Chapter 6 Flashcards

1
Q

La logique interne de la loi

A

Les lois sont des « commandements » (Portalis, Discours préliminaire du premier projet de code civil, 1801).

Elle doit être claire (clarté et intelligibilité de la loi).
Elle obéit à une logique rigoureuse privilégiant alternativement :
1. l’aspect intellectuel de la délibération ;
2. l’aspect volontaire de la décision.

Principe du contradictoire, le bicamérisme constituant un facteur d’amplification du débat, dans le cadre d’un dialogue d’abord égalitaire. Le jeu de la navette concentre les aspects litigieux. L’Assemblée nationale conclut le processus en dernier ressort.

Publicité de l’ensemble de la procédure (art. 33 C).

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2
Q

La notion de travaux préparatoires

A

I. A. Ils serviront à interpréter la loi en recherchant la volonté du législateur, quand le texte comporte des obscurités ou des ambiguïtés.
B. Sinon application de la « lettre claire » : le juge ne se soucie pas des intentions de l’auteur.

II. Il ne peut s’agir que d’éléments dont le législateur avait explicitement connaissance au moment où il a pris sa décision, éléments rappelés par les indications accompagnant la publication des lois au JO : exposé des motifs, rapports des commissions, débats en séance, décision du Conseil constitutionnel.

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3
Q

La structure de la procédure législative

A

Deux phases distinctes :
1. Une phase préparatoire : commissions ;
2. Une phase de discussion et de décision : exclusivement en séance plénière dans les assemblées françaises.

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4
Q

Innovations dans la procédure législative sous la Ve République

A

I. A. La direction effective du travail législatif attribuée au Gouvernement par la Constitution.
B. Direction gouvernementale encore consolidée par la discipline majoritaire en 1958.

II. Le développement du contrôle exercé par le Conseil constitutionnel :
1. la minorité peut le saisir depuis 1974 avant la promulgation des lois ;
2. il a intégré à l’élaboration de la loi, la préoccupation de la conformité aux dispositions de fond et de procédure de la Constitution.

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5
Q

Le dépôt des projets et propositions de loi

A

Art. 39, al. 1er C : « L’initiative des lois appartient concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement. »

Distinction traditionnelle des projets (gouvernement) et des propositions (membres du Parlement).

Les projets sont indifféremment déposés, par l’entremise du Secrétariat général du Gouvernement, déposés sur le bureau de l’une ou l’autre assemblée, sauf (art. 39, al. 2 C) :

  • priorité de l’Assemblée nationale : projets de LF et LFSS, leur priorité interdisant toute initiative ;
  • priorité du Sénat : les lois « ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales » (« sans préjudice du premier alinéa de l’article 44 C » = réserve le droit d’initiative des députés et le droit d’amendement du Gouvernement et des députés). Exemple de la loi organique du 1er août 2003 relative au référendum local déposé au Sénat, et la loi organique du même jour relative à l’expérimentation par les collectivités territoriales devant l’Assemblée.

Dans les autres cas, le choix du gouvernement dépend de considérations :
- pratiques : encombrement de l’ordre du jour ;
- politiques : attitude prévisible du Sénat à l’égard d’un projet particulier.

Les projets et propositions recevables sont imprimés et distribués (« publiés » au Sénat, ce qui inclut la diffusion sur le site internet, depuis la résolution du 2 juin 2009) et renvoyés en commission. Ils sont insérés au JO (art. 81 RAN et 24 RS).

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6
Q

Sort des textes non adoptés

A

À l’Assemblée nationale, ils deviennent caducs à la fin de la législature.
Au Sénat, assemblée permanente, les propositions sur lesquelles il n’a pas statué deviennent caduques de plein droit à l’ouverture de la troisième session ordinaire suivant celle au cours de laquelle elles ont été déposées (art. 28 RS).
Les projets bénéficient d’une immunité: Ainsi, la proposition reconnaissant le 19 mars comme journée nationale du souvenir, votée par l’Assemblée le 22 janvier 2002 et transmise au Sénat, a été adoptée par celui ci le 8 novembre 2012, selon une procédure jugée conforme par le Conseil constitutionnel (⚖️ CC, n° 2012-657 DC, Journée nationale du souvenir).
Le président du Sénat transmet à son homologue, en début de législature, les propositions de loi adoptées par le Sénat et antérieurement transmises à l’Assemblée nationale : la procédure législative peut ainsi poursuivre son cours à cheval sur des législatures différentes.
Le Gouvernement peut retirer ses projets à tout moment jusqu’à leur adoption définitive (art 84 RAN/25 RS) - ainsi, un projet de loi viant à proroger le régime transitoire institué à la sortie de l’état d’urgence sanitaire, adopté par l’Assemblée nationale et transmis au Sénat, a finalement été retiré sur décision du Premier ministre.

Au contraire, la proposition d’un député, ne peut plus être retirée après son adoption en première lecture.

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7
Q

Les phases de la procédure législative

A

I. Dépôt.

II. Examen en commission.

III. Discussion en séance :

  • première partie de la discussion ;
  • motions de procédure ;
  • discussion des articles ;
  • vote sur l’ensemble.

IV. Bicaméralisme :

  • navette ;
  • éventuellement procédure paritaire ;
  • éventuellement dernier mot de l’assemblée nationale ;
  • adoption en termes identiques.

V. Saisine éventuelle du Conseil constitutionnel.

VI. Promulgation.

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8
Q

La présentation des projets

A

La loi organique du 15 avril 2009 prise en application de l’art. 39 C comporte un chapitre II portant sur la présentation des projets de loi.

Art. 7 de la loi : « les projets de loi sont précédés de l’exposé de leurs motifs » (selon la décision ⚖️ CC, n° 2009-579 DC portant sur cette LO : cet article « consacre ainsi une tradition républicaine qui a pour objet de présenter les principales caractéristiques de ce projet et de mettre en valeur l’intérêt qui s’attache à son adoption »).

Art. 8 : innovation de l’étude d’impact : les documents en rendant compte doivent être joints aux projets lors du dépôt, définissant les objectifs poursuivis par le projet de loi, recensant les options possibles en dehors de l’intervention de règles de droit nouvelles, etc.

Art. 9 : L’assemblée sur le bureau de laquelle le projet de loi a été déposé (= seule la première assemblée saisie) dispose d’un délai de dix jours pour constater que ces règles ont été méconnues.

La conférence des présidents de l’assemblée saisie en second ne peut présenter devant le Conseil constitutionnel le grief tiré de ce que l’étude d’impact jointe au projet de loi méconnaîtrait l’art. 8 de la loi organique du 15 avril 2009 (⚖️CC, n° 2018-770 DC, Immigration maîtrisée).

La conférence des présidents de l’assemblée a été saisie le 30 septembre 2013 d’une contestation concernant le projet relatif à l’avenir et à la justice du système de retraites, mais elle n’y a pas donné suite et c’est celle du Sénat qui a inauguré le 26 juin 2014, la faculté que lui ouvrent ces dispositions ➞ ⚖️ CC, n° 2014-12 FNR, Délimitation des régions, qui s’est borné à un examen formel des exigences de l’art. 8 de la loi organique.

Pour la première fois, la Conférence des présidents de l’Assemblée nationale, saisie par le groupe LR, s’est prononcée en faveur de la méconnaissance des règles de présentation fixées par la LO de 2009, actionnant la saisine du Conseil constitutionnel (⚖️ CC, n° 2023-13 FNR, projet de loi relatif à la programmation militaire de 2024 à 2030 : conformité des conditions de présentation du projet de loi aux dispositions de la loi organique du 15 avril 2009).

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9
Q

Recevabilité des propositions de loi

A

I. Premier filtrage avant même l’annonce de leur dépôt par une délégation du Bureau de l’assemblée concernée, qui examine leur recevabilité financière : « Lorsqu’il apparaît que leur adoption aurait les conséquences prévues par l’article 40 de la Constitution, le dépôt est refusé » (art. 89, al. 1er RAN/24, al. 2 RS). À ce stade, le contrôle est peu exigeant à l’Assemblée, qui admet l’aggravation d’une charge publique compensée par un gage.

L’auteur de la proposition de loi peut demander une explication écrite de la décision d’irrecevabilité (art. 89, al. 6 RAN).

Le nombre de propositions irrecevables est réduit, d’autant que les conseils donnés par la délégation à l’auteur peuvent rendre l’initiative recevable.

II. Pas d’examen de la recevabilité au regard du domaine de la loi (art. 41 C) car seul le Gouvernement et le président de l’assemblée peuvent exercer cette prérogative, le second ne l’invoquant pas au stade du dépôt.

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10
Q

Avis du Conseil d’État sur les propositions de loi

A

La révision du 23 juillet 2008 a prévu, à l’art. 39, al 5 C, que le président d’une assemblée peut soumettre au Conseil d’État, pour avis, une proposition de loi avant son examen en commission, sauf opposition de son auteur, qui dispose de cinq jours pour l’exprimer (art. 4 bis de l’ordonnance n° 58-1100).

45 avis rendus sur des propositions de loi entre 2009 et 2022, dont la plupart sont devenues des lois.

📚 De manière exceptionnelle, la LOLF du 1er août 2001, d’initiative parlementaire, avait donné lieu à un avis du Conseil d’État, à la demande du Gouvernement, le 21 décembre 2000.

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11
Q

La commission saisie au fond

A

Selon l’art. 43 C :
«Les projets et propositions de loi sont envoyés pour examen à l’une des commissions permanentes dont le nombre est limité à huit dans chaque assemblée.
À la demande du Gouvernement ou de l’assemblée qui en est saisie, les projets ou propositions de loi sont envoyés pour examen à une commission spécialement désignée à cet effet

➞ Inversion en 2008 de la présentation originelle, qui prévoyait par défaut la saisine d’une commission spéciale, mais qui dont la pratique ne s’est jamais imposée. Les commissions permanentes ont défendu leurs attributions contre les velléités de concurrence de la nouvelle institution, souvent avec la compréhension du Gouvernement, dont les ministres entretiennent des rapports réguliers avec les commissions permanentes, tandis que les parlementaires d’une commission spéciale sont inconnus et parfois trop directement intéressés.

Si une commission permanente se déclare incompétente ou si un conflit de compétence s’élève entre deux ou plusieurs commissions, « le Président, après un débat où sont seuls entendus le Gouvernement ou l’auteur de la proposition et les présidents des commissions intéressées, propose par priorité à l’Assemblée la création d’une commission spéciale. Si cette proposition est rejetée, le Président soumet à l’Assemblée la question de compétence » (art. 85, al 2 RAN). Au Sénat, la création d’une commission spéciale est de droit dès la déclaration d’incompétence ou le conflit de compétence (art. 16 RS). Ce type de conflit est très rare (un exemple en 1974, au sujet d’une disposition relative à des documents d’urbanisme et disjointe, en tant que cavalier budgétaire, d’une loi de finances rectificative, et dont les présidents des commissions respectivement des lois et de la production réclamait la compétence au fond pour en connaître).

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12
Q

La commission saisie pour avis

A

I. Art. 87 RAN : toute commission peut décider de se saisir pour avis d’un projet ou d’une proposition de loi qui a été renvoyé à une autre commission permanente : elle en informe le président et sa décision est publiée au journal officiel. La commission désigne alors un rapporteur pour avis, qui a le droit de participer avec voix consultative aux travaux de la commission saisie au fond et d’y défendre les amendements de sa commission. On recense ainsi 164 saisines sous la 14e législature.

II. Même procédure prévue par l’art. 17 RS. Toutefois, si plusieurs commissions demandent à être saisies pour avis, réunion de la conférence des présidents qui peut ordonner le renvoi aux différentes commissions ou proposer la création d’une commission spéciale.

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13
Q

Délégation de l’examen d’articles à une commission saisie pour avis

A

Pratique non formalisée, «troisième voie entre commissions permanentes et spéciales» (Jean-François Kerléo, 2017) pour prendre en compte la nature transversale d’un compte :
Une commission saisie pour avis peut bénéficier d’une délégation au fond sur une partie du texte. Les décisions prises sont adoptées sans discussion par la commission saisie au fond.
Cette procédure est régulièrement utilisée : par exemple, loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie ; loi du 29 juillet 2019 relative à la reconstruction de Notre-Dame.

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14
Q

La liberté d’exercice de la commission

A

Art. 40 RAN : chaque commission est maîtresse de ses travaux, dans le respect des règles constitutionnelles, organiques et du règlement.

L’art. 86 RAN tient compte des conséquences de la révision de 2008 concernant l’ordre du jour et le texte discuté en séance, qui doit être celui de la commission : la désignation des rapporteurs et la mise à disposition du rapport doivent intervenir dans un délai permettant la discussion du texte par l’Assemblée. L’insuffisance ou l’absence du rapport ne peut empêcher l’ouverture de cette discussion - une position contraire rendrait caduc l’ordre du jour prioritaire du Gouvernement.

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15
Q

Le rôle du rapporteur

A

Le rapporteur est « le véritable pivot de la procédure législative » (Paul Cahoua, 1985) :

  • il procède à l’examen du texte, avec l’assistance des fonctionnaires du secrétariat administratif de la commission ;
  • il procède aux auditions ou les propose à la commission (publicité par les moyens choisis par le bureau au Sénat, 16, al. 8 RS et publication des compte-rendus à l’Assemblée nationale art. 46, al. 3 RAN ) ;
  • il propose des amendements et fait connaître son point de vue sur les amendements proposés ;
  • la commission se prononce sur le rapport.

À l’Assemblée nationale, en raison de son rôle central et porte-parole de la Commission, quasi monopole représentants des groupes de la majorité pour les rapports sur les textes prioritaires.

Il a été refusé en 2019, que le groupe minoritaire ou d’opposition à l’origine du texte en discussion dans le cadre d’une niche obtienne de droit la fonction de rapporteur pour l’un de ses membres ➞ il pourrait être a mené à défendre au banc des convictions contraires aux siennes, celle de la majorité de la commission.

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16
Q

Les participants à la commission

A

Art. 86 al. 5 et 6 RAN.

  • les membres de la commission ;
  • l’auteur d’une proposition ou d’un amendement ;
  • les rapporteurs des commissions saisies pour avis ;
  • tout député peut présenter un amendement en commission, qu’il soit ou non membre de celle-ci.

La participation du gouvernement de droit. Le ministre est tenu de déférer à une demande d’audition, en vertu du principe de la responsabilité du Gouvernement. Toutefois, le Conseil constitutionnel juge que des dispositions du règlement permettant à une commission permanente d’imposer à un ministre une telle audition méconnaissent le principe de la séparation des pouvoirs (⚖️ CC, n° 2019-759 DC, Modification du RAN).

