cours 4 Flashcards

1
Q

Karl Marx

A

Marx introduit une manière entièrement différente d’analyser les structures sociales, basée sur les échanges économiques.

Concevoir la société comme une machine ou comme un organisme nous empêche de porter attention aux conflits et réduit notre compréhension du social au purement fonctionnel et nous pousse à minimiser et à individualiser les conflits.

Hobbes fait erreur en considérant qu’en conflit, ou quand il y a absence d’organisation, il n’y a pas de société. Même Durkheim ne va pas assez loin dans sa sociologie, puisqu’on y voit encore la société s’effriter quand il y a un défaut de normes sociales (« anomie »). Pour Marx le conflit est fondamental au social: la structure sociale est le résultat de conflits fondamentaux.

Il y a déjà du « social » à partir du moment où quelques individus se rencontrent et ont besoin de produire leur propre survie, quel que soit le type de relation — même si c’est l’« état de nature » de Hobbes. Selon Marx, l’histoire des civilisations commence avec l’organisation de la survie du groupe. Il s’agit de produire les biens nécessaires (nourriture, logement, vêtements) de façon efficace. Pour ce faire, il faut déterminer un mode de division du travail et des relations d’échange des produits de ce travail. Notez comment ceci se situe au niveau purement matériel.

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2
Q

la notion de classe

A

Historiquement, des sous-groupes, ou classes, se sont développées autour de similitudes d’intérêts dans le système de production — et, éventuellement, dans la gestion des surplus (richesse).

En simplifiant beaucoup, pour Marx il y a dans le modèle capitaliste deux classes :

o celle du capitaliste, possédant les moyens de production mais n’y travaillant pas, appelée bourgeoisie.

o celle du travailleur, ne possédant pas les moyens de production (il peut posséder une maison, une voiture, etc., mais ceci ne lui donne aucun poids économique) mais travaillant pour le premier, appelée prolétariat.

Pour l’essentiel, les « classes » se sont organisées de trois façons principales (chronologiquement : système esclavagiste, féodal et capitaliste), sans entrer dans le détail, il faut noter que tous ces modèles sont caractérisés par le conflit et la domination des non-possédants par la construction d’institutions visant à étouffer les conflits. peu importe qu’on adhère ou non a la version marxiste de l’histoire, l’élément a noter, est la miner dont toute societe s’organise pour gérer les inégalités sociales, économiques et culturelles.

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3
Q

interactions économiques et structure sociale

A

Les relations entre les « classes » se traduisent non seulement au niveau de l’échange et du travail (niveau matériel) mais également à un niveau plus abstrait, celui de la politique et des lois. L’organisation matérielle de la production est appelée base, infrastructure ou structure, et la façon de penser, l’idéologie, la politique, les institutions (organisations, lois, etc.) la superstructure. Ainsi, il existe un lien direct entre l’organisation économique et l’organisation politique/légale d’une société. La façon dont on réfléchit est liée à l’organisation de la production industrielle, donc à la domination d’une classe sur les autres.

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4
Q

interactions économiques et structure sociale

A

Conclusion : les lois et la politique (la superstructure) sont un moyen de contrôler les non-possédants et de protéger le système de production dans sa forme actuelle. Le crime est donc, comme les autres lois, une stratégie pour gouverner et pour désamorcer les conflits de classe. Par exemple, Melossi montre que le taux d’incarcération ne varie pas avec le taux de criminalité, mais avec la quantité de surplus de travailleurs. La prison est utilisée comme moyen de contrôler les populations migrantes, les populations en « surplus », inutiles à la production industrielle : on dirige les ressources du système de justice vers ceux qui « ne servent à rien ».

