cours 3 Flashcards

1
Q

crime et moralité publique: le crime est-il immoral?

A

Dans le dernier cours, nous avons vu que Durkheim définissait le crime comme un acte offensant les états forts de la conscience collective; donc, la catégorie crime regrouperait les fautes morales les plus graves, telles que

reconnues par la plupart des gens ordinaires. Pourquoi alors ne trouvons-nous pas dans le code criminel toutes les conduites immorales ? À l’inverse, pourquoi certains actes qui ne semblent pas particulièrement immoraux sont-ils, eux, bien présents dans le code (par ex., avoir sur sa personne 31 grammes de cannabis alors que le maximum permis est de 30) ? D’un point de vue durkheimien, c’est simplement parce que les codes sont toujours en retard sur l’évolution culturelle, parce qu’ils sont tributaires d’un processus politique.

  • Corollaire important : Pour Durkheim, le crime est à la fois un vrai objet, au sens où il est facilement identifiable et mesurable, ET une création sociale, au sens où différentes sociétés auront des listes de crimes différentes.
  • Autre corollaire : c’est donc que l’inscription au Code criminel n’est pas une indication entièrement fiable de la moralité d’un acte telle qu’elle est évaluée par les membres d’une société.
  • Bref, l’ensemble « immoral », et même « gravement immoral » ne correspond pas tout à fait à l’ensemble « criminel » tel que présent dans le code.
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2
Q

théorie du noyau dur de la criminalité

A

Certains ont affirmé que bien que le contenu exact de la catégorie « crime » varie, il se trouve certaines conduites qui sont toujours, et partout, criminalisées. Ce sont les « vrais » crimes. C’est une théorie dite « réaliste », qui prend le crime comme une vérité en soi, un fait naturel indépendant de notre évaluation subjective (au contraire de théories dites « constructivistes », qui voient la criminalisation de conduites comme le résultat d’une activité de négociation et de décision contingentes).

Le « noyau dur » selon Raymond Gassin (Criminologie, Paris, Dalloz, 2007). Gassin ne se contente pas de faire une courte liste de « vrais » crimes, ce que plusieurs autres ont fait avant lui.

Le problème de l’approche « liste », c’est que les crimes en question (meurtre, viol, vol, inceste, par exemple) changent de définition dans le temps et dans l’espace. Il faut donc une autre méthode.

o Gassin fait d’abord la même distinction que Merton au sujet des valeurs-fins et des valeurs-moyens. Il conclue que si les fins varient, les moyens moralement approuves excluent toujours la violence et la ruse

o La vie sociale impliquerait donc deux caractéristiques incontournables : la prohibition de la violence et de la ruse (tromperie).

o Les « vrais » crimes sont donc les actes caractérisés par l’usage de ruse, de violence, ou des deux.

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3
Q

théorie du noyau dur de la criminalité 2

A

Malheureusement, il y a trois problèmes dans cette définition.o la violence et la ruse ne sont pas spécifiques au crime (guerre,

monde des affaires, sports, jeux, etc.).

o elle repose sur le concept de valeur (valeurs-fins et valeurs- moyens), qui n’est pas plus objectif que « crime ». Ceci revient un peu à affirmer que le crime est ce qui est criminel.

o on doit supposer que le droit n’a aucun effet social, qu’il n’est que la mise en forme de ce qui existe déjà.

o Selon cette position réaliste, il est inutile d’étudier les processus de définition, de construction des crimes puisque ceux-ci sont des données objectives. Note enquête, à ce niveau, s’arrêterait donc ici. Et pourtant, ces processus sont bien réels.

La position « constructiviste » ne suppose pas que les actes incriminés n’ont pas eu lieu, ne nient pas qu’une victime a souffert, etc. Si le meurtre est une construction, il ne faut pas en déduire qu’on ne trouve pas de cadavres sur les scènes de crime. Le constructiviste affirme simplement que la signification des actes est plus importante que leur réalité physique dans nos efforts pour comprendre les actions des membres d’une société. La réalité physique d’une conduite ne nous dit pas grand chose sur son impact social, et pas d’avantage sur les raisons de sa criminalisation.