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17
Q

Le dépôt des amendements en commission

A

I. À l’Assemblée nationale, le délai de dépôt des amendements en commission (art. 86 RAN) est identique à celui du dépôt des amendements en séance (art. 99 RAN) : transmis au secrétariat de la commission au plus tard à 17 heures le troisième jour ouvrable précédant l’examen du texte.

II. Au Sénat, la date limite de dépôt est l’avant-veille du début de l’examen en commission (art. 17 bis RS).

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18
Q

La participation du Gouvernement aux travaux en commission

A

L’art. 42, al. 1er C (issu de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008) selon lequel la discussion en séance porte sur le texte adopté en commission, et l’art. 44, al. 1er C, selon lequel le droit d’amendement s’exerce en commission, impliquent que le Gouvernement puisse participer aux travaux des commissions (⚖️ CC, n° 2009-579 DC, LO relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution).

➞ Rupture au Sénat, où l’art. 18 RS précisait que les ministres devaient se retirer au moment du vote ; la décision ⚖️ CC, n° 2009-582 DC, Modification du RS a précisé que les membres du gouvernements avaient le droit d’assister au vote en commission. Désormais, l’art. 18 RS, devenu art. 15 bis RS, prévoit que les ministres peuvent assister à l’ensemble des votes.

📚 Les débats des commissions se déroulent le mercredi matin (art. 50 RAN), en même temps que le Conseil des ministres.
Les collaborateurs des ministres peuvent les accompagner : le président Accoyer a évoqué une séance de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 où étaient présents cinq ministres et vingt-deux de leurs collaborateurs. La présence des ministres devant les commissions sénatoriales reste, quant à elle, en pratique exceptionnelle.

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19
Q

Le rapport déposé en commission

A

Les rapports concluent à l’adoption, au rejet ou à la modification du texte dont la commission a été initialement saisie, et comportent un tableau comparatif faisant état de ces éventuelles modifications et en annexent les amendements soumis à la commission (art. 86 al. 3 RAN).

Le texte est publié séparément du rapport et mis à disposition par voie électronique dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours avant l’examen en séance ; et «dans les meilleurs délais » en cas de procédure accélérée (art. 86 al. 3 RAN).

Au Sénat, les avis des commissions saisies pour avis sont publiés sauf si la commission décide de les donner verbalement (art. 17 RS).

À l’Assemblée nationale, ils figurent sous la forme d’annexes au rapport de la commission saisie au fond (art. 86. al. 7 RAN)

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20
Q

Les délais d’examen

A

I. Selon l’al. 3 de l’art. 42 C, ajouté en 2008 :
« La discussion en séance, en première lecture, d’un projet ou d’une proposition de loi ne peut intervenir, devant la première assemblée saisie, qu’à l’expiration d’un délai de six semaines après son dépôt. Elle ne peut intervenir, devant la seconde assemblée saisie, qu’à l’expiration d’un délai de quatre semaines à compter de sa transmission. »

L’al. 4 prévoit que ces délais ne s’appliquent pas en cas de procédure accélérée, ni aux projets relatifs aux états de crise (retranscription à l’art. 91 RAN).

II. A. ⚖️ CC, n° 2012-655 DC, Loi relative à la mobilisation du foncier public : procédure accélérée pour la loi relative à la mobilisation du foncier public, la commission des affaires économiques du Sénat a approuvé les amendements du rapporteur le mercredi matin, mais elle n’a pu présenter son propre texte, entraînant plus tard sa censure par le Conseil constitutionnel, au motif que la loi avait été adoptée selon une procédure contraire à l’art. 42 C.

B. Le 12 février 2020, la Commission spéciale sur le texte relatif aux retraites a dû prendre acte de son incapacité à adopter un texte, n’ayant pu, après 75 heures de travaux, examiner que 5 566 amendements sur un total de 22 220 déposés).

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21
Q

La présentation du rapport

A

Art. 91, al. 2 RAN : la discussion s’engage par l’audition éventuelle du gouvernement, la présentation du rapport de la commission saisie au fond et, s’il y a lieu, l’audition du rapporteur de la (ou des) commission(s) saisie(s) pour avis.

Le rapporteur, «pivot de la procédure législative», devient l’interprète des positions de la commission et intervient tout au long du débat, en contrepoint avec le ministre. Tous deux disposent de la prérogative de pouvoir prendre la parole à tout moment, mais pour une durée maximale de 2 minutes 30 pour le rapporteur.

Au Sénat, art. 42 RS : discussion ouverte par le gouvernement pour les projets et les propositions transmises par l’Assemblée et acceptées par lui. Elle est poursuivie par la présentation du rapport de la commission ; en première lecture des propositions déposées au Sénat, ouverte par leur auteur dans la limite de 10 minutes et poursuivie, le cas échéant, par la présentation du rapport de la commission.

Avant la révision de l’art. 42 C, l’art. 90 RAN interdisait qu’un texte soit mis en discussion s’il n’avait pas fait l’objet d’un rapport de la commission, ce qui ne pouvait pas faire obstacle à la priorité du gouvernement en cas d’absence ou de caractère incomplet d’un rapport. Désormais, l’art. 42 C prévoit que le texte discuté en séance est celui déposé par le Gouvernement ou transmis par l’autre assemblée à défaut d’adoption d’un texte par la commission. 📚 Selon le président Mermaz (15 décembre 1983), «si l’on pouvait opposer au Gouvernement l’absence ou le caractère incomplet d’un rapport […], on rendrait caduc le droit que le Gouvernement tient de la Constitution […] d’établir l’ordre du jour prioritaire».
Le Conseil constitutionnel a jugé que l’adoption d’une loi sans présentation du rapport au nom de la Commission n’était contraire à la Constitution (⚖️ CC, n° 84-181 DC, Entreprises de presse).

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22
Q

L’audition des membres du CESE

A

Art. 69, al. 2 C : « Un membre du Conseil économique, social et environnemental peut être désigné par celui-ci pour exposer devant les assemblées parlementaires l’avis du Conseil sur les projets ou propositions qui lui ont été soumis » par le Gouvernement.

À l’Assemblée nationale, le représentant du CESE est entendu après les rapporteurs des commissions compétentes, introduit dans l’hémicycle par le chef des huissiers. «Son exposé terminé, il est reconduit hors de l’hémicycle avec le même cérémonial.» (art. 97 RAN).

Au Sénat, il a accès dans l’hémicyle pendant toute la durée de la discussion en séance publique. Il s’exprime avant la présentation du rapport de la commission saisie au fond et la parole peut lui être donnée dans la suite du débat (art. 42 RS).

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23
Q

Déroulement de la discussion générale

A

Après la présentation du rapport, la parole est donnée aux orateurs qui se sont fait inscrire dans la discussion générale, avec une priorité pour l’auteur ou le premier signataire d’une proposition (art. 91 RAN/art. 29 ter RS).

La conférence des présidents peut décider de l’organisation de la discussion générale dans les conditions de l’art. 49 RAN/art. 29 ter RS).

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24
Q

Les motions de procédure

A

La motion de procédure a pour effet d’entraîner le rejet du texte ou la suspension du débat.

L’exception d’irrecevabilité et la question préalable peuvent interrompre la poursuite de la discussion. Elles ont été fusionnées dans le règlement de l’Assemblée nationale par la résolution du 27 mai 2009.

La motion de renvoi en commission a été supprimée par la réforme du RAN du 4 juin 2019.

Les trois motions subsistent au Sénat (art. 44 RS).

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25
Q

L’exception d’irrecevabilité

A

Elle vise à faire reconnaître que le texte proposé est contraire à une ou plusieurs dispositions constitutionnelles.

Elle ne peut être soulevée qu’une fois, après la présentation du rapport, et entraîne le rejet du texte. Interviennent dans la discussion, l’un des signataires, le gouvernement, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et, avant le vote, la parole est accordée pour cinq minutes à un orateur de chaque groupe.

Elle a donné lieu à des abus (emploi systématique et détournement de son objet), ce qui a conduit le président Fabius à réduire en 1999 le temps de parole du signataire, initialement illimité, à 1h30, sauf décision contraire de la conférence des présidents. Pour les textes inscrits à la niche de l’art. 48 RAN, le temps de parole du signataire est de 15 minutes.

Rituellement soulevée par l’opposition (35 fois en 2007-2008), mais quasiment jamais adoptée (exception, par exemple le 9 octobre 1998, contre la proposition relative au pacte civil de solidarité, en raison de l’absentéisme de la majorité ; un nouveau texte a été déposé).

L’art. 44, al. 2 RS précise que l’exception vise un texte contraire à « une disposition constitutionnelle, légale ou réglementaire » (sauf irrecevabilités des art. 40 et 41 C qui font déjà l’objet de procédures spécifiques). Elle peut être soulevée pendant la discussion et à l’encontre d’une disposition. Depuis la résolution du 18 juin 2019, l’exception d’irrecevabilité ne peut-être opposée à un texte qu’une fois par lecture, sauf adoption d’une motion de renvoi en commission. Il y est fréquemment recouru, car elle est une occasion pour l’opposition d’obtenir un temps de parole supplémentaire.

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26
Q

La question préalable

A

Objet d’opportunité : son objet est de « faire décider qu’il n’y a pas lieu à délibérer » (art. 91, al. 5 RAN).

Pas de question préalable à l’encontre des textes inscrits à la niche de l’art. 48, al. 5 C.

Selon le Conseil constitutionnel, le rejet du texte par la question préalable « n’interrompt pas les procédures prévues pour parvenir à l’adoption d’un texte définitif » (⚖️ CC, n° 2008-564 DC, Loi relative aux OGM).

La résolution du 27 mai 2009 a procédé à la fusion entre la question préalable et l’exception d’irrecevabilité pour instituer la motion de rejet préalable (art. 91, al. 5 RAN).

Au Sénat, L’art. 44 RS précise que l’objet de la question préalable est de faire décider soit que le Sénat s’oppose à l’ensemble du texte, soit qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération. Elle peut donc être employée pour marquer l’opposition de l’assemblée à un texte, ce qui prive toutefois celle-ci de la possibilité de peser sur sa rédaction définitive.

La technique de la question préalable positive, ou «49, al. 3 C sénatorial», a été employée après 1986, en parallèle de l’emploi de l’art. 49 al. 3 C à l’Assemblée nationale, devant laquelle le texte revenait aussitôt, avant d’être adopté en commission mixte paritaire. Contrairement à ses saisissants qui y voyaient un détournement de procédure, le Conseil n’a pas jugé affectée la régularité de la procédure législative (⚖️ CC, n° 86-218 DC, Élection des députés).

Récemment, la majorité de gauche au Sénat a manifesté son opposition, de septembre 2011 au printemps 2012, en votant 13 questions préalables, avant de l’utiliser « en vue d’accélérer la procédure d’adoption d’[un] texte » (⚖️ CC, n° 2012-662 DC, Loi de finances pour 2013).

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27
Q

La motion de rejet préalable à l’Assemblée nationale

A

Elle résulte de la fusion de l’exception d’irrecevabilité et de la question préalable par la résolution du 27 mai 2009.

Art. 91, al. 5 RAN :
«Il ne peut ensuite être mis en discussion et aux voix qu’une seule motion de rejet préalable, dont l’objet est de faire reconnaître que le texte proposé est contraire à une ou plusieurs dispositions constitutionnelles ou de faire décider qu’il n’y a pas lieu à délibérer. L’adoption de la motion de rejet préalable entraîne le rejet du texte à l’encontre duquel elle a été soulevée. Dans la discussion, peuvent seuls intervenir l’un des signataires pour une durée qui ne peut excéder quinze minutes sauf décision contraire de la Conférence des présidents, le Gouvernement et le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond. Avant le vote, la parole est accordée, pour deux minutes, à un orateur de chaque groupe.»

Si plusieurs motions sont déposées, un tirage au sort pondéré (prenant en compte le nombre de signataires) est effectué.

Elle intervient avant l’ouverture de la discussion, sauf pour les textes inscrits à la séance mensuelle réservée aux groupes d’opposition ou minoritaire en vertu de l’art. 48 al. 5 C, où elle intervient après (art. 91, al. 10 RAN).

On recense 172 motions de rejet préalable à l’Assemblée nationale durant la 15e législature.

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28
Q

Le renvoi en commission

A

Souvent utilisé comme technique d’obstruction, avant sa suppression à l’Assemblée nationale. Il était demandé avant la discussion générale (art. 91 RAN) ; sauf pour les textes prioritaires (prérogative du gouvernement), c’était toujours l’Assemblée qui fixait la date et l’heure de présentation du nouveau rapport.

Au Sénat, il peut y avoir plusieurs demandes de renvoi visant tout ou partie du texte et elles peuvent intervenir après la clôture de la discussion générale. Cependant, si un vote est déjà intervenu sur une demande de renvoi portant sur l’ensemble du texte, la nouvelle demande n’est recevable que si elle émane du Gouvernement ou de la commission (art. 44, al. 5 RS).

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29
Q

Motions de procédure à l’encontre de propositions de loi présentées en application de l’art. 48, al. 5 C

A

Les propositions de lois déposées dans le cadre de l’art. 48, al. 5 C sont juridiquement soumises aux règles du droit commun.
En pratique, des accords informels entre les groupes prévalent. Au Sénat, il a été convenu, par un «gentlemen’s agreement» (Bachschmidt, 2017) établi en 2009 et confirmé plusieurs fois, qu’aucune motion de procédure n’est déposée à l’encontre des propositions de lois déposées en première lecture, sauf accord du groupe concerné.
À l’Assemblée nationale, la conférence des présidents a décidé, le 23 juillet 2019, qu’il ne pourrait être déposé de motion de rejet préalable sur les textes examinés au cours d’une journée réservée à un groupe d’opposition ou minoritaire.

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30
Q

Motions de procédure à l’encontre de propositions de loi présentées en application de l’art. 11 C

A

I. Le chapitre XII bis du règlement de l’Assemblée nationale, introduit en 2014, prévoit les règles consacrées à l’examen des propositions de loi présentées dans le cadre de l’art. 11, al. 3 C. Une motion de rejet préalable ainsi qu’une motion de renvoi en commission peuvent être déposées (art. 124-1 RAN).

II. A. 1° Le Président de la République soumet au référendum une proposition de loi n’ayant pas été examinée par les deux assemblées dans un délai de six mois (art. 11, al. 5 C et 9 de la loi organique du 6 décembre 2013).

2° La motion de renvoi en commission ne constitue pas une modalité d’examen d’un texte, contrairement à la motion de rejet préalable.