Attention : il ne s’agit pas d’affirmer que les lois produites par une classe sont nécessairement faites pour oppresser les autres. Personne ne dit que le meurtre serait légal si une autre classe était au pouvoir ou que les « prolétaires » aimeraient bien pouvoir s’entre-tuer librement! Selon la perspective marxienne, les objectifs poursuivis par le droit dans son ensemble sont ceux de la classe dirigeante et les besoins des autres classes sont négligés (pour illustrer, considérez le fonctionnement de

« fraude » v. « vol » ; considérez qu’on équipe les véhicules de patrouille de dispositifs de contrôle de l’alcool et de la vitesse au volant, mais pas de la pollution industrielle ambiante).

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5
Q

théorie marxienne moderne: la défaite pyrrhique de Jeffrey reiman

A

Reiman souligne que le code criminel contient des incriminations et non des crimes, c’est à dire qu’il résulte d’un processus politique de sélection et non d’un processus scientifique d’observation. Or, ceux qui ont le plus de pouvoir sur la définition des crimes ne sont pas représentatifs du citoyen moyen.

Pour faire sa démonstration, Reiman commence par de définir comme « crimes » toutes les conduites qui causent du dommage à autrui, individuellement ou en groupe. Il remarque que ceci correspond peu au code criminel ou à son application.

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6
Q

un système biase contre les crimes de rue

A

Reiman n’argumente pas que les crimes actuels sont sans importance; seulement, que le système de justice est biaisé contre les « crimes derue » et ignore un grand nombre de conduites dommageables — dans certains cas beaucoup plus dommageables — pour des raisons politiques et économiques. Exemples de Reiman :

o Population des prisons : sans emploi, minorités, éducation minimale. Leurs crimes : violence, propriété, mais toujours au niveau individuel (street crime). Aussi : amendes impayées, drogues.

o Chirurgies inutiles, aux États-Unis : pour 5 milliards USD, près de 15 000 personnes meurent durant des opérations chirurgicales inutiles.

o Pollution, États-Unis : 60 000 morts par année aux États-Unis (selon l’Environmental Protection Agency).

Autres exemples :

o Opérations de la fonderie Horne à Rouyn-Noranda : depuis des décennies maintenant la fonderie Horne, propriété de Glencore, rejette des quantités de produits toxiques dans l’atmosphère, qui retombent sur la ville et les environs. Depuis 1927 le gouvernement du Québec soustrait systématiquement la compagnie à toute surveillance écologique. En 2022, un rapport de la Santé publique du Québec notait la présence extrêmement élevée d’arsenic et de cadmium, bien au-delà des normes applicables mais, à la demande de son directeur, omet de nommer la source des émanations. Radio- Canada a d’ailleurs découvert que le docteur Horacio Harruda, empêchait systématiquement la révélation au public des pires données environnementales reliées à la fonderie.

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7
Q

A

o Depuis quelques années plusieurs fuites majeures et enquêtes journalistiques ont révélé à quel point les Canadiens fortunés se soustraient à la loi de l’impôt à l’aide de paradis fiscaux. Les Panama papers ont montré comment ils procèdent, avec l’aide de grands cabinets comptables, en formant des compagnies fictives au Panama pour y canaliser leurs revenus afin d’éviter de les déclarer au fisc (voir aussi les « Paradise papers et Pandora papers, qui sont des fuites montrant la même chose et nommant carrément ceux qui en profitent et les experts comptables qui les organisent).Les médias et les experts commencent à peine à redécouvrir un phénomène qui était pourtant carrément criminel jusqu’en 1955 : le vol salarial. Il prend plusieurs formes, comme le refus de payer les heures supplémentaires, déductions punitives au salaire, refus de payer les bénéfices légaux, etc. Aux États-Unis l’Economic Policy Institute évalue, de manière conservatrice, les pertes des travailleurs à plus de 50 milliards USD par année. Dans une semaine moyenne les deux tiers des petits salariés se font voler une partie de leur salaire.

o Désastre de Lac-Mégantic, 2013 : Suite à la catastrophe qui coûta la vie à 47 personnes et rasa une bonne portion de la ville, la justice se penche sur les actes d’individus particuliers, avec des preuves extrêmement minces. Personne ne se demande si le transport à rabais de matières extrêmement dangereuses est une bonne idée. Personne ne demande de resserrement des règles de transport ou environnementales, ce qui pourrait nuire à l’industrie.

