Cours 7 Flashcards
(10 cards)
Expliquer la différence entre intégrité, éthique et morale.
Dans le monde de la recherche, et plus encore en criminologie, nous sommes quotidiennement confrontés à des choix qui engagent nos valeurs, nos principes, et notre responsabilité scientifique. Trois notions fondamentales orientent ces choix : l’intégrité, l’éthique, et la morale. Ces termes sont souvent utilisés de manière interchangeable… à tort. Chacun a un sens spécifique qu’il est essentiel de comprendre.
- L’intégrité : la cohérence personnelle
L’intégrité est une caractéristique individuelle. Elle reflète la cohérence entre ce que l’on croit et ce que l’on fait. Autrement dit, une personne intègre agit en accord avec ses valeurs internes, même en l’absence de contrôle extérieur.
🔹 Exemple :
Un chercheur qui croit en la rigueur scientifique refuse de modifier ou d’exclure des données uniquement pour faire correspondre ses résultats à son hypothèse. Il agit avec intégrité.
L’intégrité implique donc l’honnêteté intellectuelle, la transparence, et le respect de la vérité, même lorsque cela va à l’encontre de ses intérêts. - La morale : le sens du bien et du mal
La morale correspond à un système de valeurs générales qui distingue le bien du mal. Elle peut être personnelle, culturelle, ou universelle, mais elle repose sur des principes absolus.
🔹 Exemple :
Un chercheur considère qu’il est moralement inacceptable de mettre en danger des participants, même si cela permettait de faire avancer la science.
La morale dicte donc ce qui devrait être fait, au nom de valeurs supérieures. Elle transcende souvent le cadre professionnel. - L’éthique : les règles d’une pratique professionnelle
L’éthique, enfin, est un ensemble de règles élaborées pour guider l’action dans un cadre professionnel, en s’appuyant sur des principes moraux. Elle permet de traduire la morale en normes concrètes, adaptées à un contexte donné.
🔹 Exemple :
En criminologie, les comités d’éthique exigent que les participants soient informés de la nature de la recherche, de leurs droits, et qu’ils donnent un consentement libre et éclairé avant toute participation.
L’éthique organise donc la pratique professionnelle en codifiant les comportements acceptables pour garantir le respect des personnes, la qualité de la recherche et la responsabilité du chercheur.
Conclusion
En résumé :
Intégrité: Cohérence entre valeurs personnelles (intérieure) et comportements (extérieure) (niveau individuel)
Morale: Distinction entre bien et mal, fondée sur des principes (niveau universel/ philosophique)
Éthique: Traduction des principes moraux en règles concrètes (Niveau professionnel)
Expliquer le principe d’intégrité scientifique.
Dans toute recherche digne de ce nom, la rigueur méthodologique ne suffit pas. Il faut aussi une posture intellectuelle fondamentale : l’intégrité scientifique. Ce principe constitue le socle moral et déontologique de toute production de savoir, et il est d’autant plus crucial dans des domaines sensibles comme la criminologie.
Qu’est-ce que l’intégrité scientifique ?
L’intégrité scientifique, c’est l’engagement du chercheur à produire un savoir fidèle à la réalité, sans déformation, sans instrumentalisation, sans jugement de valeur.
🔹 Elle repose sur une neutralité active, une honnêteté intellectuelle, et un respect strict de la vérité empirique.
La science décrit, elle ne prescrit pas
L’un des fondements de l’intégrité scientifique est la séparation entre ce qui est et ce qui devrait être.
La science ne dit pas ce qu’il faut faire, mais ce qui est.
🔹 Elle ne peut offrir que les résultats de ses recherches. Elle ne cherche ni à convaincre, ni à militer, ni à juger moralement.
🔹 Par conséquent :
– La science n’est pas moraliste,
– Elle n’est pas militante,
– Elle n’est pas normative.
Un exemple concret : la peine de prison
Prenons un exemple : Quel est le critère pour juger de l’efficacité d’une peine de prison ?
🔹 Est-ce la récidive ?
🔹 La réinsertion ?
🔹 Le coût économique ?