Donc, pour comprendre pourquoi et comment une conduite devient un crime, il ne suffit pas d’observer cette conduite : il faut comprendre sa position dans son contexte socio-culturel.

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4
Q

Durkheim a nouveau- le crime et la déviance sont-ils pathologiques pour la societe

A

Durkheim se demande comment on peut identifier les faits sociaux qui sont« normaux » (donc, qui dénotent une organisation fonctionnelle, une santé sociale) et ceux qui sont « pathologiques » (qui dénotent une désorganisation, une maladie sociale). Son but est de démontrer que la sociologie est utile en pratique.

Premièrement, il s’attarde à certains critères souvent utilisés pour faire cette distinction (notez comment il utilise des métaphores médicales).

o La souffrance. En fait ceci ne sert à rien puisqu’il existe des conditions qui causent la souffrance et qui sont normales, voire nécessaires (l’accouchement, par exemple).

o L’adaptation au contexte matériel. Selon ce critère, un fait social serait « normal » s’il favorise l’adaptation d’une société. Problèmes : 1) comment affirmer qu’une forme d’adaptation est meilleure qu’une autre? Faut-il supposer qu’il n’y a toujours qu’une seule façon de faire les choses ? ; 2) L’adaptation, si elle signifie « survie », n’est pas menacée seulement par des maladies; il y a toutes sortes de facteurs normaux qui menacent la survie d’une société ou d’un organisme (la vieillesse et l’enfance, par exemple), et il y en a bien d’autres qui ne tombent ni du côté « danger » ni du côté

« avantage »; 3) tout est relatif : une société qui semble en santé peut très bien paraître malade si on en trouve une encore plus fonctionnelle. L’adaptation ou inadaptation n’est donc pas un moyen distinguer les phénomènes pathologiques.

o Enfin, beaucoup de penseurs ne distinguent entre le normal et le pathologique qu’à l’aide de leurs préférences personnelles (qu’ils jugent souvent être universelles). Visiblement, ceci ne mène nulle part, chacun ayant sa subjectivi

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5
Q

Durkheim a nouveau le crime et la déviance sont-ils pathologiques pour la societe 2

A

Donc, ce qui manque est un critère rationnel, objectif de pathologie. Pour Durkheim, il s’agit de la « normalité », au sens propre, c’est-à-dire ce qu’on observe en général, ce qui est répandu, ce qui est statistiquement commun. De plus, on pourra démontrer et appuyer la normalité par l’utilité du phénomène à l’organisme social.

Durkheim prend l’exemple de la criminalité, que tout le monde croit pathologique, une « maladie sociale », et y applique son standard de normalité :

o Le crime est certainement très commun, très généralisé : en fait, aucune société sans crime n’a jamais existé, qu’on parle de sociétés archaïques, traditionnelles, industrielles, etc. (le crime peut atteindre un niveau pathologique, mais il ne l’est pas en lui-même).

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6
Q

Durkheim a nouveau le crime et la déviance sont-ils pathologiques pour la societe 3

A

o Le crime est également utile, il sert à quelque chose. À quoi?

les « états forts » sont renforcés par les « états faibles » (p. 46). En fait, le crime permet aux petites déviances, dont l’excentricité, la créativité, l’originalité, la découverte, la curiosité, etc. d’exister. Sans le crime, la dénonciation morale s’étendrait automatiquement vers le bas aux actes moins graves (exemple du monastère). Le crime empêche la société d’être réfractaire au changement en général. Autrement dit, nous devons toujours avoir une cible pour notre désapprobation morale — nous devons être scandalisés par quelque chose, probablement parce que ceci renforce notre identité personnelle.

De plus, certains crimes sont simplement des conduites morales avant-gardistes (exemple de Socrate ; consultez le Code criminel, art. 287 : sans les « crimes » et l’emprisonnement du Dr Morgentaler, voyez la peine qui serait toujours infligée à la patiente et à son médecin). Le crime est donc une manière d’explorer notre moralité et d’évoluer.