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8
Q

le système de justice pénale exclut activement les classes possédantes.

A

Les policiers sont plus sensibles aux crimes visibles. À crime égal et dossier égal, les jeunes de quartiers défavorisés sont plus à risque que les autres d’être référés au tribunal de la jeunesse.

Les gens plus avantagés ont plus de facilité à trouver un bon avocat, élément crucial de succès dans une procédure criminelle — incluant les négociations sur la peine.

Dans ceux qui se rendent jusqu’à une condamnation, ce sont les plus aisés qui risquent de se faire imposer une amende, des travaux communautaires, une probation, et les plus pauvres une sentence carcérale. Les gens plus aisés ont également plus de chance de se retrouver dans des prisons à sécurité minimale et à être relâchés plus rapidement parce que leurs crimes ne sont pas violents (1/6 de la peine). La libération conditionnelle est également plus facile parce que l’individu peut faire valoir un réseau social étendu, un emploi payant, une expertise, des économies, etc.

BREF, le système ne contrôle pas la criminalité : il ne fait pas réduire les crimes de rue et ne s’occupe pas du tout des crimes en col blanc.

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9
Q

alors pourquoi existe-il? a quoi sert-il?

A

Alors pourquoi existe-t-il ? À quoi sert-il?Reiman appelle sa théorie, la « défaite pyrrhique » : la guerre contre le crime est perpétuelle, toujours perdue, mais produit une foule de conséquences utiles pour la classe dirigeante/ possédante.

. Autrement dit, c’est une « défaite » qui rapporte autant qu’une victoire.

Comme ce système est utile, il ne sera jamais réformé :

o Il permet de détourner l’attention vers les crimes de la classe ouvrière.

o Il permet d’individualiser les problèmes sociaux et d’excuser les effets de système.

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10
Q

conflit de sous-cultures déviantes: penser une societe fragmentée

A

C’est toutefois le même (politiquement suspect) concept que celui de « classe dangereuse » qui sévissait déjà aux débuts de la criminologie (criminels-nés, incivilisables, ataviques, etc.).

Cependant, l’idée est intéressante du point de vue de la création et du pouvoir des normes : Miller ouvre la porte à des explications sociales de la criminalité qui ne sont pas fondées uniquement sur la déviance individuelle et qui ne supposent pas de consensus ferme sur les valeurs.

Selon les observations de Miller, les individus issus de la classe défavorisée n’adhèrent pas aux normes conventionnelles — ils ont les leurs propres. Or, cette culture des milieux défavorisés/ désorganisés/ bloqués génère la criminalité de gangs de jeunes.

Tableau suivant. Deux groupes culturels n’ont pas nécessairement des évaluations morales équivalentes de conduites diverses. cependant, c’est seulement le groupe qui a le pouvoir de changer la loi qui réussit a faire incriminer les conduites de l’autre qu’il juge inacceptable.

De plus, Miller n’en parle pas, mais ceci fonctionne également au niveau de l’application

de la loi. Les ressources policières ne sont pas distribuées également; certains groupes sociaux peuvent pousser la police (et les tribunaux, etc.) à se concentrer davantage sur certains crimes.

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11
Q

conflit de sous-cultures déviantes: penser une societe fragmentée 2

A

Résultat : la culture dominée développe 6 facettes spécifiques qui exagèrent encore plus sa différence (ce ne sont pas tout à fait des« valeurs »; ce sont plutôt des métaphores qui servent à saisir la réalité et parler de l’action humaine en contexte) :

o Trouble - difficulté : comportement ou situation peut être conçue comme amenant des difficultés avec les autorités ou les évitant.

o Toughness - force, résistance, dureté, machismeo Smartness - astuce, capacité de rouler les autres pour obtenir ce

qu’on veuto Excitement - danger, action, sensations forteso Fate - destin, manque de contrôle sur le cheminement personnel o Autonomy - indépendance vis-à-vis des contrôles sociaux

Évaluation : il semble bizarre d’affirmer que le système culturel de ces jeunes puisse s’articuler en vase clos : on dirait que la culture délinquante/ des milieux défavorisés pousse toute seule, en vase clos.