B. Exclure le dépôt d’une motion de renvoi en commission reviendrait donc, dans la situation où un groupe minoritaire ou d’opposition déciderait d’inscrire une telle proposition dans le cadre de son ordre du jour réservé (art. 48, al. 5 C), à supprimer la possibilité pour la majorité de l’assemblée d’obtenir l’organisation d’un référendum en refusant, grâce à l’adoption de la motion de renvoi en commission, d’examiner une proposition de loi. C’est pour cette raison que le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition du RAN (⚖️ CC, n° 2014-705 DC, Règlement de l’Assemblée nationale).

III. Le règlement du Sénat ne comprend pas de modalités spécifiques concernant le dépôt de motions de procédure visant de telles propositions de loi.

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31
Q

Motion préjudicielle ou incidente

A

Elle n’existe qu’au Sénat.

Selon l’art. 44, al. 4 RS : son objet « est de subordonner un débat à une ou plusieurs conditions en rapport avec le texte en discussion et dont l’effet, en cas d’adoption, est de faire renvoyer le débat jusqu’à la réalisation de la ou desdites conditions ».

Application très limitée.

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32
Q

Base de la discussion des articles

A

I. A. Ancien privilège de l’art. 42 al. 1er C : discussion des projets portant, devant la première assemblée saisie, sur le texte présenté par le gouvernement ; et pour les textes en navette, délibération sur le texte adopté par l’autre assemblée (art. 42 al. 2 C).

B. Pour les propositions inscrites à la « niche » de l’art. 48, al. 5 C, la commission s’abstenait de présenter des conclusions de rejet à l’égard des propositions de l’opposition, l’Assemblée refusant généralement le passage à la discussion des articles par une motion de procédure, ou rejettant les articles les uns après les autres.

II. A. La nouvelle rédaction de l’art. 42 al. 1er C est reprise aux art. 90 RAN et 42 al. 6 RS. Toutefois, au Sénat, en vertu d’un accord conclu en 2009 entre les présidents de groupe et de commission et acté par la conférence des présidents, les propositions des groupes d’opposition ou minoritaires sont discutées sur la base du texte initial, sauf souhait contraire du groupe intéressé.

B. ⚠️ ⚖️ CC, n° 2012-655 DC, Mobilisation du foncier public : la discussion en séance ne s’étant pas déroulée à partir du texte adopté en commission, mais sur celui déposé par le gouvernement, la procédure d’adoption de la loi a été jugée contraire à l’art. 42, al. 1er C, ce qui entraîna sa censure intégrale.

C. L’un des objectifs de la réforme de l’art. 42 C était d’alléger l’examen en séance des amendements techniques, rédactionnels ou de détails, mais le nombre des amendements en séance n’a en pratique pas diminué (sauf en cas de temps législatif programmé).

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33
Q

Ordre de la discussion des amendements

A

Art. 95, al. 1er RAN et 42 al. 7 RS : la discussion des articles porte successivement sur chacun d’eux (RS : et sur les amendements qui s’y rattachent).

Ils sont mis en discussion après la discussion générale sur le texte et avant le vote sur le texte et la question principale (art. 100 RAN/46 bis RS).

Délibération dans l’ordre éliminant les solutions concurrentes, en partant des plus éloignées du texte pour se rapprocher de celui-ci. Puis les amendements sont mis en discussion dans l’ordre suivant : « amendement de suppression et ensuite ceux s’écartant le plus du texte proposé et dans l’ordre où ils s’y opposent, s’y intercalent ou s’y ajoutent » (art. 100, al. 4 RAN). Disposition similaire à l’art. 46 bis, al. 2 RS.

Lorsque plusieurs amendements exclusifs l’un de l’autre viennent en concurrence, le président peut les soumettre à une discussion commune à l’Assemblée nationale (art. 100 RAN) ; au Sénat, la mise en discussion commune est impérative, sauf décision contraire de la conférence des présidents (art. 46 bis, al. 2 RS).

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34
Q

Droit de parole dans la discussion des articles

A

Art. 95, al. 2 RAN : les interventions des commissions et des députés sur les articles du texte en discussion ou sur les nouveaux articles additionnels proposés par le gouvernement ou par les commissions par voie d’amendement, ne peuvent excéder 2 minutes (5 minutes avant la résolution du 27 mai 2009).

Pour lutter contre l’abus du droit d’amendement, le temps de parole pour les amendements identiques a été réduit par la résolution du 4 juin 2019 : le cas échéant, lorsque plusieurs membres d’un même groupe présentent des amendements identiques, la parole est donnée à un seul orateur de ce groupe désigné par son président ou son délégué (art. 100 RAN) Toutefois, le Conseil constitutionnel a précisé que cette restriction ne devait intervenir que pour prévenir les usages abusifs de prise de parole (⚖️ CC, n° 2019-785 DC, Règlement de l’Assemblée nationale).

Pour tous les autres amendements, ne peuvent être entendus sur chacun d’eux, que le Gouvernement, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond, le président ou le rapporteur de la commission saisie pour avis, et un orateur d’opinion contraire, pour une intervention inférieure à deux minutes 2 minutes, sauf gouvernement (art. 100 RAN).

Au Sénat, la règle de droit commun en séance, depuis la résolution du 1er juin 2021, est que la durée d’intervention d’un sénateur ne peut excéder deux minutes. Le signataire de l’amendement dispose également d’un temps de parole de deux minutes pour en exposer les motifs (art. 46bis al. 5 RS).

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35
Q

L’obstruction

A

L’usage systématique des moyens de procédure pour faire obstacle au déroulement normal de l’examen d’un texte et en retarder l’adoption.

Apparition avec l’examen de la loi Sécurité et liberté en 1980. La droite la relança avec la loi de 1982 de nationalisation. Depuis, à chaque législature, gauche et droite y recourent alternativement.

La loi de 2006 relative au secteur de l’énergie connut 137 665 amendements déposés, 42 demandes de suspension de séance, 157 rappels au règlement, 3 vérifications de quorum, pour faire durer 120 heures les 35 séances consacrées à 17 articles du projet.

Cette «pathologie» conduisit à la réforme de 2009 instituant le temps législatif programmé (TLP).

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36
Q

Le temps législatif programmé

A

L’art. 55, al. 4 à 6 RAN met en œuvre les dispositions de l’art. 17 de la LO du 15 avril 2009. Lorsque la conférence des présidents a fixé la durée maximale de l’examen d’un texte :
1. la parole est refusée aux membres d’un groupe qui a épuisé le temps qui lui a été attribué ;
2. un amendement déposé par un membre d’un groupe dont le temps de parole est épuisé est mis aux voix sans débat ;
3. le président d’un groupe dont le temps de parole est épuisé ne peut pas demander un scrutin public, sauf sur l’ensemble d’un texte ;
4. lorsque le Gouvernement ou la commission dépose un amendement après l’expiration des délais opposables aux députés, un président de groupe peut demander qu’un temps supplémentaire soit attribué aux groupes (et aux non-inscrits) pour la discussion de l’article amendé ou de l’article additionnel proposé.

📚 Il peut arriver que le Gouvernement dépose sciemment en séance des amendements purement rédactionnels afin d’attribuer un temps supplémentaire à chaque groupe.

Le temps législatif programmé n’est pas appliqué en cas de procédure accélérée et qu’un président de groupe s’y oppose :
1. pour cette raison, le Gouvernement a retardé l’inscription à l’ordre du jour du projet sur le dialogue social dans la fonction publique, sur lequel plus de 5 000 amendements avaient été déposés) ;
2. n’ayant pas respecté cette contrainte temporelle à propos du projet de loi sur les retraites en février 2020, le Gouvernement a dû faire face à l’obstruction parlementaire et au déploiement de 41 000 amendements en séance publique, contraignant le Premier ministre à solliciter l’art. 49 al. 3 C.

Contesté par l’opposition en 2009, le temps législatif programmé a été appliqué 32 fois jusqu’à la fin de la législature. Puis il a été repris par la nouvelle majorité, par exemple en seconde lecture de la loi sur le « mariage pour tous », après un débat difficile en première lecture. Employé à 11 reprises de mai 2013 à juin 2014.

Outre la lutte contre l’obstruction, il encourage les groupes à concentrer la discussion sur les dispositions jugées les plus importantes, dès lors qu’ils sont débarrassés des restrictions drastiques qui entourent la discussion des articles (deux minutes par orateur) et des amendements (un orateur pour, un orateur contre, deux minutes chacun). Il peut alors également conduire à de nouveaux déséquilibres (en juillet 2013, l’examen du texte sur les métropoles concentra la discussion sur Paris au détriment des métropoles régionales).

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37
Q

L’organisation de l’ensemble de la discussion

A

L’organisation de l’ensemble de la discussion remonte à 1935, s’est appliquée jusqu’en 1969, lorsque ne fut plus conservée que l’organisation de la discussion générale.
Le temps législatif programmé fut contesté en 2009 par l’opposition, mais celle-ci y a recouru lorsqu’elle est devenue majoritaire en 2012, par exemple pour la seconde lecture du texte sur le «mariage pour tous» en avril 2013.
Le temps législatif programmé, outre la dissuasion de l’obstruction, permet aux groupes de concentrer leurs interventions sur les dispositions qu’ils jugent les plus importantes, car les restrictions drastiques qui encadrent la discussion des articles et des amendements ne s’appliquent plus, à condition que ces interventions ne se multiplient pas à l’excès au début de la discussion.

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38
Q

Réserve lors de l’examen des articles

A

La réserve d’un article ou d’un amendement, dont l’objet est de modifier l’ordre de la discussion, peut toujours être demandée, lorsque l’adoption d’une disposition apparaît subordonnée au vote d’une autre. Elle est de droit à la demande du Gouvernement ou de la commission saisie au fond. Dans les autres cas, le Président décide (art. 95 RAN).

Il est d’usage constant que le président de séance consulte la commission saisie au fond et suive son avis.

Au Sénat, la discussion peut aussi être modifiée lorsque la priorité ou la réserve est demandée pour un article ou un amendement, de droit pour la commission saisie au fond, sauf opposition du gouvernement, auquel cas le Sénat statue sans débat (art. 44, al. 6 RS). Cette modalité peut avoir pour but de faire tomber un nombre important d’amendements incompatibles ou n’yant plus d’objet avec la disposition venant d’être adoptée.

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39
Q

Le retrait d’un texte

A

I. A. Le Gouvernement peut à tout moment et jusqu’à son adoption définitive retirer son texte (art. 84, al. 1er RAN).

B. Il ne peut cependant retirer un article sur lequel des amendements ont déjà été adoptés dans le but de lui substituer une solution alternative par le vote d’un article additionnel, sous peine de porter atteinte au droit d’amendement (⚖️ CC, n° 2006-540 DC, Loi relative au droit d’auteur).

II. L’auteur ou le premier signataire d’une proposition peut la retirer à tout moment jusqu’à son adoption en première lecture (art. 84, al. 2 RAN).

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40
Q

L’art. 44 al. 2 C

A

« Après l’ouverture du débat, le Gouvernement peut s’opposer à l’examen de tout amendement qui n’a pas été antérieurement soumis à la commission. »

Il ne s’agit pas à proprement parler une irrecevabilité (faculté).

Pas d’un usage fréquent, mais pas non plus exceptionnel. Il a permis au ministre de l’Éducation nationale d’écarter près de 2 400 amendements à la proposition sur la loi Falloux le 27 juin 1993.

Le règlement du Sénat, où la question s’est posée en 1986, précise que les sous-amendements sont soumis aux mêmes règles de recevabilité et de discussion que les amendements (art. 44 bis RS).

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41
Q

Le vote sur l’ensemble du texte

A

Après le vote du dernier article du texte ou du dernier article additionnel proposé par voie d’amendement, « il est procédé au vote de l’ensemble du projet ou de la proposition » (art. 95 al. 6 RAN/art. 42 RS).

⚠️ Si le texte ne comporte qu’un article unique, le vote de celui-ci équivaut à un vote sur l’ensemble du texte.

À l’assemblée, le vote sur l’ensemble peut être précédé d’explications de vote dans les conditions de droit commun (art. 54 al. 7 RAN/art. 42 al. 15 RS).

Au Sénat, de droit à la demande de la commission ou par décision du Sénat, il est possible de procéder à un renvoi du texte en commission pour coordination.

Au moment du scrutin sur l’ensemble, une seconde délibération est possible pour réparer une erreur ou corriger un vote-surprise :
- À l’Assemblée nationale, de droit à la demande du Gouvernement ou de la commission saisie au fond, ou si celle-ci l’accepte (art. 101 RAN) ;
- Au Sénat, la décision est toujours prise par la Haute Assemblée (art. 42 RS), ce qui lui permet de se trouver en désaccord éventuel avec le Gouvernement, contrairement à l’Assemblée.
Dans tous les cas, le texte est renvoyé à la commission qui doit présenter un nouveau rapport.
La seconde délibération permet au gouvernement de revenir sur une erreur qu’il a commise antérieurement, sur un vote sur lequel la majorité a été insuffisamment mobilisée ou s’est opposée aux desiderata gouvernementaux, ou de faire marche arrière pour des raisons politiques en obtenant le rejet d’un amendement précédement adopté. Elle peut éventuellement être couplée avec le vote bloqué de lart. 44 al. 3 C.

📚 Les règlements permettent la seconde délibération de la première partie de la loi de finances de l’année (art. 119 RAN/art. 47 bis RS) et des différentes parties d’une loi de financement de la sécurité sociale (art. 121-3 RAN et 47 bis-1 A RS).

37 secondes délibération lors de la 15e législature (dont 27 à la demande du gouvernement). 9 occurrences au Sénat entre 2016 et 2017.

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42
Q

Le principe de spécialité des votes

A

I. L’article est le cadre normal de vote. Cette présentation :
- a un objet intellectuel : la clarté du dispositif normatif :
- offre l’unité de décision qui permet au législateur de manifester sa volonté.

II. A. L’assemblée a voté chaque article d’un texte, chaque amendement, chaque sous-amendement le concernant.

B. Cette règle traditionnelle est consacrée par les art. 95 et 100 RAN, 42 et 46 bis RS. Selon Eugène Pierre, elle répond à un principe fondamental du droit parlementaire, qui vise à assurer l’indépendance et la sincérité des votes émis par une assemblée.

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43
Q

Vote par division

A

I. Lorsque la complexité d’une question l’exige, On peut descendre au-dessous du vote par article avec le vote par division, qui peut toujours être demandé (art. 63, al. 3 RAN), sur un article, un amendement ou un sous-amendement.

II. A. Il est de droit à l’assemblée lorsqu’il est demandé par le gouvernement ou la commission, sinon c’est le président de séance qui décide.

