres + organise Tour de France + crée
nouvelles épreuves, comme la coupe d’Europe des clubs champions en 1955
+ création de nombreux journaux et magazines spécialisés = Miroir Sprint (communiste,
1946) et France Football (1946), Sport Sélection (1952) et Sport Mondial (1956)*.
= développe une culture des faits sportifs auprès de ses lecteurs.
–> télévision : débuts timides = 1952 premier reportage en direct des Six jours
cyclistes de Paris + finale de la Coupe de France de football retransmise en intégralité ;
1954 caméras installées à Roland-Garros et arrivée du Tour de France en direct.
essor années 60-70 : 1962 12 millions de téléspectateurs + essor de la
programmation sportive = 12% du temps d’antenne en 1962
Point de bascule = Coupe du monde de football de 1966 en Angleterre.
– Rôle nouveau de la télévision dans l’organisation des sports = FIFA négocie les droits
avec l’Union européenne de Radiodiffusion ; or UER fixe nombre de match par jour, choix
des stades, disposition des caméras, tribunes de presse, etc.
– Invention d’une culture télévisuelle du sport : ex. création du ralenti = remodèle la
vision du jeu et la passion avec controverses d’arbitrage.
– Succès : retransmission « mondiale » = 400 millions de spectateurs pour la finale »
=> sport devient un marché et un bien de consommation de masse.
France
essor = en 1968 = 232h. de sport par an à la télé.
+ enjeu pour le pouvoir : présence de De Gaulle lors du cinquantenaire de la Coupe
de France (1967), où il se saisit du ballon = moment de télé national*
+ marché télévisuel fructueux : FFF réclame 500 000 frs à l’ORTF pour retransmission
des matchs.
+ émissions de « magazine sportif » se développent et journalistes sportifs
deviennent des célébrités : Stade 2 (1975) et Téléfoot (1976).
–> Effets :
– démocratisation de la pratique sportive : ex. retransmission télé de Roland Garros
en 1976 augmente le nombre de licenciés.
– sport doit s’adapter au format télévisuel : 1970 tie-break au tennis pour permettre
la retransmission des matchs.
Critique du sport
sillage de Mai 68 = grèves ouvrières et étudiantes, barricades dans Paris
–> moment de contestation : critique du pouvoir (De Gaulle, les patrons, etc.) de société
bourgeoise, du capitalisme, de la discipline du travail et de la « société du spectacle ».
= revendication d’une libération (des corps, des études, des esprits, de la sexualité)
sport n’est pas épargné :
forte critique dans milieu de l’EPS = freudo-marxisme = Marx
(contre machinisme) + Freud (répression des pulsions)
–> Jean-Marie Brohm (prof d’EPS à Paris) + revue Quel corps ? = subversion
révolutionnaire de l’idéologie sportive
–> Pour eux : outil de soumission des classes ouvrières à l’idéologie bourgeoise. Car :
– origine élitiste du sport (public schools, Coubertin, etc.)
– culte de la performance et de la compétition
– inculque l’obéissance à un chef (d’équipe ou de club)
– soumission à des règles que l’individu ne construit pas
– spécialisation sportive (postes et gestes) reproduit division du travail à l’usine ou au
bureau.
–> Appel à boycotter JO et Coupe du monde de football (1978)* + à abolir la « religion »
moderne du sport à la télé (nouvel « opium du peuple »)
+ célébration du corps libéré, tourné vers le plaisir, les sensations, les motricités alternatives
–> forme moins politique = introduction en EPS de l’« expression corporelle » = explore le
ressenti du corps et la forme des mouvements + place l’élève en position de s’exprimer à
travers son corps sous la forme finale d’un spectacle
Autre effet de démocratisation =
nouvelles pratiques sportives
–> à partir des années 1970 : « effervescence créatrice » = quarantaine de sports =
recompose l’espace des sports :
= triathlon, VTT, vol libre, BMX, funboard, skate-board, canyoning, monoski, freeride,
ultra-marathon, roller-blading, etc.
–> Tournés vers le « fun » et refus de la compétition = « sports californiens » (Pociello)
= esprit « glisse » (air, eau, rue), contact avec la nature (très prononcé dans les années
1970-1980) et instrumentation (équipements).
–> Hors des structures fédérales : pas de licence, pas de clubs, pas de fédération (au départ)
= ex. skateboard* né en Californie dans les années 70 = auto-organisés + pas de
terrain spécifique (rue) + construction de figures = contre-culture sportive.
► En marge des sports traditionnels = moment clé dans démocratisation du sport :
–> démocratisation = appropriation de la pratique par les pratiquants eux-mêmes.
= c’est le groupe qui décide, qui s’autogère, qui invente ses règles, ses sanctions et la
forme de ses prises de décision => sportifs ne dépendent pas de structures fédérales
et de représentants extérieurs à eux.
► Tendance forte : pratique de sports auto-organisés tend à s’accentuer :
–> Enquête 2016 = > 2/3 des pratiquants ne sont pas adhérents d’une structure.