Pourtant, l’analyse de Miller peut nous aider à comprendre que la production d’un code criminel — et donc de crimes et de criminels — n’est pas nécessairement le résultat d’un mouvement uniforme; l’existence de frictions n’est pas un frein à l’incrimination de conduites (exemple : la prohibition).

Aujourd’hui, on rejette le concept de classe, trop simplificateur et mal adapté à la société moderne (éducation répandue, fractionnement des strates, explosion de la « classe moyenne »).

Enfin, les mots « culture » et « sous-culture » donnent peut-être trop une impression historico-poétique. Cependant, la culture, ici, est un phénomène LOCALISÉ. Il s’agit de bien comprendre que c’est la« culture » telle que vécue par les sujets. Racines de l’ethnométhodo- logie, dont nous reparlerons.

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12
Q

1ere génération : les arrivants

A

Souvent conservateurs, ont des normes solides qu’ils imposent autoritairement. Identité forte et non-problématique. Facteurs à considérer : pour bien des immigrants, leur migration est également une URBANISATION : les immigrants sont souvent d’extraction rurale et atterrissent en ville. Il y a aussi passage d’un concept de famille élargie, traditionnelle à celui de famille « nucléaire » nord-américaine.

s’installent dans des « quartiers fondateurs » : pratiques = peu chers, s’y trouvent des gens qui partagent la langue; affectif = traditions, valeurs, nostalgie. Toute autre chose étant égale, ils y restent 5 ans au plus. Ils y font l’apprentissage de la langue du pays d’accueil. Ce sont souvent des quartiers désorganisés et délabrés.

Les arrivants sortent éventuellement de ces ghettos avec l’arrivée d’argent et l’intégration fonctionnelle (minimale). Ils déménagent vers des « enclaves ethniques » : signe de d’ascension sociale. Ce sont des quartiers culturellement non-diversifiés, et moins délabrés. Éventuellement, ils aboutiront dans des « quartiers d’éparpillement ». À cette étape, le migrant se conçoit comme intégré et déménage dans un quartier de « groupe social / économique » et non ethnique. Fin du besoin de support ethnique.

Les valeurs, habitudes, attitudes des nouveaux arrivants peuvent détonner face à celles de la société d’accueil.

. Dans tous ces cas les conflits générés ressemblent au modèle de Miller ci-dessus, où la

classe dominante est remplacée par la société d’accueil. cette societe peut aussi comporter des facteurs culturels et politiques qui rendent l’accueil et l’intégration particulièrement difficiles, voire impossible.

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13
Q

2e et 3e génération : les enfants

A

C’est au niveau de la 2e génération que se fait sentir un choc des cultures, (culture clash. Le jeune, en quête d’identité, est confronté à des systèmes de valeurs contradictoires (non pas opposés, attention ; les différences peuvent même être mineures. Souvent les jeunes donnent une importance démesurée à des détails). Les enfants vivent un conflit entre les normes parentales et les normes de la classe moyenne étatsunienne (p. 102…).

Ici, l’idée n’est pas que la conformité à une culture cause simplement une déviance dans l’autre. Il s’agit plutôt d’une érosion des normes par la confrontation. Dans cette théorie le délinquant est un individu qui est mal adapté à son propre groupe.

Les cultures contiennent des normes de conduite qu’il faut intégrer et apprendre à respecter, ce qui est rendu difficile par le relativisme engendré par la proximité avec d’autres cultures.

Donc, pour résumer, dans le modèle de Sellin il y a :

o Conflit primaire : conflit entre cultures étrangères l’une à l’autre. Confine l’immigrant dans un ghetto géographique, culturel, social et au niveau de l’emploi. Ressemble à Miller.