Donc, on ne peut pas identifier le crime par son caractère « pathologique » pour une société.

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7
Q

la notion classique de dommage: peut-on distinguer le crime par son caractère dommageable pour autrui?

A

Depuis le début de la modernité (le 18e siècle), on a tendance à tenir pour privés, et donc permis ou « licites », les actes qui n’engagent que l’acteur et d’autres individus consentants. La moralité est une affaire personnelle.

À l’opposé, les actes qui font du tort, ou un dommage à autrui, sont considérés comme objectivement criminels, si ce dommage est suffisamment grave. Selon cette conception, le crime est public et relève de l’État, qui doit le punir.

Ceci n’est bien sûr pas le cas en pratique (voir tableau ci-haut). Dans les faits, il y a des actes criminels qui ne causent pas de dommages (prostitution, drogues) et des actes tolérés qui en causent (manque de sécurité au travail, pollution, châtiment corporel des enfants, etc.).

Problèmes avec la notion de dommage :

o le consentement : peut-on consentir à subir un dommage ?

o la perception subjective et changeante au gré du contexte : quel est le seuil d’intensité du dommage où on passe au crime ? Combien de personnes doivent-elles être touchées, est-ce à court, moyen ou long terme, qu’en est-il du dommage « moral » ou psychologique, etc.

o le fait que quand on place une action dans le Code criminel, on tente aussi en partie de communiquer sa gravité aux citoyens (il y a donc tautologie: c’est criminel parce que c’est grave, c’est grave parce que c’est criminel). Ainsi, il est difficile de l’utiliser comme standard de criminalité des actes.

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8
Q

prenons un exemple dans l’histoire: le moyen âge (400-1500)

A

La violence est fréquente et intense

Les délits de vol sont plus rares — il y a moins à voler, et les gens se connaissent tous (l’urbanisation reste limitée, donc pas d’anonymat).

Le vol est considéré plus grave que la violence en général et les peines données pour chaque type sont proportionnelles à cette gravité perçue : les vols sont punis plus durement que les voies de fait, par exemple. Il ne faut pas oublier, à la fois, que les choses qui sont volées à l’époque sont vitales; ce ne sont pas des objets de luxe, comme des portables, mais de la nourriture, du bétail, des couvertures, etc.

Ceci engendre des cycles de vengeance, sauf si on les évite par composition (compensation financière). Toutes les agressions sont perçues comme un conflit entre la victime et son agresseur. Quand le système de justice se développe, au bas Moyen Âge et durant la Renaissance (1500-1800), c’est la victime qui doit arrêter et poursuivre son agresseur (comme en droit civil aujourd’hui).

Bref, ce que nous appelons « crime » aujourd’hui est considéré comme un conflit personnel et l’État évite de trop s’en mêler car il n’a aucune raison de le faire (il n’a rien à y gagner!).

Toutefois, il existe des cas où l’État intervient effectivement, lorsque les actes reprochés menacent l’ordre général (éthico-religieux et/ou administratif ; la différence n’est pas évidente à l’époque). Il s’agit des blasphèmes et sacrilèges (incluant sorcellerie, etc.) et du crime de lèse- majesté (atteintes au pouvoir, à la personne et aux propriétés du monarque). Ce sont ces actes qui sont jugés les plus graves et punis de manière la plus sévère.

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9
Q

naissance de la conception moderne de crime

A
  • selon Durkheim le crime, en tant qu’infraction grave a l’ordre public, prend naissance avec le crime religieux.

Dans son texte, Deux lois de l’évolution pénale (1900), Durkheim explique que la transformation du concept de crime a causé l’adoucissement des peines :

o Ce n’est pas un sentiment croissant d’humanité ou une« civilisation » qui fait que les peines s’adoucissent (p. 85) : « Si, d’un côté, notre plus grande humanité nous détourne des châtiments douloureux, elle doit aussi nous faire paraître plus odieux les actes inhumains que ces châtiments répriment ».