B. Au Sénat, dans les « questions complexes » ; de droit lorsqu’il est demandé par la commission, sinon le président de séance est le seul juge de cette condition (art. 42 al. 11 RS).

⚠️ A contrario, le vote bloqué permet de contraindre une assemblée à se prononcer par un seul vote sur l’ensemble d’un texte.

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44
Q

Art. 44, al. 3 C

A

I. « Si le Gouvernement le demande, l’assemblée saisie se prononce par un seul vote sur tout ou partie du texte en discussion en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement. »

II. Innovation de 1958, que la décision ⚖️ CC, n° 59-5 DC, 1960, Règlement de l’Assemblée nationale a précisé :

  • l’objet de la disposition est de permettre au gouvernement d’obtenir un résultat équivalent à celui de la question de confiance prévu par la Constitution de 1946, mais sans mettre en jeu sa responsabilité ;
  • la disposition permet à la fois le vote sur le tout et le vote sur la partie (article quand un vote par division intervient) ;
  • son application ne peut faire obstacle à la discussion de chacune des dispositions du texte sur lequel il est demandé à l’assemblée saisie de se prononcer par un seul vote (rappelé par ⚖️ CC, n° 2023-849 DC, Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 : dans le cas contraire, il serait porté atteinte aux exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire). Il n’est donc pas un obstacle à l’obstruction, sauf sur les explications de vote individuel ou en cas de demandes systématiques de scrutin public.

III. Double dérogation au principe de la spécialité des votes :

  • il permet au Gouvernement d’éviter qu’un amendement ne fasse l’objet d’un vote distinct ;
  • il impose l’adoption ou le rejet d’une disposition particulière en la liant à celle d’une autre ou à l’ensemble.

IV. Très utilisé pendant les premières législatures, il n’intervient désormais plutôt qu’à titre technique :

  • notamment en seconde délibération de la loi de finances ;
  • au Sénat, pour lutter contre l’obstruction à la loi sur les retraites en octobre 2010, en avril 2013 sur la sécurisation de l’emploi, ou encore en mai 2023 sur la réforme des retraites.

V. Dénaturant l’esprit de la «niche» de l’art. 48, al. 5 C, le vote bloqué peut être employé sur les propositions de l’opposition inscrites à l’ordre du jour, en reportant le vote au mardi suivant où la majorité est en nombre. Ce fut le cas, systématiquement, entre 2009 et 2012.

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45
Q

Vote des intitulés

A

Les intitulés sont dépourvus de valeur juridique. Ils n’auraient donc pas de raison d’etre mis aux voix.

Toutefois, la pratique parlementaire admet le vote d’amendements portant sur l’intitulé de la loi elle-même ou de ses intitulés intermédiaires (titres, chapitres, sections).

Ainsi, le titre du projet de loi constitutionnelle instituant la loi d’équilibre de la sécurité sociale a été modifié le 25 janvier 1996 en instituant les lois de financement de la sécurité sociale pour tenir compte du changement de dénomination prévu par le législateur pour cette nouvelle catégorie de lois.

Lorsque l’intitulé est modifié, la navette se poursuit même si le texte lui-même est adopté conforme.

Cependant, « s’il est loisible à une assemblée parlementaire de procéder à une telle modification, celle-ci est par elle-même sans effet sur la régularité de la procédure d’adoption du projet de loi ». Ainsi, la modification de l’intitulé d’un projet de loi pour le rendre cohérent avec l’adoption d’un amendement initialement sans lien avec le texte n’a pas pour effet de le rendre conforme à l’art. 45, al. 1er C (⚖️ CC, n° 2007-546 DC, Ratification de l’ordonnance relative à l’organisation de certaines professions de santé).

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46
Q

Les procédures abrégées à l’Assemblée nationale

A

Règles pour la procédure simplifiée à l’Assemblée nationale fixées depuis la résolution du 27 mai 2009 (cf. art. 103, 104, 106, 107 RAN) :

  • décidée par la conférence des présidents à la demande du Président, du gouvernement, du président de la commission saisie au fond ou d’un président de groupe. Lorsqu’elle est décidée, les mêmes autorités peuvent y faire opposition, jusqu’à la veille de la discussion à 13 heures ;
  • en l’absence d’amendements, le président met directement aux voix l’ensemble du texte, sauf décision contraire de la conférence des présidents ; sinon il appelle uniquement les articles auxquels des amendements se rapportent. Sur ces amendements, seuls peuvent intervenir le gouvernement, l’auteur, le président ou rapporteur de la commission et un orateur contre ;
  • interdiction des motions de procédures.

Non utilisée depuis 2005, on assiste à un retour de cette procédure en 2021, ou en 2022, sur des textes de loi à portée normative réduite. Par ailleurs, les groupes minoritaires et d’opposition ont un intérêt à solliciter cette procédure dans le cadre de la journée mensuelle de l’art. 48, al. 5 C, dans la mesure où son caractère expéditif leur permet de présenter un plus grand nombre de propositions de loi (2019).

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47
Q

Procédures abrégées au Sénat

A

I. La procédure d’examen simplifié ne concerne que l’approbation d’engagements internationaux (art. 47 decies RS).

II. Deux procédures n’ont plus qu’un intérêt historique:
1. le vote sans débat (art. 47 ter RS): jamais appliqué;
2. le débat restreint: vote sur les amendements de la commission et sur les articles auxquels ils se rapportent, puis le Président met aux voix l’ensemble (art. 47 quinquies RS).

III. Le Conseil constitutionnel a censuré comme portant atteinte au droit d’amendement une réforme ambitieuse du Sénat, qui consistait à interdire de reprendre en séance les amendements repoussés par la commission (⚖️ CC, n° 90-278 DC, Règlement du Sénat).

IV. Procédure de législation en commission.

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48
Q

Procédure de législation en commission

A

I. A. En 2008, nouvelle rédaction de l’art. 44 C, qui prévoit que le droit d’amendement s’exerce «en séance ou en commission», a permis d’échapper à la jurisprudence ⚖️ CC, n° 90-278 DC, Règlement du Sénat.

B. L’art. 16 de la loi organique du 15 avril 2009 indique que les « règlements des assemblées peuvent [instituer] une procédure d’examen simplifiée d’un texte et […] prévoir que le texte adopté par la commission saisie au fond est seul mis en discussion en séance ».

C. Les art. 47 ter à quinquies RS prévoient une procédure de législation en commission, expérimentée à partir de 2015 et pérennisée dans le règlement en 2017, procédure au cours de laquelle le droit d’amendement ne s’exerce qu’en commission. Elle n’est pas applicables aux révisions constitutionnelles, aux PLF et aux PLFSS.

II. Un droit de veto est reconnu au gouvernement, au président de la commission et au président de groupe. Ce droit de veto peut s’exercer en conférence des présidents mais aussi à l’issue de la réunion de la commission.

III. A. En séance publique, seule l’exception d’irrecevabilité peut être présentée et aucun amendement n’est recevable, sauf s’ils visent à assurer le respect de la Constitution, opérer une coordination avec un texte en vigueur ou en discussion ou procéder à la correction d’une erreur matérielle.

B. Lors de la séance, le Président met aux voix l’ensemble du texte adopté par la commission, ou certains articles seulement. Seuls peuvent intervenir le Gouvernement, les représentants des commissions et, pour explication de vote, un représentant par groupe.

IV. A. Le succès relatif du mécanisme (25 textes examinés entre janvier 2018 et septembre 2019) a conduit l’Assemblée nationale à se doter d’un mécanisme similaire (art. 107-1 à 107-3 RAN) avec la résolution du 4 juin 2019.

B. La procédure de législation en commission a été appliquée pour la première fois en 2020, au projet de loi visant à créer le statut de citoyens sauveteurs.

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49
Q

Définition du droit d’amendement

A

Le droit d’amendement est une proposition de modification de forme et de fond du texte inscrit à l’ordre du jour d’une assemblée. Il est un droit «sacré, fondamental et parlementaire» (Gérard Larcher).

Il est le corollaire du droit d’initiative, mais une initiative limitée, ne s’exerçant que dans le cadre du projet ou de la proposition en discussion.

50
Q

Nature du droit d’amendement

A

« Corollaire » du droit d’initiative, mais il est une « initiative limitée » (M. Prélot).

« L’amendement ne peut faire naître une question nouvelle » (E. Pierre), mais le lien avec le texte débattu est une affaire de recevabilité qui relève de l’appréciation du législateur.

51
Q

Le droit d’amendement selon Eugène Pierre

A

L’amendement se distingue de la proposition en ce qu’il n’a pas, comme celle-ci, le pouvoir de faire naître une question nouvelle ; il ne peut se produire qu’à l’occasion d’une affaire dont la Chambre est déjà saisie.

Toutes les fois qu’il leur est possible d’user du droit d’amendement, c’est, pour les représentants du pays, un moyen plus sûr et plus rapide d’exposer leurs idées ; avec un amendement, ils sont moins soumis aux lenteurs de procédure qu’avec une proposition de loi.

52
Q

Exclusion de certaines limites au droit d’amendement

A

La consultation préalable des assemblées territoriales d’outre-mer prévue à art. 74 C pour la modification de leur organisation par la loi, n’impliquait pas qu’il faille leur soumettre le texte d’un amendement, sous peine de porter atteinte aux prérogatives du Parlement (⚖️ CC, n° 79-104 DC, Élections en Nouvelle-Calédonie).

Une consultation du Conseil d’État et une délibération en Conseil des ministre s’imposent seulement pour le projet de loi et non pour la proposition de loi et l’amendement (⚖️ CC, n° 95-357 DC, Loi portant diverses dispositions d’ordre social).

Si le gouvernement a la faculté de demander l’avis du Conseil d’État sur un amendement, il n’est pas tenu de le rendre public (⚖️ CC, n° 2019-780 DC, Maintien de l’ordre public lors des manifestations).

53
Q

Les limites au droit d’amendement

A

I. La distinction entre l’amendement et la proposition ou le projet n’est pas de nature substantielle mais procédurale.

II. A. ⚖️ CC, n° 86-225 DC, 1987, Amendement Seguin : les adjonctions ou modifications apportées à un texte en cours de discussion ne sauraient, sans méconnaître les art. 39, al 1 et 44 al 1er C, « ni être sans lien avec ce dernier, ni dépasser, par leur objet et leur portée, les limites inhérentes à l’exercice du droit d’amendement », en raison de « la distinction entre les projets et propositions de loi visées à l’article 39 de la Constitution et les amendements dont ces derniers peuvent faire l’objet en vertu de l’art. 44, 1er C ».

⚠️ Création prétorienne absente du texte de la Constitution, visant à empêcher la reprise du texte intégral d’une ordonnance, que le chef de l’Etat avait refusé de signer, sous la forme d’un amendement à un projet portant diverses mesures d’ordre social.

B. Bon sens apparent mais « Le bon sens veut que les chambres, admises à la confection des lois, aient le droit de proposer dans ces lois tous les changements qui leur semblent utiles […]. Vouloir fixer des bornes au droit d’amendement, trouver le point mathématique où l’amendement finit, ou la proposition commence […] c’est se perdre dans une métaphysique politique sans rivage et sans fond. » (Chateaubriand, De la Monarchie selon la Charte, 1816).

III. La jurisprudence des « limites inhérentes » est explicitement répudiée par la décision ⚖️ CC, n° 2001-450 DC, Diverses dispositions d’ordre social, éducatif et culturel qui écarte le moyen invoqué à l’encontre des adjonctions ou modifications apportées : « les requérants ne sauraient utilement se prévaloir de ce que l’amendement critiqué excéderait par son ampleur les limites inhérentes au droit d’amendement ».

⚠️ En revanche, consécration des règles relatives au lien de l’amendement avec le texte et au principe de l’entonnoir.

54
Q

Conditions de recevabilité d’un article additionnel

A

I. Les règlements distinguent les deux notions (amendement et article additionnel), en leur appliquant des conditions de recevabilité apparemment différentes (art. 95 RAN/art 42 RS).

II. La distinction est fictive (Bruno Beaufumé), car les articles additionnels sont présentés sous la forme d’amendement et il n’est fait, en pratique, aucune différence.

55
Q

Le sous-amendement

A

Le sous-amendement consiste à proposer une modification à un amendement.

Il « est indissociable du droit d’amendement reconnu aux membres du Parlement et au Gouvernement par l’article 44, al. 1er C » (⚖️ CC, n° 73-49 DC, Règlement du Sénat ), mais s’en distingue en ce que « les sous-amendements ne peuvent contredire le sens de l’amendement » (art. 98, al. 5 RAN et 44 bis, al. 4 RS). L’explication réside dans le fait que le dépôt d’un sous-amendement contredisant le sens de l’amendement auquel il s’applique s’analyse en réalité comme une prise de position défavorable à cet amendement (⚖️ CC, n° 73-49 DC, Modification de certains articles du règlement du Sénat).

Les sous-amendements ne peuvent eux-mêmes être sous-amendés.

56
Q

Amendement de suppression

A

I. Procédure couramment utilisée pour proposer non la modification d’un texte, mais son « annulation ».

II. Le Conseil constitutionnel l’analyse comme un détournement de procédure, considérant que l’amendement a pour objet de modifier le texte et non de le supprimer (cf. ⚖️ CC, n° 73-49 DC, Modification de certains articles du règlement du Sénat). Il a pour but d’éviter de poursuivre inutilement la discussion d’un article que l’assemblée repoussera. Il y est fréquemment recouru.

III. Il a priorité sur les autres amendements et est toujours recevable.

57
Q

La lettre rectificative

A

I. Avant 1958, le Gouvernement ne disposait pas du droit d’amendement. Il déposait une lettre rectificative.

II. A. La pratique s’étant poursuivie, le Conseil constitutionnel l’a analysé comme ressortissant à la procédure fixée par la Constitution pour l’examen et le vote des projets de loi - renvoi à une commission, rapport, etc. (⚖️ CC, n° 78-100 DC, Dernière loi de finances rectificative pour 1978).

B. Elle constitue «la mise en œuvre du pouvoir d’initiative des lois» que le Premier ministre tient de l’art. 39, al. 1er C, et non un amendement fondé sur l’art. 44 al. 1er C (⚖️** CC, n° 90-285 DC, LF pour 1991**). La lettre rectificative est donc soumise à avis du Conseil d’Etat et passage en Conseil des ministres.

III. De façon innovante, le Gouvernement a déposé une lettre rectificative au Sénat, lors de l’examen en 2019 du projet de loi d’orientation des mobilités et a engagé la procédure accélérée à cette occasion.

58
Q

Amendement d’appel

A

I. A. Amendement ayant pour objectif l’interpellation du Gouvernement sur une élément de sa politique et l’obtention d’une réaction, d’une explication, voire d’un changement.