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14
Q

2e et 3e génération: les enfants 2

A

o Conflit secondaire : celui-ci est plus difficile à identifier mais beaucoup plus puissant. Il est causé par une fraction interne à l’individu, qui ne réussit plus à s’approprier une échelle de valeurs puisqu’il n’arrive pas à s’identifier à un groupe. Le problème d’identité qui peut être résolu de 4 façons:

Marginalisation, acceptation de l’identité négative, du membership dans le groupe dominé

Assimilation, adoption complète de l’identité, des valeurs, des normes de la société d’accueil

Retrait, abandon de la société dominante et glorification de l’ethnicité

Biculturalisme, intégration personnelle de valeurs de sources différentes

Si ce conflit est réglé par une assimilation ou par le biculturalisme, tout va. S’il s’agit d’une marginalisation ou d’un retrait, il y a potentiel criminogène.

Notons que si la troisième génération est habituellement mieux intégrée, l’ethnicité peut refaire surface comme une recherche personnelle des origines, d’authenticité, etc.

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15
Q

Marx: le conflit a la source des structures sociales

A
  • Quoi qu’il en soit, outre son programme politique, Marx créa égale- ment une perspective théorique marquante sur l’organisation des relations entre les groupes sociaux. Fondée sur la primauté des relations écono- miques, c’est-à-dire des échanges et des modes de production de biens et services, cette perspective est souvent dite « marxienne », alors que le mot « marxiste » est réservé au programme politique prônant la réorganisation des structures économiques et sociales.
  • Pour Marx, le «social» n’est pas l’organisation fonctionnelle qu’observait Durkheim autour de lui, ni un ensemble de règles naturelles structurant les relations sociales, ni un contrat de paix politique à la Hobbes, ni les institutions, ni l’État, ni aucune de ces notions conventionnelles qui sous-tendent la définition du dictionnaire. Non, dans une perspective marxienne, toute relation entre individus est sociale, même la relation de conflit ouvert. Si les groupes humains sont parvenus un tant soit peu à satisfaire leurs besoins et à survivre, c’est qu’ils ont inventé des relations d’échange et une division du travail. Cette structure de base, visant en premier lieu l’efficacité et la production maximale de biens servant à la survie, est déjà empreinte de conflits économiques… Mais elle n’en est pas moins sociale.
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16
Q

Marx: le conflit a la source des structures sociales 2

A

Il y a deux issues possibles à cette inégalité entre les classes socioéco- nomiques. Dans la première, les non-possédants peuvent se révolter en constatant que la richesse est réservée à certaines personnes. Cette révolte

personnelle peut tourner à la révolution si les non-possédants se liguent entre eux — ce qui est extrêmement peu probable, puisqu’ils ne disposent pas d’institutions ou d’autres moyens de s’organiser. Dans la seconde, les non-possédants peuvent accepter leur condition, peut-être en rêvant plus ou moins explicitement de se hisser eux-mêmes au rang des classes éco- nomiquement aisées.

17
Q

Marx: le conflit a la source des structures sociales 3

A

Pour Marx, cet état de fait constitue un conflit social permanent, étouffé par la domi- nation des classes dirigeantes. Autrement dit, s’il n’y a pas de révolution, c’est tout simplement que : 1) à l’extérieur de son petit groupe de connais- sances, chaque membre des classes dominées est isolé, donc sans pouvoir, parce qu’il n’existe pas de moyen général d’organiser tous les citoyens ; 2) il n’a pas non plus de pouvoir sur les institutions sociales, qui sont structurées en vue du bien des élites. Les institutions démocratiques donnent l’illusion d’exercer un contrôle sur l’administration politique de l’État, mais en réalité elles ne procurent aucun pouvoir direct sur la production des lois qui rendent possibles l’émergence et le maintien de classes économique- ment dominantes ; 3) plusieurs citoyens apprennent à apprécier l’inégalité économique parce qu’ils veulent eux-mêmes avoir un jour accès à la richesse (on enseigne d’ailleurs cela dès l’école primaire : travaillez bien et vous serez riches) ; 4) aujourd’hui, la société de consommation encourage

