Communication Bactérienne Flashcards
(6 cards)
Communication bactérienne et capteurs de quorum
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Concept fondamental :
Les bactéries possèdent des systèmes appelés « capteurs de quorum », qui leur permettent de détecter la densité de population bactérienne autour d’elles. Autrement dit, elles peuvent « se compter » en mesurant la concentration de certaines molécules qu’elles sécrètent dans leur environnement. -
Pourquoi les bactéries se comptent-elles ?
La capacité à évaluer leur propre densité leur permet de synchroniser et coordonner certaines activités qui ne sont efficaces ou avantageuses qu’à haute densité. Ce phénomène s’appelle le « quorum sensing » (détection de quorum). -
Fonctions déclenchées par le quorum sensing :
Une fois que la densité bactérienne atteint un seuil critique (le quorum), les bactéries activent en même temps certains gènes et comportements collectifs. Parmi ces comportements, on trouve notamment :- L’émission de lumière (bioluminescence) : certaines bactéries produisent de la lumière visible, souvent utilisée dans des symbioses avec des animaux marins (exemple : Vibrio fisheri).
- La virulence : la capacité à devenir pathogène, c’est-à-dire à provoquer une infection ou à produire des facteurs de virulence, est souvent régulée par ce système. Cela permet aux bactéries d’attaquer l’hôte de manière coordonnée et plus efficace.
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Importance générale :
Presque toutes les bactéries possèdent un ou plusieurs capteurs de quorum, ce qui montre que ce système de communication est fondamental pour leur survie et leur adaptation à l’environnement.
En résumé, la communication bactérienne via les capteurs de quorum est un mécanisme par lequel les bactéries « se parlent » en évaluant leur nombre pour déclencher ensemble des comportements adaptés, notamment la lumière ou la virulence, au moment où cela est le plus utile [[201]].
Mise en évidence des capteurs de quorum
Observation initiale (Page 202)
- Les chercheurs ont étudié la nature de la lumière émise par certains poissons vivant dans les abysses marins ainsi que par certains invertébrés.
- Ces organismes utilisent la lumière à des fins variées :
- Protection : par exemple, éclairer pour se camoufler ou effrayer des prédateurs.
- Attirance sexuelle : attirer un partenaire.
- Prédation : attirer des proies.
- Ces usages sont particulièrement importants dans les zones aphotiques, c’est-à-dire des zones marines ou lacustres où il n’y a pas de lumière naturelle du tout, rendant la photosynthèse impossible.
- Une découverte clé est que la lumière émise par ces animaux n’est pas directement produite par eux, mais par des bactéries qu’ils hébergent symbiotiquement. Ces bactéries sont donc responsables de la bioluminescence.
Mécanisme biochimique de la lumière (Page 203)
- La lumière est produite par des enzymes appelées luciférases.
- La réaction chimique catalysée par la luciférase implique :
- Le FMNH2 (forme réduite de la flavine mononucléotide), un cofacteur organique.
- Un substrat organique R-CH=O (un composé avec un groupe fonctionnel aldéhyde).
- L’oxygène moléculaire (O2).
- Le résultat de cette réaction est la formation de FMN (forme oxydée de FMNH2), un composé R-CO-OH (un acide carboxyylique) et de l’eau, avec émission de lumière comme sous-produit.
- Cette réaction est à la base de la bioluminescence bactérienne.
Exemple modèle : Vibrio fisheri (Page 204)
- Vibrio fisheri est une bactérie symbiotique marine qui produit de la lumière grâce à ce système.
- Elle est largement utilisée comme modèle pour étudier les capteurs de quorum et la bioluminescence.
- Le site mentionné (http://www.devbio.biology.gatech.edu/?page_id=303) est une ressource pour approfondir ces mécanismes.
En résumé
Les capteurs de quorum ont été mis en évidence grâce à l’étude de la bioluminescence chez des animaux marins vivant dans des zones obscures. Cette lumière provient en réalité de bactéries symbiotiques qui utilisent une enzyme, la luciférase, pour produire de la lumière via une réaction chimique spécifique. Ce phénomène a permis de comprendre que les bactéries peuvent communiquer et coordonner la production de lumière grâce à des molécules signal, ce qui a mené à la découverte des capteurs de quorum [[202-204]].
Communication intraspécifique chez Vibrio fisheri
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Contexte expérimental (Page 205) :
- Les chercheurs ont mené une expérience où ils ont récupéré le milieu de culture d’une population de bactéries Vibrio fisheri en phase stationnaire (c’est-à-dire lorsque la croissance bactérienne ralentit car les ressources deviennent limitées).
- Ce milieu contient les molécules sécrétées par les bactéries, notamment l’autoinducteur.
- Après centrifugation, pour éliminer les bactéries, ils ont ajouté du glucose (source d’énergie) puis inoculé de nouvelles bactéries à une faible densité initiale (D.O. = 0,05).