B. Il peut même prendre la forme, par exemple, d’une réaffectation de 100 euros, voire d’un euro symbolique.

II. A. Il a vocation à être retiré par son auteur.

B. Il peut en aller différemment si le parlementaire n’est pas satisfait des réponses du Gouvernement. L’amendement de M. De Courson (LIOT) revalorisant à hauteur de 500 M€ les pensions, afin de connaître la position du ministre de l’Économie sur la situation des retraites au 1er janvier 2023, a été maintenu puis, contre toute attente, adopté le 26 juillet 2022. Il a finalement été rejeté quelques heures plus tard, lors d’une seconde délibération demandée par le Gouvernement.

59
Q

Importance du droit d’amendement

A

Forme principale de l’initiative parlementaire, l’immense majorité des lois étant déposées sous la forme des projets déposés par le Gouvernement.

Il contribue à la transformation et à l’augmentation de ces textes, notamment par le jeu de la navette. Ainsi, la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dont le projet comprenait 73 articles, a été promulguée avec 221 articles. ➞ « l’accessoire l’emporte sur le principal » (Avril et Gicquel).

60
Q

Encadrement organique du droit d’amendement

A

I. A. En 2008, nouvelle rédaction de l’art. 44 C, qui prévoit que le droit d’amendement s’exerce «en séance ou en commission».

B. La loi organique du 15 avril 2009 explicite la portée de ces mots, en prévoyant que les règlements des assemblées peuvent déterminer les conditions dans lesquelles les amendements déposés par les membres du Parlement peuvent être mis aux voix sans discussion.

II. Elle relativise donc la portée de la décision ⚖️ CC, n° 90-278 DC, Règlement du Sénat, en ouvrant la voie aux procédures de temps législatif programmé ou de législation en commission.

61
Q

L’auteur de l’amendement

A

L’art. 44, al. 1er C inclut depuis 1958 le Gouvernement, qui en était auparavant privé.

Les « membres du Parlement » désignent les individus mais aussi les commissions, dans les conditions fixées par le règlement (les dernières étant privilégiées pour les délais, cf. art. 99 al. 4 à 7 RAN).

Avant 2008, plus de la moitié des amendements adoptés par l’Assemblée étaient proposés par les commissions. Désormais, les amendements adoptés par la commission sont désormais intégrés au texte examiné en séance.

62
Q

Les formes de l’amendement

A

Selon les art. 98 RAN et 100 RAN :

  1. L’amendement doit être écrit :
    - dispositif normatif s’insérant dans le texte auquel il s’applique et qu’il modifie ;
    - le dépôt s’effectue de façon dématérialisée via les bases ELOI (à l’assemblée nationale), via l’application Eliasse installée sur des tablettes numériques et AMELI (amendements en ligne) au Sénat, par l’intermédiaire d’un mot de passe attribué à chaque auteur potentiel ;
    - il est motivé, bien que cette motivation puisse se réduire à la formule : «cet amendement se justifie par son texte même» ;
  2. Il doit être signé ; pour une commission, par le rapporteur et l’auteur à l’Assemblée nationale ; le seul rapporteur au Sénat ;
  3. Il doit être déposé sur le bureau, c’est-à-dire auprès du service de la séance ; ils seront alors communiqués à la commission saisie au fond et au Gouvernement, imprimés et distribués. Depuis la résolution du 27 mai 2009, au plus tard à 17 heures le 3e jour ouvrable précédant le début de l’examen du texte (art. 86 RAN) ; au Sénat, à l’avant-veille de la réunion de la commission ; après son dépôt, l’auteur d’un amendement peut le modifier ou le retirer jusqu’au moment où il est mis aux voix ;
  4. Quand ils viennent en concurrence, les amendements sont mis en discussion dans l’ordre ci-après : amendements de suppression, et ceux qui s’écartent le plus du texte (art. 100 RAN). Il est procédé à un seul vote sur l’ensemble des amendements identiques ou répétitifs déposés par les membres d’un même groupe (art. 100 RAN depuis la résolution du 4 juin 2019) dans le respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire (⚖️ CC, n° 2019-785, Règlement de l’Assemblée nationale).
63
Q

Les délais pour les amendements

A

La loi organique du 15 avril 2009 confirme les principes déjà en vigueur sur le plan réglementaire : « Les amendements des membres du Parlement cessent d’être recevables après le début de l’examen du texte en séance publique » (art. 13).

Art. 99 RAN : les amendements doivent être présentés au plus tard le troisième jour ouvrable précédant la date de début de la discussion du texte à 17h. Au-delà, sont seuls recevables les amendements déposés par le gouvernement ou la commission saisie au fond, ce qui réouvre la possibilité pour les députés de déposer des amendements sur les articles concernés. Le délai n’est pas applicable aux sous-amendements.

Art. 88 RAN : la commission peut se réunir pour examiner des amendements déposés dans l’intervalle entre l’adoption de son rapport et le délai de dépôt des amendements, et tient en tout état de cause une réunion après l’expiration de ce délai si de nouveaux amendements ont été déposés. Elle les accepte ou les rejette sans les incorporer à ses propositions ni présenter de rapport supplémentaire.

Au Sénat, l’art. 44 ter RS se borne à prévoir que la conférence des présidents peut décider de fixer, à la demande de la commission intéressée, un délai limite pour le dépôt des amendements. Ce délai n’est pas applicable aux amendements de la commission saisie au fond ou du gouvernement. La commission prend cette initiative pour les textes les plus importants ou pour ceux qui vont faire l’objet de nombreux amendements, qu’elle se réserve ainsi le temps d’examiner.

64
Q

Pathologie en matière d’amendements

A

Augmentation vertigineuse des amendements déposés à l’Assemblée :
10 500 pour la 4e législature (1968-1973)
39 000 durant la 7e (1981-1986)
243 000 sous la 12e (2002-2007), dont 137 665 en septembre 2006 sur la loi relative au secteur de l’énergie.
Après une baisse sous la 14e législature (115 000), plus de 200 000 amendements ont été déposés sous la 15e législature.

➞ Détournement manifeste du droit d’amendement aux fins d’obstruction. A l’origine, près de la moitié des amendement était adoptée, a commencé à se réduire sous la 6e législature (1978-1981, < 40 %), jusqu’à se réduire à 7 % sous la 12e (tout de même 17 700 amendements adoptés, contribuant à l’inflation législative). La restriction de l’exercice de ce droit étant insatisfaisante, on est revenu à la règle ancienne consistant à attribuer un temps de parole global à chaque groupe ➞ Instauration du temps législatif programmé par l’art. 49 RAN.

Au Sénat, en 2020, 13 595 amendements déposés en séance, dont 2 695 adoptés.
Le ratio amendements adoptés/enregistrés était plus important dans les années 1960 (près de la moitié en général), mais se maintenait au tiers dans les années 2000. Il est donc en baisse sensible. Les sénateurs de l’opposition sont particulièrement attachés au droit d’amendement en séance qui permet à la fois d’émettre des contre-propositions et de contourner la limitation du temps de parole résultant de l’organisation de la discussion générale (le temps législatif programmé n’y est pas appliqué). Cependant, d’une manière générale, l’obstruction ne fait pas partie de la culture sénatoriale.

Célèbre photo de Jean-Louis Debré posant en 2006 entre les piles de 137 500 amendements déposés sur le projet de loi relatif au secteur de l’énergie.

65
Q

Les irrecevabilités constitutionnelles des amendements

A

Art. 40, 41, 45 al. 1er et 3 C

Irrecevabilités spécifiques sur renvoi des art. 47 et 47-1 C.

L’art. 44 al. 2 C permet au Gouvernement de s’opposer à l’examen d’un amendement après l’ouverture du débat s’il n’a pas été soumis à la commission : pas à proprement parler une irrecevabilité, mais s’oppose à la discussion.

66
Q

Conditions de recevabilité réglementaires des amendements

A

I. Condition de délai (art. 99 RAN/50 RS).

II. Condition de fond :

  • les amendements ne sont recevables que s’ils présentent un lien, même indirect, avec le texte auquel ils s’appliquent (art. 98 al. 6 RAN/44 bis RS) ;
  • les sous-amendements doivent de surcroît ne pas contredire le sens des amendements auxquels ils s’appliquent (art. 98 al. 5 RAN/art. 44 bis al. 3 RS), le texte du RAN précisant qu’ils ne peuvent être amendés.
67
Q

Conditions jurisprudentielles de recevabilité des amendements

A

Les cavaliers législatifs (les dispositions introduites par l’amendement et étrangères à l’objet du projet ou de la proposition) s’exposent à la censure du Conseil constitutionnel qui soulève le moyen d’office (⚠️ Après la première lecture, c’est la règle de l’entonnoir qui s’applique).

⚖️ CC, n° 89-251 DC, Diverses dispositions relatives aux collectivités territoriales : « les adjonctions et modifications apportées au texte en cours de discussion ne sauraient, sans méconnaître les articles 39, al. 1er et 44, al. 1er de la Constitution, être sans lien avec ce dernier » ➞ censure de deux articles confrontés à l’intitulé, à l’exposé des motifs et au dispositif de la loi.

Le considérant de principe est désormais celui de la décision ⚖️ CC, n° 2005-532 DC, Lutte contre le terrorisme : « Le droit d’amendement qui appartient aux membres du Parlement et au Gouvernement doit pouvoir s’exercer pleinement au cours de la première lecture des projets et des propositions de loi par chacune des deux assemblées ; il ne saurait être limité, à ce stade de la procédure et dans le respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire, que par les règles de recevabilité ainsi que par la nécessité, pour un amendement, de ne pas être dépourvu de tout lien avec l’objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie ».

⚠️ Réaction du constituant à cette immixtion dans le travail du législateur par la révision du 23 juillet 2008, à l’art. 45 al. 1er C : « Sans préjudice de l’application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis » ➞ confère paradoxalement le fondement constitutionnel explicite qui lui faisait défaut.

La résolution du 4 juin 2019 a introduit un art. 49-1 A RAN, selon lequel «Les députés peuvent déposer des contributions écrites sur les textes inscrits à l’ordre du jour. Ces contributions peuvent porter sur l’ensemble du texte, sur l’un de ses articles ou sur un amendement.» La conférence des présidents fixe le nombre maximal de ces contributions par député. Ainsi, le chiffre a été fixé à 5 en janvier 2020. Elles sont publiées au JO, en annexe du compte rendu des débats.

68
Q

Les principes de l’art. 40 C

A

I. « Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique. »

📚 Aboutissement de tentatives visant à retirer aux parlementaires l’initiative des dépenses.

II. En 1959, la commission des finances déclara irrecevable une proposition tendant à faciliter l’adoption des enfants naturels, au motif que la modification des droits héréditaires de ces enfants pouvait entraîner une perte de recettes au titre de l’impôt sur les mutations à titre gratuit. À cette occasion, M. Pleven fit remarquer que l’abolition de la peine de mort tomberait sous le coup de l’art. 40 C, car il serait plus onéreux de garder les criminels en prison que de les exécuter.

III. Une jurisprudence plus raisonnable s’est par la suite établie :

  • L’expression « charge publique » est entendue dans un sens très large : l’État, toute autre personne publique, jusqu’à « celles des divers régimes d’assistance et de sécurité sociale » (⚖️ CC, n° 60-11 DC, Exploitants agricoles) ;
  • L’irrecevabilité ne vise que les propositions ou amendements dont l’adoption aurait « une incidence financière directe » (⚖️ CC, n° 75-57 DC, Suppression de la patente et instauration de la taxe professionnelle ), ce qui exclut les hypothèses caricaturales de 1959 : les charges de gestion (c’est-à-dire les coûts de fonctionnement limités, sans aboutir à la création de nouveaux services publics) sont admises par les jurisprudences réglementaires et constitutionnelles (⚖️ CC, n° 99-419 DC, Pacte civil de solidarité) ;
  • l’incidence des mesures proposées s’apprécie non par rapport au texte en discussion, mais par rapport au droit existant que le texte tend à modifier : par conséquent, les parlementaires peuvent refuser une diminution de charge ou une création ou majoration d’impôt proposée par le Gouvernement ;
  • la compensation des dépenses est impossible, en raison du singulier employé par l’art. 40 C ;
  • la compensation est admise entre les ressources, dont le volume doit être maintenu : pratique du gage qui permet de substituer une ressource à une autre, pourvu que la première soit réelle, immédiate et destinée aux mêmes collectivités ou organismes publics que ceux qui supportent les pertes (⚖️ CC, n° 76-64 DC, Règlement du Sénat). Avec l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2022, du Code des impositions sur les biens et services, la formulation du gage a évolué : « taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du Code des impositions sur les biens et services ».
69
Q

La mise en œuvre de l’art. 40 C à l’Assemblée nationale

A

L’Assemblée nationale a interprété strictement l’article, instituant un contrôle systématique des propositions et des amendements au stade de leur dépôt :

  • par une délégation du Bureau pour la recevabilité des propositions (art. 89 al. 1 RAN) ;
  • celle des amendements par le Président après consultation de la commission des finances (art. 89 al. 3 RAN) ;
  • en réalité c’est le président de la commission des finances qui décide, le président de l’Assemblée nationale reprenant, selon la coutume, son avis. Cette règle a connu de régulières exceptions sous la 16e législature ;
  • depuis la réforme de l’art. 42 al 1er C, la recevabilité des amendements déposés devant une commission est appréciée par son président, qui peut consulter le président ou le rapporteur général de la commission des finances.

Plus de souplesse dans le contrôle exercé sur les propositions de loi que sur les amendements, la délégation du Bureau se satisfaisant de l’existence d’un gage, même en matière de dépenses, pour permettre que la proposition soit imprimée.

⚠️ Si une proposition de loi a été adoptée par la première assemblée saisie, la seconde assemblée ne peut opposer l’irrecevabilité de l’art. 40 C

70
Q

La mise en œuvre de l’art. 40 C au Sénat

A

Initialement, pas de contrôle préalable au stade du dépôt des amendements, le réglement prévoyant simplement qu’ils pouvaient faire l’objet d’une irrecevabilité.

Le Conseil constitutionnel a censuré la tentative du Sénat d’aligner sur ce régime celui des propositions de loi en substituant un contrôle a posteriori au contrôle a priori, en affirmant le caractère absolu de l’irrecevabilité.

⚖️ CC, n° 78-94 DC, Règlement du Sénat : l’art. 40 C « établit une irrecevabilité de caractère absolu et fait donc obstacle à ce que la procédure législative s’engage à l’égard de propositions de loi irrecevables » ➞ examen systématique de la recevabilité des propositions, « antérieurement à l’annonce par le Président de leur dépôt et donc avant qu’elles puissent être imprimées, distribuées et renvoyées en commission ».