l’accumulation individuelle de biens et de services et permet de se procurer une apparence de richesse, ce qui semble réduire les inégalités: les gens n’ont pas l’impression d’être exploités parce qu’ils réussissent à atteindre ce que la publicité et le marketing leur assurent être le bon niveau de confort (ou, à bien y penser, juste un peu en dessous : la satisfaction est l’ennemie de la consommation).

18
Q

Marx: le conflit a la source des structures sociales 4

A

Premièrement, le système carcéral sert de mécanisme d’absorption des travailleurs surnu- méraires, non requis par l’industrie (Melossi, 2001). En effet, historique- ment, les prisons se remplissent lorsque le bassin d’emplois disponibles rétrécit. Rodriguez-Menés et al. (2020) ont montré, en s’appuyant sur les chiffres de la récession de 2008, que même en annulant l’effet de la cri- minalité, la disponibilité de l’emploi était inversement proportionnelle à l’incarcération. Deuxièmement, les conduites défendues par le Code criminel sont presque toutes des actes individuels, généralement commis par des individus peu scolarisés et sans emploi. Troisièmement, bien que la plupart des gens — bourgeois et prolétaires — sont d’accord avec le fait qu’une loi interdise le meurtre, on constate que, dans l’ensemble, nos lois ont davantage tendance à incriminer des conduites adoptées par les classes moyenne et ouvrière, et beaucoup moins les conduites de l’élite.

19
Q

Un marxien «naïf»: Willem Bonger.

A

Premièrement, le concept de pensée criminelle, en plus d’être sorti de nulle part et impos- sible à observer, sert simplement à contourner la question évidente: s’il en est ainsi, pourquoi les pauvres ne deviennent-ils pas tous délinquants ? Réponse : c’est que la plupart ne sont pas sensibles à ce type de pensée. En science, c’est ce qu’on appelle une hypothèse ad hoc: invérifiable et for- mulée dans le seul but de boucher un trou dans l’argumentation princi- pale. Deuxièmement, Bonger accepte naïvement les données du droit criminel, au sens où il utilise les statistiques officielles qui surreprésentent gravement la petite criminalité de rue et sous-représentent la criminalité des classes dirigeantes, et où il suppose — un peu comme Gassin — que les incriminations correspondent à une réalité concrète des actes crimi- nalisés ainsi qu’à une différenciation des criminels.

20
Q

Un marxien contemporain : Jeffrey Reiman.

A

Bref, si nous adoptions la perspective de Reiman un instant, nous nous demanderions par exemple pourquoi les voitures de police sont couramment équipées d’un détecteur d’alcoolémie et d’un cinémomètre, mais jamais de matériel destiné à mesurer la pollution atmosphérique ou sonore. Pourquoi les « polices de l’environnement » ne donnent-elles que des amendes qui sont négligeables comparativement aux revenus des entreprises fautives ? Reiman compare la notion de dommage individuel, qui peut être très grave (allant parfois jusqu’à la mort), mais qui ne concerne qu’un citoyen ou un très petit nombre de citoyens, à celle de dommage collectif, qui à l’inverse est relativement léger pour chaque citoyen, mais qui touche la plupart d’entre eux. Sans dire qu’il faudrait entièrement inverser nos priorités, il s’agirait de les rééquilibrer pour tenir compte de ces dommages collectifs.