🔹 Le ressenti des victimes ?
→ Il n’existe pas de critère universellement accepté. Donc la science ne peut pas trancher moralement. Elle peut seulement décrire les effets mesurables selon un cadre donné.
Implications pour le chercheur
Le chercheur intègre :
– Ne modifie pas ses résultats pour les rendre “plus intéressants” ou “plus conformes” à ses attentes ;
– Ne cache pas les données gênantes ;
– Refuse d’adapter son discours à des intérêts politiques ou financiers ;
– Rappelle que ses résultats sont toujours limités, contextualisés, soumis à interprétation.
Conclusion
L’intégrité scientifique, ce n’est pas simplement “être honnête”. C’est une posture exigeante, qui exige de se tenir à distance des passions, des intérêts et des croyances personnelles, pour laisser place au travail du savoir.
En criminologie, cela signifie notamment résister à la tentation de juger les acteurs du crime, de prescrire des solutions toutes faites, ou de devenir le porte-parole d’une idéologie. Cela signifie observer, analyser, comprendre… et laisser la société décider de ce qu’elle veut faire de ce savoir.
Citer les trois grands principes éthiques dans la recherche sociale.
La recherche sociale — et en particulier la recherche en criminologie — engage la responsabilité du chercheur bien au-delà des résultats produits. Elle impose de respecter des principes éthiques fondamentaux, qui encadrent la conception, la mise en œuvre et la diffusion du projet scientifique.
Aujourd’hui, je vais vous présenter les trois grands principes éthiques reconnus dans la recherche sociale, tels qu’ils sont explicités dans les bonnes pratiques institutionnelles et académiques.
Principe 1 : La gestion et la protection des participants
Ce premier principe est au cœur de l’éthique de la recherche. Il comprend plusieurs obligations :
1. Le devoir d’information :
→ Le chercheur doit informer clairement les participants sur :
○ La nature de l’étude,
○ Les données collectées,
○ Le traitement de ces données,
○ Les risques potentiels,
○ Et leurs droits (retrait, rectification, anonymat…).
2. Le recueil du consentement libre et éclairé :
→ Aucune participation ne doit être forcée, implicite ou manipulée.
→ Le consentement doit être donné après information complète, et être explicite, surtout lorsqu’il s’agit de données sensibles.
3. L’évaluation des risques :
→ Il faut anticiper les risques physiques, psychologiques, sociaux ou juridiques pour les participants, et adapter la recherche en conséquence.
Principe 2 : La gestion et la protection de l’équipe de recherche
L’éthique ne concerne pas que les participants : elle concerne aussi les chercheurs eux-mêmes.
1. Le devoir de formation :
→ Toute l’équipe de recherche doit être formée à :
○ La conduite éthique de l’enquête,
○ La gestion des situations à risque,
○ Le respect de la confidentialité.
2. L’évaluation des risques pour les chercheurs :
→ Certains terrains peuvent exposer les chercheurs à :
○ Des violences physiques ou verbales,
○ Des récits traumatiques,
○ Des pressions institutionnelles.
→ Un plan de gestion des risques est souvent recommandé pour anticiper et prévenir ces situations.
Principe 3 : La gestion et la protection des données
Enfin, toute recherche sociale implique la collecte et le traitement de données, parfois très sensibles. Il faut donc :
1. Respecter les bases légales :
→ RGPD (en Europe), LPD et LPrD (en Suisse), qui encadrent :
○ Le stockage,
○ L’accès,
○ L’anonymisation,
○ La destruction des données.
2. Adopter les bonnes pratiques :
→ Utiliser des outils sécurisés,
→ Protéger les appareils avec mots de passe et chiffrement,
→ Limiter l’accès aux données aux seules personnes concernées.
Un 4ᵉ principe transversal : le respect des codes d’éthique et des décisions des commissions
Il ne suffit pas d’avoir “bonne conscience”. Le chercheur doit aussi se référer à :
– Des codes d’éthique professionnelle (institutionnels, disciplinaires),
– Et aux commissions d’éthique, qui veillent à l’application de ces normes.