Avec la décision ⚖️ CC, n° 2006-544 DC, LFSS pour 2007, le Conseil constitutionnel a censuré directement deux articles de loi qui n’avaient pas fait l’objet d’un contrôle de recevabilité effectif et systématique au moment de leur dépôt, au regard de l’art. 40 C. À la suite de cette décision, le président du Sénat a annoncé, le 26 juin 2007, la mise en œuvre d’un contrôle préalable par le président de la commission des finances de la recevabilité des amendements analogue à celui de l’Assemblée nationale. La pratique ne s’est accompagnée d’une révision de l’art. 45 RS que par la résolution du 2 juin 2009.

Depuis la résolution du 18 juin 2019 :
- l’art. 17 bis dispose que «Le président de la commission contrôle la recevabilité des amendements et sous-amendements au regard de l’article 40 de la Constitution et des dispositions organiques relatives aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. Les amendements peuvent être communiqués au président de la commission des finances, qui rend un avis écrit sur leur recevabilité financière.» ;
- l’art. 45 RS dispose que «Le président de la commission des finances contrôle la recevabilité au regard de l’article 40 […]déposés en vue de la séance publique.»

71
Q

Le contrôle de la recevabilité financière par le Conseil constitutionnel

A

Le Conseil constitutionnel n’accepte d’être saisi que si l’exception de l’art. 40 C a été soulevée préalablement (⚖️ CC, n° 77-82 DC, Code des communes ) et ce devant l’assemblée saisie de la proposition ou de l’amendement (⚖️ CC, n° 93-329 DC, 1994, Aide à l’enseignement privé).

Il joue donc le rôle d’un juge d’appel (Louis Favoreu et Loïc Philip).

Il n’a été dérogé à cette règle du préalable que lorsque le Conseil constitutionnel a constaté que la procédure de contrôle de la recevabilité des amendements n’était pas effective, en l’espèce au Sénat (⚖️ CC, n° 2006-544 DC, LFSS pour 2007), ce qui a conduit la Haute assemblée à modifier son règlement.

72
Q

La pratique de l’art. 40 C

A

Irrecevabilité fréquemment appliquée en matière d’amendements.

Pour les propositions de loi, l’irrecevabilité, initialement rarissime, est devenue plus fréquente depuis que les propositions sont inscrites dans le cadre de la « niche » de l’art. 48 al. 3 C, dont la discussion se poursuit jusqu’à ce que le Gouvernement leur oppose l’art. 40 C. Pour les propositions inscrites à l’ordre du jour prioritaire, elles le sont généralement avec l’accord du Gouvernement qui dépose un amendement levant le grief lorsqu’il est soulevé par l’opposition.

Au Sénat, une convention veut que le gouvernement n’invoque pas l’art. 40 C avant la présentation de l’amendement. Mais il peut y être recouru pour lutter contre l’obstruction (loi sur les retraites en 2003, 230 amendements déclarés irrecevables avant d’être discutés).

Elle vaut aussi pour les propositions (incident en 2011, lorsque le ministre de l’Éducation nationale a opposé l’art. 40 C à l’ouverture de la discussion visant à avancer l’âge de la scolarité obligatoire).

⚠️ L’art. 40 C n’est pas applicable aux textes transmis par l’autre assemblée.
Il fait l’objet d’un assouplissement en matière de lois de finances et de lois de financement de la sécurité sociale.

73
Q

Les caractères de l’irrecevabilité de l’art. 41 C

A

« S’il apparaît au cours de la procédure législative qu’une proposition ou un amendement n’est pas du domaine de la loi ou est contraire à une délégation accordée en vertu de l’article 38, le Gouvernement ou le président de l’assemblée saisie peut opposer l’irrecevabilité.
En cas de désaccord entre le Gouvernement et le président de l’assemblée intéressée, le Conseil constitutionnel, à la demande de l’un ou de l’autre, statue dans un délai de huit jours.
»

Différences avec l’art. 40 C :

  1. en cas de désaccord, c’est le Conseil constitutionnel qui statue sur la question de recevabilité (le Conseil ayant été institué pour être, selon Rivero, le « Cerbère » chargé de maintenir le Parlement dans les limites de sa compétence) ;
  2. la procédure est solennelle et paralysante, tandis que l’appréciation de la recevabilité financière est immédiate;
  3. l’irrecevabilité n’est pas absolue, mais relative et facultative. Le Conseil constitutionnel a ainsi dénié la possibilité de le saisir au motif qu’une disposition législative présenterait un caractère règlementaire, car il existe d’autres voies accessibles au gouvernement pour protéger sa compétence - les art. 37, al 2 et 41 C (⚖️ CC, n° 82-143 DC, Blocage des prix et des revenus) ;
  4. la faculté d’opposer l’irrecevabilité de l’art. 41 C, doit résulter de la seule initiative du Gouvernement […] ; dès lors, les dispositions du règlement qui permettent à tout député de demander au Gouvernement d’opposer l’irrecevabilité en provoquant, de ce fait, un débat sur cette demande, ne sont pas conformes à l’art. 41 C (⚖️ CC, n° 95-366 DC, Modification du RAN).
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Q

Domaine de l’art. 41 C

A

Le Conseil ne statue que sur la question de savoir si une proposition ou un amendement est du domaine de la loi et non sur sa conformité à la Constitution, qui nécessite les conditions de l’art. 61 C (⚖️ CC, n° 79-10 FNR, Économies d’énergie).

Les procédures de l’art. 37, al.2 C et de l’art. 41 C sont selon lui les seules procédures qui permettent de le saisir au titre de la protection du domaine du règlement (⚖️ CC, n° 82-143 DC, Blocage des prix et des revenus – écart à cette jurisprudence avec ⚖️ CC, n° 2005-512 DC, Avenir de l’école , mais retour avec ⚖️ CC, n° 2011-649 DC, Simplification du droit).

75
Q

Mise en œuvre de l’art. 41 C

A

L’exception peut être soulevée dès le dépôt du texte visé et, pour un amendement, « tant que la discussion de cet amendement n’est pas close » (⚖️ CC, n° 61-4 FNR, Fixation des prix agricoles).

En revanche, elle ne peut être soulevée devant l’autre assemblée, car le texte n’est plus une proposition ou un amendement, mais « la délibération d’une assemblée parlementaire » (François Luchaire).

Mise en œuvre solennelle et paralysante : l’admission et la contestation de l’irrecevabilité étant une prérogative personnelle du président, la séance est suspendue en attendant sa décision s’il s’agit d’une proposition ou l’amendement réservé le cas échéant. Si le Président n’est pas de l’avis du gouvernement, la discussion est suspendue jusqu’à la notification de la décision du Conseil constitutionnel dans les huit jours (≠ recevabilité financière immédiatement tranchée).

Pourtant étendue par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 au président de l’assemblée saisie et aux amendements d’origine gouvernementale.

Il ne joue plus le rôle auquel il était destiné. Le Conseil constitutionnel n’est intervenu que 11 fois, dont 7 sur la demande du président du Sénat. La dernière saisine remonte à 1979.

76
Q

Extension de l’art. 41 C

A

La procédure a été étendue par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 au président de l’assemblée saisie. Elle s’exerce non seulement à l’encontre d’initiatives parlementaires, mais également d’amendements d’origine gouvernementale.

Un arrêté a été pris par le bureau du Sénat en 2015 pour décider que la commission saisie au fond est compétente pour adresser au Président du Sénat une liste des propositions de loi ou des amendements ne relevant pas du domaine de la loi ; disposition codifiée en 2019 dans le règlement du Sénat (art. 45 RS).

L’Assemblée nationale s’est dotée du même mécanisme (art. 93 RAN). Le Conseil constitutionnel a indiqué que la liste transmise au président de l’assemblée n’avait qu’une valeur indicative et ne saurait le lier, et que ce dernier conserve la capacité d’opposer l’irrecevabilité réglementaire de sa propre initiative (⚖️ CC, n° 2019-785 DC, Règlement de l’Assemblée nationale ; n° 2019-786 DC, Règlement du Sénat).

77
Q

Pratique de l’art. 41 C

A

Cet article ne joue plus le rôle auquel il était destiné.

Le Conseil constitutionnel n’est intervenu que 11 fois, dont 7 sur la demande du président du Sénat. La dernière saisine remonte à 1979.

Depuis, il sert surtout à écarter des amendements d’obstruction, en particulier au Sénat. Il n’est guère sollicité en séance à l’Assemblée nationale, si l’on excepte l’irrecevabilité opposée à 14 600 amendements déposés sur le projet de loi relatif à la régulation postale.

78
Q

Caractère de l’irrecevabilité de l’art. 45 C

A

À la suite de la révision constitutionnelle de 2008, l’art. 45, al. 1er C dispose que «sans préjudice de l’application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis.»

En 2019, de manière inédite, le commentaire officiel de la décision ⚖️ CC n° 2019-778 DC, Loi de programmation pour la justice, a précisé le sens des mots «texte déposé ou transmis»: le texte de référence est celui déposé initialement, car une autre interprétation laisserait la possibilité à la seconde assemblée saisie d’amender des cavaliers introduits par la première dans le texte qu’elle lui a transmis.

79
Q

Contrôle de l’irrecevabilité de l’art. 45, al. 1er C effectué au niveau des assemblées

A

La règle a été reprise par les règlements (art. 98 RAN et 44 bis RS).
Le service de la séance du Sénat a adopté en 2017 un vademecum sur les irrecevabilités de l’art. 45 C («cavaliers législatifs» et «règle de l’entonnoir»), mis à jour en 2019 après l’indication de Gérard Larcher, lors de la conférence des présidents du 20 février 2019, que la volonté politique du bureau et de la conférence des présidents était de recentrer la séance publique sur l’essentiel du débat politique en évitant de se disperser sur des mesures diverses ou des amendements sans avenir.

Un vademecum sur les « Irrecevabilités de nature constitutionnelle » a été publié en 2022, ainsi qu’un vademecum du sénateur en 2023.

Au Sénat, 144 amendements ont été déclarés irrecevables sur ce fondement en 2019-2020. À l’Assemblée nationale, 4,5 % des amendements sur la même session.

Les commissions saisies au fond sont seules compétentes pour se prononcer sur la recevabilité des amendements, soit lors de leur dépôt en commission, soit si cette irrecevabilité est soulevée en séance. Ainsi, «L’irrecevabilité est admise de droit et sans débat lorsqu’elle est affirmée par la commission au fond.» (art. 44 bis RS).
L’assemblée nationale a précisé dans sa résolution du 18 juin 2019 les modalités de contrôle: en commission, la recevabilité est appréciée par le président de la commission saisie au fond; en séance, par le président, après consultation éventuelle du président de la commission (art. 98 RAN).
En 2019, le nombre important de décisions d’irrecevabilité (165) sur la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises a entraîné la désapprobation de la part des élus.
Le Conseil constitutionnel a jugé que ces décisions n’avaient pas à être motivées, ni à être soumises à la possibilité d’un recours. Il vérifie toutefois que les amendements déposés par des parlementaires appartenant à des groupes d’opposition n’aient pas fait l’objet d’un traitement différent des autres amendements (⚖️ CC, n° 2019-778 DC, Loi de programmation pour la justice).

80
Q

Contrôle juridictionnel de l’irrecevabilité de l’art. 45 C

A

I. Le vice de procédure législative ne pouvant être invoqué dans le cadre de la QPC, le Conseil doit y être attentif dans l’exercice de son contrôle a priori. Alors que l’intention du constituant de 2008, en modifiant l’art. 45, al. 1er C, était de desserrer la contrainte jurisprudentielle, il l’a au contraire renforcée en lui conférant un fondement textuel.
Le nombre d’invalidations par le Conseil constitutionnel est allé croissant. Ainsi, 24 cavaliers législatifs ont été censurés dans la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises (⚖️ CC, n° 2019-781 DC, Loi Pacte ).
II. A. Le Conseil constitutionnel a récemment précisé les modalités de son contrôle: il lui appartient de déclarer contraire à la Constitution les dispositions introduites en méconnaissance de la règle de procédure, ce qui ne préjuge pas, le cas échéant, de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles (⚖️ CC, n° 2019-794 DC, Loi d’orientation des mobilités). Dans cette décision, la censure est davantage motivée et les observations produites par le gouvernement sur ces aspects sont rendues publiques sur son site internet.

B. La censure ne prive pas le législateur de la possibilité d’adopter à nouveau ces dispositions dans un autre texte (⚖️ CC, n° 2022-846 DC, Loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur).

C. Désormais, la décision de censure est davantage motivée :
- Le Conseil constitutionnel rappelle tout d’abord, titre par titre, le périmètre initial du projet de loi ;
- Il évoque les raisons pour lesquelles une disposition censurée doit être regardée comme dépourvue de lien avec celui-ci.

D. Néanmoins, l’appréciation du lien reste imprégnée d’une certaine subjectivité. La loi sur l’immigration (⚖️ CC, n° 2023-863 DC, Loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration) a vu censurer un tiers de son dispositif sur le fondement de l’art. 45, al. 1er C. En dépit des observations apportées par la Commission des lois du Sénat au Conseil constitutionnel, rappelant l’intention du Constituant de 2008 d’assouplir la jurisprudence antérieure du Conseil constitutionnel, et relevant que « l’appréciation de l’existence ou d’un lien même indirect ne saurait conduire à priver le Parlement, en première lecture, de la possibilité d’attraire dans la réforme envisagée des dispositions qui assurent une approche dénuée d’angles morts », la censure prononcée a conduit à considérer que « la portée extensive donnée par le Conseil à la notion de “cavaliers législatifs” méconnaît la lettre et l’esprit de l’article 45 de la Constitution (Pierre Avril, Jean-Pierre Camby, Jean-Éric Schoettl , « L’équilibre des pouvoirs publics au prisme de la loi “ pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration”, mars 2024).

81
Q

Les cavaliers organiques

A

Le Conseil constitutionnel censure les dispositions introduites par voie d’amendements qui se fondent sur des articles de la Constitution différents de ceux sur le fondement desquels a été pris le projet ou proposition de loi organique (⚖️ CC, n° 2016-732 DC, Obligations déontologiques des magistrats ).

Il apporte un tempérament dans le cadre des lois organiques relatives à l’outre-mer et pour les mesures de coordination.

82
Q

Le bicamérisme : vue d’ensemble

A

La Constitution :

  • a rétabli le bicamérisme, après la parenthèse du Conseil de la République, de 1946 à 1954. Le bicamérisme implique un rôle normalement identique dans le vote de la loi ;
  • a perfectionné son fonctionnement en prévoyant une procédure de conciliation en cas de désaccord entre les deux chambres.