21
Q

Un marxien contemporain : Jeffrey Reiman. 2

A

Lorsqu’un individu issu des classes dominantes est pris par le système (ce qui arrive, tout de même), plusieurs facteurs contribuent à ce que sa trajectoire soit assez différente de celle du criminel moyen : 1) puisque les crimes visibles sont jugés plus sérieux par les autorités, la criminalité des quartiers défavorisés est toujours plus sévèrement punie, parce que com- mise dans la rue, que celle des quartiers aisés et des crimes en col blanc commis dans des tours de bureaux ; 2) avec la richesse vient un pouvoir accru de se procurer un avocat compétent, assisté d’une armée de recher- chistes; 3) les peines sont également plus légères, incluant souvent des amendes plus aisément payées. À cela on pourrait ajouter: 4) les crimi- nologues qui évalueront le risque de récidive de cet indivdu verront d’un bon œil ses fréquentations respectables, ses compétences, sa formation, son éducation supérieure à la moyenne, son quartier de résidence presti- gieux… Les seules exceptions possibles sont les grands scandales média- tisés dont on ne peut déterminer qu’un nombre restreint d’individus responsables (Bystrova et Gottschalk, 2015).

22
Q

la multiethnicite et le conflit

A

Sellin et plusieurs autres criminologues constatèrent que les différences entre les cultures causaient certains problèmes: par exemple, pour les nouveaux arrivants italiens, boire du vin à l’extérieur était une pratique non seule- ment courante, mais fortement appréciée, alors que les lois pennsylva- niennes interdisaient toute consommation d’alcool sur la voie publique (en fait, c’était la prohibition pure et simple jusqu’en 1933). C’était un cas évident de conflit de culture (culture clash). « Défendre son honneur » avait aussi des dimensions très variables d’un groupe à l’autre et pouvait à l’occasion impliquer des violences assez extrêmes.

23
Q

les trois phrases d’immigration et de sellin

A

Premièrement, les arrivants, qui parlent peu ou pas la langue de leur terre d’accueil et qui ignorent ses coutumes, ses règles et ses lois, s’installent le plus près possible d’autres individus qui leur ressemblent, dans des « quartiers fondateurs ». Dans ces quartiers, les arrivants peuvent fonctionner adéquatement, se trouver un emploi, vaquer à leurs occupations quotidiennes et entrer en contact avec des personnes parlant leur langue.

La deuxième phase correspond à la seconde génération d’immigrants, ceux qui sont nés, ou du moins qui ont passé leur enfance, dans le pays d’accueil. Au moment où la seconde génération arrive à l’adolescence, moment où la délinquance peut devenir problématique, les parents sont assez intégrés à la société pour concevoir de quitter le quartier fondateur, qui est généralement assez pauvre, délabré, ignoré par les services muni- cipaux (rues et trottoirs détériorés, écoles malpropres) et par les entre- prises distribuant les biens et services essentiels (épiceries rares et mal approvisionnées, appartements insalubres). La famille déménage alors dans ce que Sellin appelle une «enclave ethnique». Il s’agit encore d’un quartier où d’autres membres du même groupe ethnoculturel éliront domicile, mais les habitants y resteront plus longtemps et auront le temps et le désir de s’investir dans la vie de quartier.

24
Q

les trois phases d’immigration et de selin 2

A

La dernière phase met en scène les enfants de seconde, et surtout de troisième génération. À cette étape, un grand nombre d’immigrants se sont installés dans des « quartiers d’éparpillement », où ils vivent avec des membres de différents groupes ethniques, en particulier bien sûr ceux du groupe majoritaire du pays d’accueil. Cette mobilité sociale et géogra- phique des immigrants cause plusieurs formes de conflits de culture. Le conflit le plus évident et le plus facile à saisir correspond exactement à celui expliqué par Miller : certaines personnes, issues de traditions cultu- relles différentes, se frottent au Code criminel et à d’autres lois et règle- ments parce qu’elles en ignorent la teneur ou les jugent illégitimes.

Autrement dit, le jeune de seconde génération risque d’être en conflit non seulement avec les règles dominantes, mais aussi avec son propre groupe. Dans le pire des cas, il n’est adapté à aucun ensemble homogène de valeurs, de règles ou d’institutions sociales, d’où son risque plus élevé de commettre des actes qui sont défendus par le Code criminel.