Durkheim catégorise les crimes comme i) contre la collectivité, ou criminalité religieuse ; ii) contre l’individu, ou criminalité humaine (au lieu de propriété/personne). Le crime religieux est la première forme de crime dans une société en développement. C’est une atteinte au sacré, qui est l’essence de la collectivité. Ce sacré est souvent personnifié dans un ou plusieurs dieux; quand le monarque devient absolu, il est également une personnification du sacré (et les crimes de lèse-majesté sont considérés comme graves). Toutes les autres choses que nous appelons aujourd’hui des « crimes » sont des conflits personnels — dont l’État ne doit pas se mêler.

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10
Q

naissance de la conception moderne du crime 2

A

Ainsi, les crimes les plus graves sont liés au sacré : blasphème, l’hérésie, la sorcellerie, le crime de lèse-majesté. La peine liée à ceux-ci sera encore plus grave à la fin du Moyen Âge et durant la Renaissance, quand l’Église aura un pouvoir totalitaire.

La sanction est ainsi plus sévère pour ces crimes : « qu’est-ce qu’une douleur individuelle quand il s’agit d’apaiser un dieu? » (p. 88; en effet, les sanctions surnaturelles ont tendance à punir tout le monde; alors vaut mieux faire plaisir aux dieux que risquer qu’ils se fâchent).

En conclusion, « DOMMAGE » est aussi culturellement déterminé et changeant que « CRIME » et donc c’est encore une façon culturellement localisée de comprendre le crime.

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11
Q

criminalité et gouvernance

A

Selon P Robert, un crime, c’est ce qui est utile au gouvernement de défendre afin de faciliter ses activités. C’est un mode de gestion de l’État.

L’incrimination consiste à « publiciser » des conflits privés ; c’est l’État qui décide de gérer certaines conduites qui étaient jusque-là du domaine personnel. Il le fait selon ce qui est utile à sa version de l’ordre social.

La relation entre l’État et le comportement des citoyens est le résultat direct du contexte socio-économique de l’époque observée.

Au Moyen Âge, l’État ne régule que les infractions qui nuisent à la collecte des impôts et qui menacent l’ordre établi (religieux ou monarchique). Les actes de violence et de vol sont conçus sous le modèle du péché et du rachat. Le Souverain ne s’en mêle pas.

Durant la Renaissance, l’État prend en charge de plus en plus du contentieux interpersonnel. L’urbanisation a créé l’anonymat, et dans les villes les vendettas nuisent au commerce. Ainsi, le contrôle des conflits personnels devient de plus en plus intéressant pour l’État.

1750 - À la naissance des gouvernements modernes et à la création du citoyen, homme (surtout homme, en effet; les femmes sont largement exclues de cette conception) rationnel et libre, la peine administrative quantifiable apparaît. La peine quantifiable est conçue pour produire une dissuasion logique, rationnelle — économique (relisez ce qu’on a dit au premier cours là-dessus).

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12
Q

criminalité et gouvernance 2

A

1850 - Avec la Révolution industrielle apparaissent des concentrations sans précédent de travailleurs. Le problème fondamental devient la régulation des activités de la population (travailler fort, arriver à l’heure, ne pas (trop) boire, respecter les biens de l’entreprise, ne pas se syndiquer, etc.) et l’État transforme à nouveau sa régulation sociale en contrôle des comportements publics (et donc, création d’un espace privé limité : le foyer familial). La police se concentre sur les chômeurs, les oisifs, les grévistes, les pauvres, les alcooliques.

1940 - L’ère de la société de consommation arrive et l’État transforme à nouveau son mode de régulation : aujourd’hui, il s’agit de gérer le risque. La sécurité est un produit de consommation comme les autres, et doit être mis à la disposition des citoyens — qui sont ensuite responsables de leur propre sécurité, pour diminuer les couts causes par la multiplication des infractions policées.

. Un retour à la case départ, en quelque sorte!