Ce bicamérisme est inégalitaire :

  • l’Assemblée a le pouvoir de statuer définitivement en cas d’échec ;
  • il est contrôlé par le Gouvernement qui détient seul la prérogative de recourir tant à la conciliation qu’au « dernier mot » des députés.

Il implique également une navette et le principe de l’entonnoir.

83
Q

La jurisprudence constitutionnelle de l’entonnoir

A

« Devant chaque chambre, le débat se restreint, au fur et à mesure des lectures successives d’un texte, sur les points de désaccord, tandis que ceux des articles adoptés en termes identiques sont exclus de la navette. »

Jean-Pierre Camby, « Droit d’amendement et navette parlementaire : une évolution achevée », RDP, 2006

84
Q

Le principe de la navette

A

Art. 45, al. 1er C : « Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux assemblées du Parlement en vue de l’adoption d’un texte identique. »

Va-et-vient du texte jusqu’à l’adoption des dispositions dans les mêmes termes : navette, sauf si procédure accélérée.

La transmission d’un texte adopté par une assemblée à l’autre se fait :

  • pour les projets, par le Premier ministre, via le Secrétariat général du gouvernement ;
  • pour les propositions, par le président de cette dernière.

L’examen du texte adopté doit d’abord passer par la commission, le texte de celle-ci servant de base de la discussion en séance (art. 42, al. 1er C).

Les trois hypothèses devant la seconde assemblée :
1. adoption conforme par la seconde assemblée : transmission par le président au président de la République par l’intermédiaire du Secrétariat général du gouvernement ;
2. modification : retour vers l’autre chambre, seules restant en discussion les dispositions sur lesquelles subsistent des divergences ;
3. rejet : le président en avise le gouvernement (projet) ou le président de l’autre assemblée (proposition). Un rejet n’interrompt pas les procédures fixées par l’art. 45 C (art. 109 RAN ; l’art. 65 RS ne comporte pas cette précision mais la même règle s’appliquerait au Sénat selon la décision ⚖️ CC, n° 2008-564 DC, Loi relative aux OGM pour le Parlement).

Depuis 2020, la lisibilité du travail législatif a été renforcée par la mise en place par le Sénat, avec le concours de l’Assemblée nationale, d’une nouvelle rubrique intitulée «La loi en construction» sur son site interne. Un tableau permet désormais de retracer, en temps réels, les apports de chaque assemblée sur les textes de loi en cours de discussion.

85
Q

Exercice du droit d’amendement pendant la navette

A

Art. 108 RAN et 44 bis RS :

  • limitation de la discussion des articles à ceux pour lesquels les deux assemblées n’ont pu parvenir à un texte identique, ce qui enserre le droit d’amendement dans ce cadre ;
  • seules exceptions : assurer le respect de la Constitution, opérer une coordination des textes en cours d’examen ou corriger une erreur matérielle.

➞ C’est la règle de l’entonnoir.

⚠️ L’unité de discussion est l’article : la modification d’un seul mot suffit à ce que tout l’article reste en navette.

86
Q

Pratique de la navette

A

I. Sur la période 1959-2019 :
* 63,5 % de lois adoptées en navette sans CMP ;
* 24 % à partir du texte de la CMP ;
* 12,5 % avec le dernier mot de l’Assemblée nationale.

II. Grande variabilité. Par exemple, dernier mot :
* 6 % sous la 13e législature ;
* 23 % sous la 14e.

87
Q

Prérogative gouvernementale en matière de navette

A

L’art. 45 al. 2 C permet au Gouvernement de prendre l’initiative en cas d’impossibilité d’accorder les assemblées :

  • en cas de désaccord entre les deux assemblées après deux lectures ou une déclaration de procédure accélérée après une seule lecture par chacune d’elle ;
  • convocation d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion ;
  • sont exclues de cette procédures les révisions constitutionnelles et les lois organiques relatives au Sénat, qui doivent être adoptées en termes identiques.
88
Q

Prérogative parlementaire en matière de navette

A

I. Depuis la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, les présidents des deux assemblées « agissant conjointement, ont la faculté de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire ».

II. A. Exercice de ce droit par les présidents Larcher et Accoyer en 2009, sur la proposition relative aux détecteurs de fumée.

B. En revanche, refus en 2021 du président Ferrand, sollicité par six groupes, d’agir en ce sens pour une proposition de loi relative à l’allocation adulte handicapé.

89
Q

La notion d’urgence

A

Ancien art. 102 RAN et pratique identique au Sénat : le gouvernement ne peut déclarer l’urgence que jusqu’à la clôture de la discussion générale ; dans le cadre d’une proposition de loi, avant son inscription à l’ordre du jour.

Dans le cas d’une déclaration d’urgence sur un texte d’abord examiné par l’Assemblée, la rédaction sénatoriale n’était pas examinée par les députés mais directement transmise à la CMP ; et inversement ➞ critiques formulées à l’égard de l’urgence.

6 déclarations d’urgence sous la première législature, 146 sous la 7e (1981-1986), 126 sous la 13e législature (2007-2012 - devenue «procédure accélérée»).

Le gouvernement peut retirer l’urgence après l’avoir déclarée (sept cas entre 1992 et 2008).

Selon Georges Vedel, alors membre du Conseil constitutionnel (séance du 23 août 1985 sur la nouvelle délibération de la loi sur l’évolution de la Nouvelle-Calédonie), « c’est le Conseil qui apprécie l’urgence et non pas le Gouvernement».

90
Q

La procédure accélérée

A

Elle a été substituée à la notion d’urgence par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008.

Elle permet de déroger aux délais de l’art. 42, al. 3 C. Les conférences des présidents des assemblées peuvent conjointement s’y opposer (art. 45 al. 2 C).

Selon Georges Bergougnous (« L’ordre du jour partagé et les nouveaux rythmes du travail législatif », Le nouveau Règlement de l’Assemblée nationale, 2010), bien qu’elle ne se soit jamais manifestée, cette dernière disposition a contribué à la baisse du recours à la procédure accélérée au lendemain de son entrée en vigueur. Pour autant, le recours à la procédure accélérée s’est fortement relevée ensuite, atteignant 75 % sur la période 2017-2019, et 97 % sur les projets de loi pour la session ordinaire 2017-2018. Sur l’ensemble de la 15e législature, la procédure accélérée a été déclarée sur 224 projets ou propositions de loi.

En 2014 la conférence des présidents du Sénat s’est opposée à l’engagement de cette procédure pour l’examen du projet relatif à la délimitation des régions, mais n’a pas été suivie par celle de l’assemblée ; mais le gouvernement s’est alors engagé à ce qu’il y ait, avant la réunion de la CMP, deux lectures du projet. Une autre opposition a porté, en janvier 2020, sur le projet de loi relatif à la réforme des retraites.

91
Q

La commission mixte paritaire

A

L’ordonnance n° 58-1100 laisse aux assemblées parlementaires le soin de fixer les règles de nomination de la commission mixte paritaire prévue à l’art. 45, al. 3 C (⚖️ CC, n° 68-36 DC, Modification du RS). Composée à égalité de députés et de sénateurs, soit sept selon un accord entre elles (art. 111 RAN et art. 8 quater RS), ainsi que de sept suppléants, qui représentent leurs groupes mais n’ont de voix délibératives que dans le cas où ils seraient nécessaires pour maintenir la parité.

La résolution du 27 mai 2009 a consacré la pratique selon laquelle la liste des candidats est établie par le président de la commission saisie du texte, qui s’efforce de reproduire la configuration politique de l’Assemblée, afin d’éviter un scrutin, qui a lieu si le nombre des candidats est supérieur à celui des sièges à pourvoir.
Cette disposition est importante car le texte sur lequel la majorité de ses membres se prononce devra recueillir l’accord des deux assemblées. L’Assemblée n’a longtemps nommé que des représentants de sa majorité.

La résolution du 4 juin 2019 prévoit que chaque groupe a le droit de disposer d’au moins un siège de titulaire ou de suppléant au sein de la CMP, sous réserve que le groupe disposant du plus grand nombre de sièges de titulaires conserve au moins un siège de suppléant

Au Sénat, la liste des candidats est établie par la commission (art. 8 quater RS), sauf opposition de 30 sénateurs ou d’un président de groupe (alors débat et scrutin).

92
Q

Fonctionnement de la commission mixte paritaire

A

Les réunions se déroulent alternativement au Palais Bourbon et au Luxembourg.
Chaque commission mixte paritaire désigne comme président celui de la commission saisie au fond de l’assemblée où elle siège, comme vice-président son homologue de l’autre assemblée, et comme rapporteurs (2) ceux des deux commissions.

La procédure applicable est celle prévue par le règlement de l’assemblée où elle siège. Pour autant, des violations alléguées de ce règlement ne sont pas de nature à justifier une violation de l’art. 45 C (⚖️ CC, n° 82-155 DC, LFR pour 1982).

Une commission mixte paritaire peut se réunir en dehors des sessions.

93
Q

⚖️ CC, n° 98-402 DC, Diverses dispositions d’ordre économique et financier

A

Le Conseil constitutionnel répudie sa jurisprudence autorisant l’introduction d’articles nouveaux dans un texte après la réunion de la commission mixte paritaire.

Il revient à une stricte application de la lettre constitutionnelle : des adjonctions ne sauraient, en principe, être apportées au texte soumis à la délibération des assemblées après la réunion de la commission mixte paritaire.

94
Q

Rôle de la CMP

A

Le gouvernement n’y est pas représenté : « Un des rares espaces de liberté du Parlement » ; c’est « le lieu de la négociation et du compromis (G. Bergougnous).

Mission : «Il ressort de l’économie de l’article 45 de la Constitution que la réunion d’une commission mixte paritaire a pour objet de permettre l’élaboration d’un texte susceptible d’être adopté en termes identiques par les deux assemblées» (⚖️ CC, n° 2019-785 DC, Modification du RAN) ➞ Elle porte sur les dispositions restant en discussion, sur la base du texte de la dernière assemblée saisie, ou l’autre si rejet de l’ensemble du texte.

Il était usuel, en pratique, que les dispositions restant en discussion fussent celles du texte adopté par l’Assemblée nationale, mais il en a été différemment pour la réforme des retraites en 2023.

L’introduction de dispositions nouvelles est censurée (⚖️ CC, n° 98-402 DC, Diverses dispositions d’ordre économique et financier) et même soulevée d’office.

Originellement, différence de conception, à partir de 1981 :
1. pour les sénateurs, il fallait rechercher pour chaque article une rédaction commune susceptible d’être reprise en nouvelle lecture ;
2. pour les députés, il était inutile de poursuivre l’examen dès qu’une divergence importante révélait l’impossibilité d’un accord;
3. la jurisprudence a tranché ➞ lorsque la commission ne s’accorde ni sur la rédaction ni sur la suppression de certaines dispositions, son échec peut être constatée pour l’ensemble des dispositions restant en discussion (⚖️ CC, n° 2001-454 DC, Loi relative à la Corse).

95
Q

La publicité des travaux de la commission mixte paritaire

A

La publicité des travaux de la commission mixte paritaire est limitée. L’art. 112 RAN indique seulement que les conclusions font l’objet de rapports imprimés, distribués dans les assemblées et communiqués au Premier ministre.

Saisie d’une demande de l’opposition, la présidente de l’Assemblée nationale a refusé, le 14 mars 2023, d’accéder aux demandes visant à permettre une retransmission publique des travaux de la commission mixte paritaire sur la réforme des retraites. Quatre députés ont divulgué des informations en direct sur les réseaux sociaux, donnant lieu à des rappels à l’ordre prononcés par le bureau le 5 avril 2023.

96
Q

Issue de la procédure paritaire

A

L’art. 45, al. 3 C, en disposant que «Le texte élaboré par la commission mixte peut être soumis par le Gouvernement pour approbation aux deux Assemblées. Aucun amendement n’est recevable sauf accord du Gouvernement.», interdit tout nouvel amendement sauf accord du gouvernement. Le texte de la CMP peut être soumis pour approbation par le Gouvernement aux deux assemblées.

L’Assemblée nationale statue d’abord sur les amendements acceptés ou déposés par le Gouvernement puis, par un vote unique, sur l’ensemble du texte (art. 113 RAN).

Le Sénat applique la même procédure s’il se prononce avant celle-ci, sinon il vote directement sur l’ensemble du texte en ne retenant que les amendements ayant reçu l’accord du Gouvernement (art. 42 RS).

La coutume veut que le Sénat soit saisi en premier du rapport de la commission mixte paritaire pour les textes déposés initialement sur son bureau.

Au Palais Bourbon, il arrive que le Gouvernement demande d’emblée le scrutin unique de l’art. 44, a. 3 C sur l’ensemble, lorsque ses amendements sont mal reçus par la majorité, notamment parce qu’ils remettent en cause l’accord réalisé en commission mixte paritaire.

97
Q

Limitation du droit d’amendement

A

L’art. 45 al. 3 C dispose que « Le texte élaboré par la commission mixte peut être soumis par le Gouvernement pour approbation aux deux Assemblées. Aucun amendement n’est recevable sauf accord du Gouvernement ».

Ce qui était conçu comme une technique législative a été appliqué comme un moyen de gouvernement, cette disposition ayant interprétée comme ouvrant le droit au Gouvernement de remettre en cause l’économie du texte transactionnel.

98
Q

Bilan de l’activité de la CMP

A

De 1959 à septembre 2022, sur 3 819 lois adoptées (à l’exclusion des autorisations de ratification d’un engagement international), 2 387 l’ont été après la navette (64 %), 947 (25 %) sur le texte de la commission mixte paritaire, et 485 (12 %) avec le dernier mot de l’Assemblée nationale.

Le taux de réussite des commissions mixtes paritaires varie fortement : 32 % sous la 7e législature (1981-1986), 100 % sous la 12e (2002-2007).

La navette est bien le mode de droit commun d’adoption des textes.

99
Q

En cas d’échec de la procédure paritaire

A

L’art. 45, al. 3 C autorise :

  • la reprise de la navette ;
  • après une nouvelle lecture par l’Assemblée nationale et par le Sénat, le Gouvernement à demander à la première de statuer définitivement.
100
Q

Les causes d’un échec de la procédure paritaire

A

La CMP n’a pas permis de surmonter le désaccord entre les deux chambres :
* en raison de divergences de fond (ponctuellement sur un texte alors que les deux majorités sont concordantes, par exemple sur le statut de la magistrature en 1980) ;
* ou en raison d’une opposition politique entre les deux majorités respectives (qui conduit à un taux d’aboutissement de la CMP moins fréquent en période de divergence de majorités).