Conclusion
Ces trois grands principes — participants, chercheurs, données — forment un triptyque indissociable. Une recherche éthique ne protège pas seulement les personnes impliquées : elle protège aussi la valeur scientifique et la crédibilité de la recherche.
Parce que, dans notre domaine, respecter les principes éthiques, c’est aussi respecter le réel.
Expliquer le devoir d’information de la recherche.
Parmi les exigences éthiques essentielles en recherche sociale, et plus particulièrement en criminologie, figure une obligation fondamentale : le devoir d’information. Ce devoir précède toute démarche de consentement et garantit le respect des droits et de la dignité des participants.
Voyons ensemble ce que ce devoir implique concrètement.
Un principe éthique fondamental : informer avant d’agir
Avant de pouvoir recueillir le consentement d’un participant, le chercheur a l’obligation morale et légale de fournir une information claire, complète et compréhensible.
Cette information permet au participant de :
– Savoir à quoi il s’engage,
– Mesurer les risques potentiels,
– Et exercer un choix libre et éclairé.
Quels éléments doivent obligatoirement être communiqués ?
Le document de présentation — ou information orale équivalente — doit inclure au minimum les points suivants :
1. L’identité du responsable des données
→ Qui collecte ? Qui est responsable de leur traitement ?
2. La nature des données collectées
→ S’agit-il de données personnelles ? Sensibles ? Comportementales ? Audiovisuelles ?
3. Le traitement des données
→ Finalité (objectif de la recherche),
→ Codage, anonymisation, durée de conservation, destruction.
4. Les personnes ayant accès aux données
→ Membres de l’équipe, superviseurs, institutions partenaires ?
5. Le caractère volontaire de la participation
→ La participation est libre. Il est toujours possible de refuser ou de se retirer sans justification.
6. Le droit d’accès, de rectification et de retrait des données
→ Le participant peut demander à corriger ou supprimer ses données.
7. Les risques et bénéfices éventuels pour le participant
→ Y a-t-il un risque psychologique, légal, émotionnel ?
→ Quel est le bénéfice direct ou indirect pour le participant ?
8. Les coordonnées de contact
→ Le participant doit pouvoir contacter le chercheur ou l’équipe en cas de question, d’inquiétude ou de retrait.
Un cas particulier : la tromperie (ou dissimulation partielle)
Dans certaines recherches, notamment expérimentales ou sensibles, il peut être nécessaire de ne pas tout révéler immédiatement (pour ne pas biaiser le comportement des participants).
🔹 Cela peut concerner, par exemple :
– L’objectif réel de l’étude,
– Une manipulation comportementale contrôlée.
→ Cette dissimulation n’est éthiquement acceptable que si elle est préalablement justifiée et validée par une commission d’éthique.
Conclusion
Le devoir d’information n’est pas une formalité administrative. C’est la première garantie du respect des personnes dans la recherche.
Informer, c’est reconnaître le participant comme un sujet libre, et non comme un simple objet d’étude.
C’est une condition non négociable d’une recherche rigoureuse, respectueuse et digne.
Expliquer le recueil du consentement des participants.
Après avoir abordé le devoir d’information, je souhaite maintenant vous parler d’une étape indissociable et complémentaire : le recueil du consentement.
En recherche sociale, et a fortiori en criminologie, le consentement du participant n’est pas un simple accord symbolique. C’est un acte juridique, éthique et scientifique. Sans consentement valide, la recherche devient une atteinte aux droits fondamentaux.
Qu’est-ce qu’un consentement valide ?
Un consentement n’a de valeur que s’il remplit trois conditions essentielles :
1. Liberté
→ Le participant doit être libre d’accepter ou de refuser sans pression, menace, ni influence induite.
2. Information préalable
→ Le consentement ne peut être donné que si le participant est pleinement informé (cf. devoir d’information).
3. Expression explicite de la volonté
→ Le participant doit manifester clairement son accord, de façon écrite ou orale.
🔹 Important :
Des gestes passifs comme cliquer sur un lien, rester au téléphone, ou remplir un questionnaire ne peuvent en aucun cas être considérés comme un consentement explicite, surtout s’il s’agit de données sensibles.