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13
Q

chapitre 3: regles relatives a la distinction du normal et du pathologique

A
  • Tout phénomène sociologique, comme, du reste, tout phénomène biologique, est susceptible, tout en restant essentiellement lui-même, de revêtir des formes différentes suivant les cas. Or, parmi ces formes, il en est de deux sortes. Les unes sont générales dans toute l’étendue de l’espèce ; elles se retrouvent, sinon chez tous les individus, du moins chez la plupart d’entre eux et, si elles ne se répètent pas identi- quement dans tous les cas où elles s’observent, mais varient d’un sujet à l’autre, ces variations sont comprises entre des limites très rappro- chées. Il en est d’autres, au contraire, qui sont exceptionnelles ; non seulement elles ne se rencontrent que chez la minorité, mais, là même où elles se produisent, il arrive le plus souvent qu’elles ne durent pas toute la vie de l’individu. Elles sont une exception dans le temps comme dans l’espace 1. Nous sommes donc en [56] présence de deux variétés distinctes de phénomènes et qui doivent être désignées par des termes différents. Nous appellerons normaux les faits qui pré- sentent les formes les plus générales et nous donnerons aux autres le nom de morbides ou de pathologiques.
  • On voit qu’un fait ne peut être qualifié de pathologique que par rapport à une espèce donnée. Les conditions de la santé et de la mala- die ne peuvent être définies in abstracto et d’une manière absolue. La règle n’est pas contestée en biologie ; il n’est jamais venu à l’esprit de personne que ce qui est normal pour un mollusque le soit aussi pour un vertébré.
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14
Q

chapitre 3: regles relatives a la distinction du normal et du pathologique 2

A
  • Le même principe s’applique à la sociologie quoiqu’il y soit souvent méconnu. Il faut renoncer à cette habitude, encore trop répandue, de juger une institution, une pratique, une [57] maxime morale, comme si elles étaient bonnes ou mauvaises en elles-mêmes et par elles-mêmes, pour tous les types sociaux indis- tinctement.
  • Puisque le point de repère par rapport auquel on peut juger de l’état de santé ou de maladie varie avec les espèces, il peut varier aussi pour une seule et même espèce, si celle-ci vient à changer. C’est ainsi que, au point de vue purement biologique, ce qui est normal pour le sau- vage ne l’est pas toujours pour le civilisé et réciproquement 1.
  • Puisque la généralité, qui caractérise extérieurement les phéno- mènes normaux, est elle-même un phénomène explicable, il y a lieu, après qu’elle a été directement établie par l’observation, de chercher à l’expliquer. Sans doute, on peut être assuré par avance qu’elle n’est pas sans cause, mais il est mieux de savoir au juste quelle est cette cause. Le caractère normal du phénomène sera, en effet, plus incontestable, si l’on démontre que le signe extérieur qui l’avait d’abord révélé n’est pas purement apparent, mais est fondé dans la nature des choses
  • Il n’a donc plus, alors, que les apparences de la normalité ; car la généralité qu’il présente n’est plus qu’une étiquette menteuse, puisque, ne se maintenant que par la force aveugle de l’habitude, elle n’est plus l’indice que le phénomène [61] observé est étroitement lié aux conditions générales de l’existence collective.
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15
Q

chapitre 3: regles relatives a la distinction du normal et du pathologique 3

A
  • Il en est encore ainsi en sociologie pour les sociétés qui appartiennent aux espèces in- férieures. Car, comme nombre d’entre elles ont déjà accompli toute leur carrière, la loi de leur évolution normale est ou, du moins, peut être établie. Mais quand il s’agit des sociétés les plus élevées et les plus récentes, cette loi est inconnue par définition, puisqu’elles n’ont pas encore parcouru toute leur histoire.
  • Après avoir établi par l’observation que le fait est général, il remontera aux conditions qui ont déterminé cette généralité dans le passé et cher- chera ensuite si ces conditions sont encore données dans le présent ou si, au contraire, elles ont changé. Dans le premier cas, il aura le droit de traiter le phénomène de normal et, dans le second, de lui refuser ce caractère.
  • C’est pourquoi, une fois que la généralité du phénomène a été constatée, on peut, en faisant voir comment il sert, confirmer les résultats [64] de la première méthode 1. Nous pouvons donc formuler les trois règles suivantes :

1o Un fait social est normal pour un type social déterminé, consi- déré à une phase déterminée de son développement, quand il se pro- duit dans la moyenne des sociétés de celle espèce, considérées à la phase correspondante de leur évolution.