- Ils ont observé la croissance bactérienne et la production de lumière.
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Observation (Page 206) :
- Ces nouvelles bactéries ont commencé à émettre de la lumière dès le début de leur croissance, contrairement à ce qui serait attendu si la lumière ne s’activait qu’à haute densité.
- Cela s’explique par la présence dans le milieu de l’autoinducteur 1 (AI1), une molécule soluble sécrétée par les bactéries en phase stationnaire.
- L’AI1 agit donc comme un signal qui “informe” les bactéries qu’elles sont suffisamment nombreuses, déclenchant ainsi la production de lumière.
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Mécanisme d’action (Page 207) :
- L’autoinducteur (AI1) est synthétisé en permanence par les bactéries.
- Plus il y a de bactéries, plus la concentration d’AI1 augmente dans le milieu environnant.
- Lorsque cette concentration atteint un seuil critique (appelé seuil de quorum), cela induit la synthèse des enzymes luciférases responsables de la bioluminescence.
- Cette boucle positive permet une activation synchronisée parmi la population bactérienne, assurant que la lumière est émise de manière collective et efficace.
En résumé pour cette partie :
Les bactéries Vibrio fisheri utilisent un système de communication chimique basé sur une molécule signal appelée AutoInducteur 1 (AI1). Cette molécule s’accumule dans leur environnement à mesure que leur population croît. Quand la concentration d’AI1 atteint un seuil spécifique, elle déclenche la production de lumière par activation de la synthèse des enzymes luciférases. Cette communication permet donc aux bactéries de “savoir” quand elles sont assez nombreuses pour exprimer collectivement ce comportement (bioluminescence).
Cette expérience démontre clairement l’existence d’un système de détection de densité cellulaire, le quorum sensing, dans la régulation de phénomènes biologiques chez les bactéries [[205-207]].
- Capteurs de quorum chez les bactéries à Gram négatif
a) Autoinducteur : Acyl Homosérine Lactone (AHSL)
- Chez les bactéries à Gram négatif, le principal signal de communication est une molécule appelée Acyl Homosérine Lactone (AHSL).
- L’AHSL est une molécule amphiphile, c’est-à-dire qu’elle possède à la fois une partie hydrophile et une partie hydrophobe. Cette propriété est importante car elle permet à l’AHSL de diffuser librement à travers la membrane bactérienne.
- En conséquence, la concentration d’AHSL est à peu près identique à l’intérieur et à l’extérieur de la bactérie.
b) Synthèse de l’AHSL : rôle de LuxI
- L’enzyme LuxI est responsable de la synthèse de l’AHSL dans la bactérie Vibrio fisheri (modèle classique).
- LuxI fabrique l’AHSL à partir de précurseurs métaboliques, qui est ensuite libéré dans le milieu environnant.
c) Détection de l’AHSL : rôle de LuxR
- LuxR est un régulateur intracellulaire qui reconnaît spécifiquement l’AHSL produit.
- Lorsque la concentration d’AHSL atteint un certain seuil critique (c’est-à-dire lorsque la densité bactérienne est suffisante), l’AHSL se lie à LuxR.
- La liaison AHSL-LuxR active ce dernier, qui agit alors comme un facteur de transcription et stimule la synthèse des gènes codant pour les enzymes luciférases (responsables de la bioluminescence).
- Ainsi, la production de lumière est activée uniquement lorsque le quorum est atteint, ce qui permet une réponse collective coordonnée.
d) Spécificité du système
- Chaque espèce de bactérie à Gram négatif possède ses propres homologues de LuxI et LuxR.
- Cela signifie que chaque espèce produit un autoinducteur spécifique et possède un régulateur qui reconnaît uniquement cet autoinducteur.
- Cette spécificité empêche la confusion entre signaux de différentes espèces, ce qui assure une communication intra-spécifique efficace.
e) Rôle dans la virulence
- Le système de quorum sensing ne sert pas uniquement à produire de la lumière.
- Par exemple, chez Pseudomonas aeruginosa, un pathogène opportuniste, ce système régule l’expression de facteurs de virulence, ce qui signifie qu’il contrôle la capacité de la bactérie à provoquer une infection.
- Cela montre l’importance médicale du quorum sensing, car perturber cette communication peut diminuer la virulence bactérienne.
En résumé pour la partie 4
Chez les bactéries à Gram négatif, la communication via le quorum sensing repose sur la production et la détection d’AHSL. La synthèse d’AHSL est assurée par LuxI, tandis que LuxR détecte cette molécule et active la réponse génique coordonnée, comme la production de lumière ou l’expression de facteurs de virulence. Chaque espèce a son propre système spécifique, garantissant une communication efficace et ciblée [[208-211]].
- Capteurs de quorum chez les bactéries à Gram positif (Pages 212 à 213)
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Nature de l’autoinducteur :
- Chez les bactéries à Gram positif, l’autoinducteur (appelé AI1 dans ce contexte) est un peptide ou un dérivé de peptide.