25
Q

expliquer la délinquance en col blanc par d’autres faits sociaux

A

À une époque où les criminologues focalisent leur attention sur les déviances des migrants et des classes populaires, Sutherland entend leur rappeler que les délinquants en col blanc sont beaucoup moins souvent inquiétés que les auteurs d’infractions plus classiques, et sont sanctionnés - lorsqu’ils le sont - par des agents et des procédures différents de ceux qui régissent le droit commun.

Influencé par l’anthropologie culturaliste très prégnante alors au sein de la sociologie américaine, il développe sa théorie de l’association différentielle selon laquelle le comportement délinquant s’acquiert au sein de son milieu social, comme un élément parmi d’autres d’une sous-culture qui s’apprend dans l’interaction avec les proches, et plus marginalement par la lecture de journaux ou la fréquentation d’associations.

Dans ce paradigme de « l’association différentielle », une personne devient délinquante lorsqu’elle considère que commettre un certain type de délit est perçu par son entourage de façon plus positive que de ne pas le commettre au nom du respect de la loi.

26
Q

la différenciation des délits

A

Se situant dans la continuité de Sutherland, certains auteurs ont souligné la nécessité d’étudier séparément la délinquance d’entreprise (corporate crime) et la délinquance individuelle ou occupationnelle (occupational crime) (Clinard, Quinney, 1973). Pour eux, l’enjeu est de montrer que la délinquance d’affaires n’est pas une déviance occasionnelle mais une composante structurelle de l’économie de marché (Clinard, 1979). Il s’agit alors de distinguer les activités délinquantes commises en faveur de l’entreprise ou de l’employeur, et celles qui profitent à l’auteur de l’infraction (Box, 1983).

27
Q

délinquance d’entreprise et délinquance occupationnelle

A

La délinquance d’entreprise désigne le fait pour un individu de commettre des actes illégaux en agissant dans l’intérêt de la firme pour laquelle il travaille

28
Q

l’extension a de nouveaux délits

A

Shapiro revisite ainsi le cadre théorique établi par Sutherland en redéfinissant la délinquance en col blanc comme toute action visant à tromper la confiance, indépendamment du statut social de l’auteur du délit. La délinquance financière s’insère parfaitement dans ce nouveau paradigme puisqu’elle peut avoir pour effet de saper la confiance dans l’ensemble du système économique.

29
Q

qui sont les délinquants en col blanc

A

ils concluent que le principal critère, pour commettre un délit en col blanc, est d’occuper une position permettant d’avoir accès aux ressources d’une organisation et d’être en mesure de les détourner. Or, cette double caractéristique renvoie davantage aux agents intermédiaires qu’aux cadres dirigeants.

30
Q

le rapport a la règle des classes dominantes

A

La délinquance d’affaires renvoie généralement à des violations explicites de la loi mais elle peut inclure également des pratiques à la limite du droit, qui consistent à tirer parti du flou d’un règlement, à mettre en concurrence plusieurs systèmes normatifs ou à bénéficier d’une exemption négociée préalablement. L’une des caractéristiques commune aux classes dominantes est d’avoir la certitude que les règlements sont nécessaires pour le bon fonctionnement de la société mais que ceux qui sont en position de décider doivent pouvoir s’en affranchir (Boltanski, 2009).

31
Q

la sécurisation de pratiques délinquantes

A

Une deuxième manière de s’émanciper du droit sans s’exposer aux sanctions consiste à se conformer à la loi tout en contrevenant à son esprit, notamment en jouant sur la zone grise qui sépare les pratiques légales et illégales.

32
Q

le rôle cruciale des intermédiaires

A

Le recours à un professionnel du droit est aussi un moyen de se prémunir contre toute sanction pénale : l’auteur du délit peut toujours arguer de sa « bonne foi » et plaider qu’il s’en est remis à la compétence de son avocat ou de son comptable.