2o On peul vérifier les résultats de la méthode précédente en fai- sant voir que la généralité du phénomène tient aux conditions géné- rales de la vie collective dans le type social considéré.

3o Celle vérification est nécessaire, quand ce fait se rapporte à une espèce sociale qui n’a pas encore accompli son évolution intégrale.

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16
Q

chapitre 3: regles relatives a la distinction du normal et du pathologique 4

A
  • Il n’en est pas où il n’existe une criminalité. Elle change de forme, les actes qui sont ainsi qualifiés ne sont pas partout les mêmes ; mais, partout et toujours, il y a eu des hommes qui se conduisaient de manière à attirer sur eux la répression pénale.
  • En premier lieu, le crime est normal parce qu’une société qui en se- rait exempte est tout à fait impossible.
  • En effet, pour que les sentiments collectifs que protège le droit pé- nal d’un peuple, à un moment déterminé de son histoire, parviennent ainsi à pénétrer dans les consciences qui leur étaient jusqu’alors fer- mées ou à prendre plus d’empire là où ils n’en avaient pas assez, il faut qu’ils acquièrent une intensité supérieure à celle qu’ils avaient jus- qu’alors.
  • Pour que les meurtriers dispa- raissent, il faut que l’horreur du sang versé devienne plus grande dans ces couches sociales où se recrutent les meurtriers ; mais, pour cela, il faut qu’elle devienne plus grande dans toute l’étendue de la société, D’ailleurs, l’absence même du crime contribuerait directement à pro- duire ce résultat ; car un sentiment apparaît comme beaucoup plus res- pectable quand il est toujours et uniformément respecté.
  • Autrefois, les violences contre les personnes étaient plus fréquentes qu’aujourd’hui parce que le respect pour la dignité individuelle était plus faible. Comme il s’est accru, ces crimes sont devenus plus rares ; mais aussi, bien des actes qui [69] lésaient ce sentiment sont entrés dans le droit pénal dont ils ne relevaient primitivement pas 1.
17
Q

chapitre 3: regles relatives a la distinction du normal et du pathologique 5

A
  • Le crime est donc nécessaire ; il est lié aux conditions fondamen- tales de toute vie sociale, mais, par cela même, il est utile ; car ces conditions dont il est solidaire sont elles-mêmes indispensables, à l’évolution normale de la morale et du droit.
  • Rien n’est bon indéfiniment et sans mesure. Il faut que l’autorité dont jouit la conscience morale ne soit pas excessive ; autrement, nul n’oserait y porter la main et elle se figerait trop facilement sous une forme immuable. Pour qu’elle puisse. évoluer, il faut que l’originalité, individuelle puisse se faire jour ; or, pour que celle de l’idéaliste qui rêve de dépasser son siècle puisse se manifester, il faut que celle du criminel, qui est au-dessous de son temps, soit possible. L’une ne va pas sans l’autre.
  • Contrairement aux idées courantes, le criminel n’apparaît plus comme un être radica- lement insociable, comme une sorte d’élément parasitaire, de corps étrangeretinassimilable,introduitauseindelasociété1 ;c’est[72]un agent régulier de la vie sociale. Le crime, de son côté, ne doit plus être conçu comme un mal qui ne saurait être contenu dans de trop étroites limites ; mais, bien loin qu’il y ait lieu de se féliciter quand il lui arrive de descendre trop sensiblement au-dessous du niveau ordinaire, on peut être certain que ce progrès apparent est à la fois contemporain et solidaire de quelque perturbation sociale.