Et en cas de données sensibles ou de profil psychologique ?
Le niveau d’exigence est alors encore plus élevé.
🔹 Exemples de données sensibles :
– Origine ethnique,
– Opinions politiques ou religieuses,
– Données de santé,
– Antécédents judiciaires,
– Activités sexuelles ou infractions.
🔹 Dans ces cas-là :
– Le consentement doit être clairement formulé,
– Le chercheur doit insister sur le caractère volontaire,
– Et détailler les garanties de protection des données.
Peut-on retirer son consentement ?
Absolument. Et ce à tout moment.
→ Si un participant retire son consentement :
– Toutes les données associées à cette personne doivent être supprimées,
– Elles ne peuvent plus être utilisées, ni analysées, ni archivées.
C’est un droit fondamental et non négociable.
Et le consentement oral ?
Dans certaines situations — populations vulnérables, barrières culturelles ou linguistiques, ou recherches de terrain informelles — le consentement peut être oral.
🔹 À condition que :
– Le contenu de l’information soit dûment documenté,
– Le moment du consentement soit enregistré ou noté avec soin.
Conclusion
Le recueil du consentement est bien plus qu’une signature ou un enregistrement. C’est l’acte qui reconnaît la dignité du participant, sa liberté, et sa capacité à décider pour lui-même.
En criminologie, où les populations étudiées sont souvent vulnérables, stigmatisées, voire sous contrainte, ce principe prend une valeur encore plus forte. Il rappelle que la science ne peut progresser qu’avec l’accord éclairé de celles et ceux qu’elle étudie.
Citer les risques encourus par les participants et par les chercheurs.
Dans toute recherche, et en particulier dans le domaine sensible de la criminologie, il est essentiel de penser en amont les risques potentiels. Ceux-ci concernent les participants, bien entendu, mais aussi les chercheurs eux-mêmes.
Car mener une recherche éthique, ce n’est pas seulement protéger les données : c’est protéger les personnes, des deux côtés de la relation scientifique.
✅ 1. Les risques pour les participants
Ces risques doivent être identifiés, évalués et minimisés dès la conception du projet. Ils peuvent être de plusieurs ordres :
🔹 Risques physiques
– Mise en danger réelle du participant :
→ Exemple : s’il dénonce une activité illégale dans un groupe violent, il peut subir des représailles.
→ Risques : menaces, agression, voire décès dans des contextes extrêmes.
🔹 Risques psychologiques
– Certaines recherches peuvent faire remonter des souvenirs douloureux, traumatiques.
→ Exemple : enquête sur des victimes d’agressions sexuelles, de guerre, ou sur des auteurs de violence ayant une histoire difficile.
– Ces effets peuvent être graves : anxiété, détresse, repli, culpabilité.
🔹 Risques juridiques
– Le participant pourrait, en parlant, s’auto-incriminer (par exemple en révélant un crime passé).
→ Il est donc crucial d’expliquer clairement les limites de la confidentialité, et de protéger l’anonymat dans la mesure du possible.
✅ 2. Les risques pour les chercheurs
Trop souvent oubliés, les chercheurs aussi peuvent être exposés à des risques concrets dans le cadre de leurs enquêtes.
🔹 Risques physiques
– Recherche en milieux hostiles, violents ou illégaux :
→ Quartiers sous tension, groupes radicaux, prisons, trafiquants…
→ Risques : intimidation, violence, vol, arrestation.
🔹 Risques psychologiques
– Le chercheur peut être affecté par ce qu’il entend ou voit :
→ Témoignages très durs, scènes de grande détresse humaine, récits de crimes, etc.
→ Cela peut provoquer de la fatigue émotionnelle, du stress post-traumatique, voire un désengagement du terrain.
🔹 Exemple de bonne pratique
Pour se protéger, il est recommandé de mettre en place un plan de gestion des risques, incluant :
– Une formation adéquate de toute l’équipe de recherche,
– Une analyse des risques préalables,
– Un dispositif de soutien (supervision, collègues de confiance, accompagnement psychologique si besoin).