- Ce peptide est synthétisé à partir d’un ARNm, ce qui signifie qu’il est produit par la cellule elle-même via la traduction d’un gène codant pour ce peptide signal.
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Problème lié à la nature du peptide :
- Contrairement aux autoinducteurs des bactéries à Gram négatif (comme l’AHSL), ces peptides ne sont pas amphiphiles.
- Cela signifie qu’ils ne peuvent pas diffuser librement à travers la membrane bactérienne.
- En conséquence, le système de détection et de réponse au signal est différent, car le peptide ne rentre pas directement dans la cellule.
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Mécanisme de reconnaissance et de signalisation :
- Le peptide autoinducteur est reconnu à la surface de la bactérie par un système de détection spécifique.
- Ce système implique souvent une cascade de phosphorylation : le signal est transduit via des protéines qui s’activent par ajout de groupes phosphate (phosphorylation).
- Cette voie de signalisation aboutit à la modification de l’activité de régulateurs transcriptionnels, qui peuvent alors activer ou réprimer l’expression de gènes cibles.
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Rôle fonctionnel :
- Ce mécanisme permet aux bactéries à Gram positif de détecter la densité cellulaire et de coordonner des comportements en groupe.
- Un exemple typique est la régulation de la virulence chez Staphylococcus aureus.
- Selon la concentration en autoinducteur, le système active ou inhibe l’expression de facteurs de virulence, modulant ainsi la capacité de la bactérie à causer une infection.
- On observe des comportements différents à faible ou forte concentration d’autoinducteur, ce qui permet une réponse adaptée à la densité bactérienne.
En résumé
Chez les bactéries à Gram positif, le quorum sensing repose sur des peptides autoinducteurs qui ne diffusent pas librement à travers la membrane cellulaire. Ils sont détectés par des systèmes de signalisation complexes (basés sur la phosphorylation) à la surface cellulaire, ce qui déclenche une réponse coordonnée, notamment dans la virulence. Cela contraste avec le système des bactéries à Gram négatif où l’autoinducteur traverse librement la membrane et agit via un régulateur intracellulaire.
Cette particularité reflète l’adaptation des bactéries à Gram positif à leur structure de paroi, plus épaisse et différente, nécessitant un mode de communication spécifique [[212-213]].
Communication interspécifique chez les bactéries (Page 214)
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Modèle étudié : Vibrio harveyi
Vibrio harveyi est une bactérie marine qui utilise un système de communication un peu plus complexe que celui de Vibrio fisheri. En effet, elle produit et détecte plusieurs types d’autoinducteurs, ce qui lui permet de percevoir non seulement la densité de sa propre population, mais aussi la présence d’autres espèces bactériennes. -
Deux types d’autoinducteurs
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AHSL (AutoInducteur 1, AI1)
- C’est le même type d’autoinducteur que celui utilisé par beaucoup de bactéries à Gram négatif (Acyl Homosérine Lactone).
- Il permet la communication intraspécifique, c’est-à-dire entre bactéries de la même espèce ou très proches.
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AI2 (AutoInducteur 2)
- AI2 est une molécule différente, synthétisée par l’enzyme LuxS.
- Cette molécule est dite « ubiquitaire », car elle est produite par de nombreuses espèces bactériennes différentes, y compris Escherichia coli, Salmonella enterica, Vibrio cholerae, entre autres.
- En raison de sa présence chez diverses espèces, AI2 est considéré comme un signal potentiel pour la communication interspécifique, c’est-à-dire permettant à différentes espèces bactériennes de s’influencer mutuellement.
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AHSL (AutoInducteur 1, AI1)
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Rôle controversé de AI2
- Bien que AI2 soit largement répandu, le rôle exact de ce signal dans la communication bactérienne n’est pas encore totalement élucidé et fait l’objet de débats scientifiques.
- Certaines études suggèrent que AI2 pourrait réguler des comportements collectifs dans des communautés bactériennes mixtes, tandis que d’autres restent prudentes quant à son importance réelle.
Importance de la communication interspécifique
Cette capacité à détecter plusieurs signaux permet aux bactéries comme Vibrio harveyi de mieux s’adapter à des environnements complexes où plusieurs espèces cohabitent. Elles peuvent ainsi ajuster leur comportement en fonction de la composition globale de la communauté microbienne, ce qui peut influencer la compétition, la coopération, la formation de biofilms, ou encore la pathogénicité.
En résumé, la communication interspécifique chez les bactéries repose notamment sur des autoinducteurs comme AI2, permettant de transcender les frontières d’espèces et d’organiser des comportements collectifs dans des écosystèmes microbiaux complexes. Ce système est un exemple avancé de quorum sensing multi-signaux, illustré par Vibrio harveyi [[214]].