2° Une des assemblées refuse de ratifier le texte auquel ses représentants ont donné leur aval. Cela peut provenir de la remise en cause par le Gouvernement des dispositions sur lesquelles la CMP était parvenue à un accord. Le rejet se produit dans la quasi-totalité des cas au Sénat, devant laquelle la responsabilité du Gouvernement ne peut être engagée.

101
Q

La nouvelle lecture après l’échec de la CMP ou le rejet de ses propositions

A

L’assemblée délibère en nouvelle lecture sur le dernier texte dont elle était saisie avant la création de la commission mixte paritaire. À ce stade, les parlementaires peuvent à nouveau l’amender.

Puis transmission au Sénat, dont certains amendements seront éventuellement repris. Il arrive que le Sénat adopte la rédaction votée en nouvelle lecture par les députés (ainsi en 2022 sur des propositions de loi relatives aux lois de financement de la sécurité sociale).

Puis si besoin, transmission à l’Assemblée nationale pour qu’elle statue définitivement. Exceptionnellement, le Gouvernement peut laisser la navette se poursuivre après la nouvelle lecture sans demander aux députés de statuer définitivement (adoption de la loi d’adaptation de l’exploitation agricole en quatrième lecture à l’assemblée nationale en 1989).

102
Q

La dernière lecture

A

« Le Gouvernement peut […] demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement» (art. 45 al. 4 C) :

  1. soit en reprenant le texte élaboré par la commission mixte. Cas rarissime ;
  2. soit en reprenant le dernier texte voté par elle, modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements adoptés par le Sénat (ne pouvant voter que sur ces amendements).

Dans tous les cas, aucun amendement nouveau n’est recevable, y compris de la part du Gouvernement, y compris des amendements sénatoriaux adoptés en première lecture : la notion d’«amendements adoptés par le Sénat» s’entend donc de ceux issus de la nouvelle lecture (⚖️ CC, n° 91-290 DC, Statut de la Corse ). Contrairement à ce qu’a soutenu l’Assemblée nationale entre 2009 et 2015, ils comprennent aussi ceux adoptés en commission, même s’ils ont été modifiés en séance publique (⚖️ CC, n° 2014-709 DC, 2015, Loi relative à la délimitation des régions).

Lors de la nouvelle lecture après commission mixte paritaire, le Sénat peut déterminer le champ du débat en dernière lecture, puisqu’un amendement déposé à l’Assemblée nationale ne peut que reprendre une modification apportée lors de l’examen du texte en nouvelle lecture au Sénat (sauf respect de la constitution, coordination avec des textes en cours d’examen ou correction d’une erreur matérielle).

Le travail de la commission se borne à donner un avis sur les amendements : l’art. 42, al. 1er C ne s’applique pas en lecture définitive (⚖️ CC, n° 2015-715 DC, Loi pour la croissance).

103
Q

Refus de l’Assemblée nationale d’adopter le texte en dernière lecture

A

I. Pour la première fois sous la Ve République, l’Assemblée nationale a refusé le 3 août 2022 d’adopter le projet de loi de règlement pour 2021.

II. Les raisons :

  • Émiettement politique de la 16e législature ;
  • Faiblesse de la majorité de soutien au Gouvernement.
104
Q

Les deux logiques du bicamérisme de la Ve République

A

Pratique du bicamérisme inégalitaire et contrôlé établie par l’art. 45 C = deux philosophies, selon Jean Mastias :

  1. dialogue entre les deux assemblées : approche prônée par le Sénat, attaché à son rôle législatif et à la sa contribution à l’élaboration des textes, ainsi que par la minorité de l’Assemblée ;
  2. priorité à l’action gouvernementale et volonté de faire prévaloir sans tarder la volonté majoritaire.
    ➞ En cas de divergences de majorités politiques au sein des assemblées, les deux logiques opèrent inégalement suivant la nature des textes.

La navette est le droit commun d’adoption des textes, avec son prolongement, la procédure paritaire.

105
Q

Définition de l’entonnoir

A

« Devant chaque chambre, le débat se restreint, au fur et à mesure des lectures successives d’un texte, sur les points de désaccord, tandis que ceux des articles adoptés en termes identiques sont exclus de la navette. »

Jean-Pierre Camby, « Droit d’amendement et navette parlementaire : une évolution achevée », RDP, 2006

106
Q

Le principe de l’entonnoir

A

I. Resserrement de la délibération autour des dispositions sur lesquelles les deux assemblées ne sont pas parvenues à un accord. De fait, irrecevabilité :

  • des amendements introduisant des dispositions entièrement nouvelles après la première lecture ;
  • des amendements mettant en cause les dispositions adoptées ou rejetées par un vote conforme des deux assemblées.

II. Cette règle coutumière, apparue sous la IIIe République, est indissociable de la navette. Cependant, la jurisprudence du Conseil constitutionnel y a longtemps dérogé en ce qui concerne les initiatives du Gouvernement.

107
Q

⚖️ CC, n° 81-136 DC, LFR pour 1981 (III)

A

Le Conseil constitutionnel admet la possibilité de présenter des articles entièrement nouveaux au-delà de la première lecture, y compris dans la lecture intervenant après la réunion infructueuse de la commission mixte paritaire.

108
Q

⚖️ CC, n° 2000-430 DC, Égal accès aux mandats d’outre-mer

A

Cette décision complète la jurisprudence ⚖️ CC, n° 98-402 DC, Diverses dispositions d’ordre économique et financier en précisant que seuls peuvent être adoptés après la commission mixte paritaire les amendements en relation directe avec :
- une disposition restant en discussion ;
- le respect de la Constitution ;
- la coordination avec d’autres textes en examen au Parlement ;
- la correction d’une erreur matérielle.

109
Q

⚖️ CC, n° 86-221 DC, LF pour 1987

A

Possibilité de présenter des articles entièrement nouveaux après la réunion d’une CMP ayant abouti à l’adoption d’un texte commun.

110
Q

⚖️ CC, n° 2000-434 DC, Loi relative à la chasse

A

Cette décision a renversé la jurisprudence ⚖️ CC, n° 86-221 DC, LF pour 1987, en considérant que les « dispositions restant en discussion » de l’art. 45 C, des dispositions adoptées en termes identiques avant la réunion de la commission mixte paritaire ne sauraient, en principe, être modifiées après cette réunion (sauf correction d’une erreur matérielle, respect de la Constitution, etc.).

111
Q

⚖️ CC, n° 2006-535 DC, Loi pour l’égalité des chances

A

Cette décision consacre la règle de l’entonnoir, en systématisant la logique de la jurisprudence ⚖️ CC, n° 98-402 DC, Diverses dispositions d’ordre économique et financier dès après la première lecture, en considérant que les adjonctions ou modifications qui peuvent être apportées après la première lecture par les membres du Parlement et par le Gouvernement doivent être en relation directe (« ne pas être dépourvu de tout lien ») avec une disposition restant en discussion.

112
Q

L’évolution de la jurisprudence du Conseil constitutionnel à propos du droit d’amendement

A

Originellement, le Conseil constitutionnel a admis la possibilité de présenter des amendements nouveaux, et même des articles entièrement nouveaux au-delà de la première lecture, y compris en nouvellee lecture après échec de la CMP (⚖️ CC, n° 81-136 DC, LFR pour 1981 (III) ), jurisprudence étendue au cas du succès de la commission mixte paritaire, et donc modifiant des textes qui ont été adoptés dans les mêmes termes par les deux assemblées (⚖️ CC, n° 86-221 DC, LF pour 1987 : le gouvernement pouvait donc introduire au stade de la commission mixte paritaire des mesures entièrement nouvelles à l’égard desquelles les assemblées se trouvaient dessaisies de leur droit d’amendement en application de l’art. 45 C).

⚖️ CC, n° 98-402 DC, Diverses dispositions d’ordre économique et financier : les seuls amendements susceptibles d’être adoptés après réunion de la commission mixte paritaire doivent soit être en relation directe avec une disposition du texte en discussion, soit être dictés par la nécessité d’assurer une coordination avec d’autres textes en cours d’examen au Parlement.

⚖️CC, n° 2000-430 DC, Égal accès aux mandats d’otre-mer : les seuls amendements susceptibles d’être adoptés après la réunion de la commission mixte paritaire doivent être soit en relation directe avec une disposition restant en discussion, soit dictés par la nécessité de respecter la Constitution, d’assurer une coordination avec d’autres textes en cours d’examen au Parlement ou de corriger une erreur matérielle.

⚖️CC, n° 2000-434 DC, Loi relative à la chasse : des adjonctions ne peuvent plus être faites par amendement à un texte après qu’il a été adopté par la CMP.

⚖️ CC, n° 2006-535 DC, Loi pour l’égalité des chances : quelle qu’en soit la portée, un amendement, pour être recevable, ne doit pas être dépourvu de lien avec l’objet du texte qu’il modifie.

113
Q

Impuissance du Conseil constitutionnel dans l’application de la règle de l’entonnoir

A

Le Conseil constitutionnel ne dispose pas des moyens de sanctionner un amendement supprimant irrégulièrement un article voté en termes identiques. Il ne tient «pas des articles 61 et 62 de la Constitution le pouvoir de rétablir un article irrégulièrement supprimé au cours des débats parlementaires » (⚖️ CC, n° 2017-745 DC, Loi relative à l’égalité et à la citoyenneté). Il s’assure cependant que cette suppression ne porte pas une «atteinte inconstitutionnelle aux exigences de clarté et de sincérité des débats».

114
Q

Limites de la règle de l’entonnoir

A

Elle ne s’applique qu’à l’égard de l’intégralité d’un article.
Comme la rappelé le Conseil constitutionnel, la totalité des dispositions d’un article est considérée comme restant en discussion, y compris pour les parties adoptées en termes identiques (⚖️ CC, n° 2018-771 DC, Relations commerciales dans le secteur agricole).

115
Q

Les exceptions admises à la règle de l’entonnoir

A

⚖️ CC, n° 2019-786 DC, Règlement du Sénat

Le Conseil constitutionnel réaffirme les trois exceptions à la règle de l’entonnoir: respect de la Constitution, coordination avec des textes en cours d’examen ou correction d’une erreur matérielle.

Toutefois, «ces trois exceptions sont limitées dans leur portée». Il n’est ainsi pas possible:
- de tirer les conséquences nécessaires d’une décision du Conseil constitutionnel prononçant l’abrogation avec effet différé d’une disposition législative;
- de corriger une erreur matérielle dans un autre texte en cours d’examen ou dans un texte promulgué depuis le début de l’examen du texte en discussion (en revanche, possibilité si le texte a été promulgué après le début de l’examen du texte qui fait l’objet de l’amendement).

116
Q

La nouvelle délibération de la loi

A

Disposition traditionnelle reprise par l’art. 10, al. 2 C.

Le président peut, avant l’expiration du délai de promulgation (quinze jours suivant l’art. 10, al. 1er), demander au Parlement une nouvelle délibération de la loi ou de certains de ses articles.

Introduite à l’initiative de Tocqueville dans la Constitution de 1848 et reprise par la suite dans la loi constitutionnelle du 16 juillet 1875 sur les rapports des pouvoirs publics et dans la Constitution du 27 octobre 1946.

Selon Eugène Pierre, le terme de «délibération» est synonyme de «lecture» et ne désigne donc pas une reprise intégrale de la procédure bicamérale, ce qui impliquerait une loi entièrement nouvelle.

Elle n’affecte pas la liberté de décision du Parlement, n’exprimant en tant que prérogative présidentielle qu’un « pouvoir de résistance » (Carré de Malberg).

Qualifiée de «phase complémentaire de la procédure législative» par le Conseil constitutionnel, elle est extérieure au processus de confection de la loi (⚖️ CC, n° 85-197 DC, Évolution de la Nouvelle-Calédonie).

117
Q

La finalité de la nouvelle délibération de la loi

A

Elle peut suivre deux desseins :
- corriger une malfaçon rédactionnelle (12 fois sous la IVe République) ;
- faire respecter le rôle de gardien de la Constitution dévolu au président de la République.

118
Q

Nouvelle lecture après décision de non-conformité

A

Après la censure de certaines dispositions contenues dans une loi (⚖️ CC, n° 85-196 DC, Évolution de la Nouvelle-Calédonie ), le président de la République, plutôt que de promulguer la loi amputée de ces dispositions, demanda au Parlement un nouvel examen, procédure que valida le Conseil constitutionnel (⚖️ CC, n° 85-197 DC, Évolution de la Nouvelle-Calédonie II).

Le terme de «délibération» étant synonyme de «lecture», il est possible de recourir au dernier mot de l’assemblée nationale (⚖️ CC, n° 85-197 DC).

Il n’est en revanche pas possible, faute de support législatif, de demander une nouvelle délibération à la suite d’une décision de non-conformité totale ou visant des dispositions non détachables. Ainsi, après la décision ⚖️ CC, n° 81-132 DC, Nationalisations ayant procédé à la censure intégrale de la loi, en raison du caractère inséparable des dispositions jugées non conformes, la procédure législative a été reprise à zéro.

119
Q

La procédure de la nouvelle délibération de la loi

A

Aucune condition, sauf celles du contreseing du Premier ministre (art. 19 C) et du délai pour promulguer (quinze jours selon l’art. 10 al. 1er C).

Le président de la République délimite la portée de la nouvelle délibération.

≠ seconde délibération avant le vote sur l’ensemble intervenant à la demande du Gouvernement : renvoi en commission devant la commission compétente (mais l’Assemblée nationale peut décider de l’attribuer à une autre commission - art. 116 RAN).

L’art. 45 C est applicable de plein droit à la nouvelle délibération (⚖️ CC, n° 85-197 DC, Évolution de la Nouvelle-Calédonie II).

120
Q

Application de l’art. 10 al. 2

A

La nouvelle délibération n’a été appliquée qu’à trois reprises depuis 1958 :
1° Par un décret de 1983, le président de la République a demandé une nouvelle délibération de la loi sur l’Exposition universelle, après le retrait de la candidature française, la nouvelle délibération n’ayant en fait jamais été portée à l’ordre du jour. Un sénateur, Jacques Larché, la qualifia, lors de questions au Gouvernement, de « veto présidentiel;
2° Par un décret de 1985, sur la loi concernant l’évolution de la Nouvelle-Calédonie, après une décision partiellement non-conforme;
3° Par un décret de 2003, sur un seul article censuré la veille par le Conseil constitutionnel: une discussion générale fut toutefois admise et organisée, les amendements portant sur d’autres articles étant déclarés irrecevables par le président du Sénat comme « se situant en dehors de la nouvelle délibération, et le vote sur l’article valut vote sur l’ensemble.