⚖️ Conclusion
Les risques ne doivent pas être minimisés, ni considérés comme inévitables. Une recherche responsable les prend en compte, les documente, et s’y prépare.
Car il n’y a pas de bonne recherche sans sécurité des personnes impliquées.
Et en criminologie, où les terrains sont parfois instables ou douloureux, cette vigilance est non seulement éthique… mais vitale.
Définir les notions de données personnelles et de données sensibles.
Dans toute recherche impliquant des individus, nous collectons des informations. Certaines peuvent paraître anodines, d’autres sont plus délicates. Il est donc essentiel, pour garantir l’éthique et la légalité de la recherche, de bien comprendre la distinction entre données personnelles et données sensibles.
Car cette distinction détermine le niveau de protection à appliquer, notamment en criminologie, où les sujets étudiés touchent souvent à l’intime, au secret, voire à l’illégal.
✅ 1. Données personnelles
Une donnée est considérée comme personnelle dès lors qu’elle permet d’identifier une personne :
🔹 soit directement :
– Nom, prénom, numéro de téléphone, adresse mail, photo.
🔹 soit indirectement, par combinaison :
– Adresse IP, lieu de travail, citation spécifique, idées ou opinions originales.
→ Il suffit qu’une donnée puisse permettre d’identifier quelqu’un seule ou combinée à d’autres, pour qu’elle devienne personnelle.
🚨 2. Données sensibles
Parmi les données personnelles, certaines sont dites sensibles car elles concernent des dimensions particulièrement vulnérables ou intimes de la personne.
🔹 Sont considérées comme sensibles :
– Opinions religieuses, philosophiques, politiques ou syndicales,
– Origine ethnique,
– État de santé physique ou mentale,
– Vie sexuelle,
– Situation judiciaire : aides sociales, poursuites, condamnations pénales ou administratives.
⚖️ Pourquoi cette distinction est-elle cruciale ?
🔹 Parce que les données sensibles sont soumises à un cadre légal strict, en Europe (RGPD), comme en Suisse (LPD, LPrD).
→ Leur collecte, leur traitement, leur stockage exigent :
– Un consentement explicite,
– Des mesures de sécurité renforcées,
– Et souvent l’autorisation préalable d’une commission d’éthique.
🔹 En criminologie, on travaille très souvent avec ce type de données :
– Témoignages de victimes,
– Aveux de crimes,
– Données médicales ou psychiatriques,
– Trajectoires d’exclusion ou de radicalisation.
🛡️ Conclusion
Comprendre et distinguer les données personnelles et sensibles, c’est poser les bases d’une protection responsable des participants.
C’est refuser que l’information devienne un danger, et s’assurer que la confiance accordée au chercheur ne soit jamais trahie.
Dans une société numérique et interconnectée, cette vigilance n’est plus une option. C’est un devoir scientifique, éthique… et humain.
Citer les bonnes pratiques dans la gestion et la protection des données.
Dans notre monde hyperconnecté, les données circulent, se croisent, se dupliquent. Et pourtant, dans la recherche scientifique — et en particulier en criminologie — les données que nous recueillons sont souvent sensibles, intimes, voire potentiellement dangereuses si elles sont mal protégées.
C’est pourquoi la gestion et la protection des données ne sont pas de simples considérations techniques : ce sont des obligations éthiques, juridiques et scientifiques.
Voyons ensemble les bonnes pratiques essentielles à respecter.
🛡️ 1. Protéger l’accès aux appareils de travail
🔹 Mot de passe :
Tout ordinateur ou appareil utilisé pour traiter des données doit être protégé par un mot de passe robuste.
🔹 Chiffrement du disque dur :
Il est vivement recommandé de chiffrer les données à l’aide d’outils comme Bitlocker, pour éviter qu’elles soient accessibles en cas de vol ou de perte du matériel.
🌐 2. Choisir un système de stockage sécurisé et institutionnel
🔹 Il faut privilégier les systèmes de stockage approuvés par l’institution, comme :
– Les serveurs de l’UNIL,
– Les plateformes sécurisées développées en interne.
🔴 À éviter absolument :
– Les services commerciaux comme Google Drive, Amazon, Dropbox, OneDrive…
→ Car ils ne garantissent pas la confidentialité des données selon les standards européens ou suisses.
🧑💻 3. Limiter l’accès aux données
🔹 L’accès aux données doit être restreint aux seules personnes qui en ont besoin :
– Chercheurs principaux,
– Assistants de recherche,
– Superviseurs directement impliqués.
→ Cela signifie pas de partage non encadré, même avec des collègues bien intentionnés.
⚠️ 4. Prévoir une gestion des incidents de sécurité
Même avec toutes les précautions du monde, un incident peut survenir :
→ Perte de données, piratage, partage accidentel, etc.
🔹 Il faut donc mettre en place un protocole clair :
– Identifier rapidement le problème,
– Limiter sa portée,
– Informer les personnes concernées,
– Et documenter l’incident.
✅ 5. Anonymiser autant que possible
🔹 Avant toute diffusion (publication, présentation, partage), les données doivent être anonymisées :
– Suppression des noms,
– Modification des détails identifiants (lieux, dates, citations uniques),
– Attribution de codes ou pseudonymes.
→ Cela permet de protéger les participants même en cas de fuite ou d’erreur.
⚖️ Conclusion
Ces bonnes pratiques ne sont pas des options : elles sont la condition sine qua non de la légitimité de notre recherche.
Elles protègent :
– Les participants, qui nous font confiance ;
– Les chercheurs, qui peuvent ainsi travailler sereinement ;
– Et la science elle-même, dont la crédibilité repose sur la fiabilité et la sécurité des données qu’elle produit.
Citer les missions des commissions d’éthique de l’UNIL.
Dans tout projet de recherche, l’éthique ne doit jamais être laissée à l’appréciation individuelle du chercheur. Pour garantir des pratiques rigoureuses, équitables et responsables, des instances collectives existent. À l’Université de Lausanne (UNIL), ce rôle est confié aux commissions d’éthique.
Ces commissions ont pour mission d’accompagner, d’évaluer et de garantir le respect des normes éthiques dans les projets de recherche menés par les membres de la communauté universitaire.
Voyons concrètement quelles sont leurs fonctions principales.
✅ 1. Évaluer le respect des standards éthiques dans les projets de recherche
🔹 La première mission des commissions d’éthique est d’analyser les projets à la demande des chercheurs :
– Est-ce que les principes de consentement, d’information, de confidentialité sont respectés ?
– Y a-t-il un traitement de données sensibles ?
– Les risques ont-ils été identifiés et atténués ?
– L’équilibre entre bénéfice scientifique et coût humain est-il raisonnable ?
Cette évaluation est fondamentale, en particulier dans les recherches :
– Impliquant des populations vulnérables,
– Traitant d’activités illégales ou de traumatismes,
– Collectant des données personnelles ou intimes.
✅ 2. Délivrer des attestations de conformité éthique
🔹 Les commissions peuvent fournir une attestation officielle indiquant que le projet est conforme aux standards éthiques.
→ Cette attestation est souvent exigée par :
– Les financeurs de recherche (par exemple, le Fonds national suisse - FNS),
– Les revues scientifiques pour publier les résultats,
– Les partenaires institutionnels ou cliniques avant de permettre l’accès au terrain.
🔹 Elle constitue donc une garantie éthique et scientifique pour toutes les parties impliquées.
✅ 3. Répondre aux questions éthiques soumises par les chercheurs
🔹 La commission n’est pas seulement un juge, c’est aussi un conseil.
→ Elle peut être sollicitée avant même la soumission d’un projet, pour :
– Clarifier un doute éthique,
– Réfléchir à un protocole de consentement,
– Évaluer une situation délicate sur le terrain.
→ Ce rôle de soutien réflexif est précieux, surtout en criminologie, où les zones grises éthiques sont fréquentes.
⚖️ Important à noter : l’évaluation n’est pas toujours obligatoire
🔹 Il n’est pas obligatoire de solliciter la commission pour tous les projets.
→ Mais il est fortement recommandé si le projet implique :
– Des risques pour les participants,
– Des données sensibles,
– Des terrains complexes ou litigieux.
Et surtout, dans certains cas, l’attestation est exigée pour obtenir un financement ou une publication.
Conclusion
Les commissions d’éthique sont des alliées du chercheur, non des obstacles. Elles garantissent que notre travail se déroule dans un cadre clair, responsable et reconnu, au service d’une science humaine, rigoureuse et respectable.
Expliquer les problèmes éthiques spécifiques à la criminologie.
La criminologie, en tant que discipline, occupe une position singulière : elle se situe à la croisée du social, du juridique, du politique et du sensible. Étudier le crime, ses acteurs, ses institutions, ses victimes, c’est pénétrer des zones grises — socialement, légalement et moralement.
C’est pourquoi la criminologie est confrontée à des problèmes éthiques spécifiques, plus complexes que dans bien d’autres champs de recherche.
🔍 1. Des terrains sensibles, souvent fermés ou violents
Les recherches en criminologie impliquent fréquemment des milieux à risque :
– Prisons, commissariats, institutions fermées,
– Groupes délinquants ou violents,
– Quartiers marginalisés,
– Espaces marqués par la stigmatisation ou la surveillance.
🔹 Le chercheur y est exposé à :
– Des comportements imprévisibles,
– Des propos choquants ou menaçants,
– Des conflits d’intérêts ou de loyauté.
→ Il doit adapter sa posture, parfois négocier sa présence, tout en restant intègre et éthique.
🤐 2. L’omerta criminelle et le dilemme du silence
Dans certains terrains, le silence est la règle :
→ Les personnes enquêtées ne veulent pas parler, ou au contraire, attendent du chercheur qu’il parle en leur nom.
Mais il y a pire : parfois, on vous confie une information illégale, dangereuse ou compromettante.
– Un projet criminel en cours,
– Une agression non déclarée,
– Des aveux de faits prescrits.
🔹 Que faire dans ce cas ?
– Briser la confidentialité ?
– Avertir les autorités ?
– Se taire au nom de la science ?
→ Ces situations n’ont pas toujours de solution unique. Elles exigent une réflexion éthique approfondie et contextualisée, souvent avec l’appui d’un comité d’éthique.
🧠 3. Des participants vulnérables, parfois manipulables
Les enquêtés en criminologie sont souvent :
– Sous contrainte (détenus, assignés à résidence…),
– Fragiles (victimes, jeunes en rupture, toxicomanes…),
– Méfiants (milieux illégaux, gangs, hackers…).
🔹 Le risque est double :
– Sous-estimer leur vulnérabilité,
– Ou surestimer leur capacité à consentir librement.
→ Le chercheur doit donc :
– Évaluer en permanence le rapport de force,
– Adapter le langage, les attentes, et la durée de l’enquête,
– Et, si nécessaire, renoncer à certaines données pour préserver l’intégrité des personnes.
⚖️ 4. Des usages politiques ou judiciaires possibles des résultats
Les recherches criminologiques sont parfois utilisées pour :
– Légitimer des politiques sécuritaires,
– Justifier des mesures de surveillance,
– Incriminer certains groupes sociaux.
🔹 Le chercheur doit donc :
– Préciser le cadre d’analyse,
– Éviter les généralisations abusives,
– Et refuser les usages instrumentalisés de ses résultats.
→ Cela renvoie à l’importance capitale de l’intégrité scientifique, déjà évoquée.
🧾 Conclusion
Les problèmes éthiques spécifiques à la criminologie ne relèvent pas d’un code figé. Ils demandent au chercheur :
– Une vigilance constante,
– Une réflexivité critique,
– Et souvent, le courage de dire non — à un terrain trop risqué, à une demande illégitime, à une situation moralement douteuse.
Car en criminologie, ce que nous étudions n’est pas neutre. Et cela fait de nous, chercheurs, des acteurs responsables dans un champ chargé d’enjeux humains et sociaux profonds.