Infection et facteurs de virulence Flashcards
(11 cards)
- Introduction aux relations hôte/bactérie
Contexte épidémiologique et historique
- Diminution des maladies infectieuses au 20ème siècle : Grâce aux avancées médicales comme les vaccins, les antibiotiques, l’hygiène et la santé publique, les maladies infectieuses ont fortement diminué, notamment dans les pays développés.
- Malgré cela, un poids encore très important : Dans le monde, les maladies infectieuses restent responsables d’environ 25 % de la mortalité globale, soit environ 14 millions de décès en 2012. Elles restent donc une cause majeure de mortalité.
- Inquiétude pour le futur : Il est envisagé que les maladies infectieuses pourraient redevenir la première cause de décès à l’horizon 2050, un retour à une situation proche de celle des années 1930, en raison notamment de la résistance aux antibiotiques, des maladies émergentes, et des changements environnementaux.
Objectifs de l’étude des relations hôte/bactérie
- Connaître son ennemi pour mieux le combattre : Comprendre à la fois la bactérie (qu’elle soit pathogène ou symbiotique) et l’hôte est crucial pour développer des stratégies efficaces de prévention, de diagnostic et de traitement.
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Deux perspectives d’étude :
- Du côté de la bactérie : Il s’agit d’étudier les caractéristiques des bactéries, leurs modes d’action, les facteurs qui leur permettent d’infecter ou de coexister avec l’hôte.
- Du côté de l’hôte : Il faut comprendre comment l’hôte réagit, quels bénéfices ou inconvénients il tire de la présence bactérienne, et comment il met en place des mécanismes de défense.
Nature des interactions hôte/bactérie
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Symbiose :
- Relation bénéfique ou neutre pour l’un ou les deux partenaires.
- Exemples : bactéries intestinales commensales ou mutualistes qui aident à la digestion, synthèse de vitamines, protection face à des pathogènes.
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Pathogenèse :
- Relation nuisible où la bactérie provoque une maladie à l’hôte.
- La bactérie utilise des mécanismes spécifiques pour infecter, échapper aux défenses et causer des lésions.
Coévolution entre bactéries et hôtes
- La relation entre bactéries et hôtes n’est pas statique mais évolue dans le temps.
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Mécanismes d’infection vs. mécanismes de défense :
- Les bactéries développent des stratégies d’infection toujours plus efficaces.
- L’hôte développe en parallèle des mécanismes immunitaires et autres défenses pour lutter contre les infections.
- Cette coévolution crée une dynamique complexe d’adaptation réciproque.
Pour conclure
Cette introduction met en lumière l’importance capitale d’étudier les relations entre hôte et bactérie, non seulement pour comprendre la pathogenèse des maladies infectieuses, mais aussi pour saisir les interactions symbiotiques qui sont bénéfiques et essentielles à la santé humaine et animale. Elle souligne aussi l’aspect évolutif et dynamique de ces interactions, qui nécessite une approche globale intégrant microbiologie, immunologie et écologie [[218]].
- Les étapes de l’infection (Pages 219-224)
#### 2.1 Réservoir (Page 220)
Le réservoir est l’endroit ou l’organisme où la bactérie survit en dehors de l’hôte cible. Il est essentiel pour le maintien de la population bactérienne et la continuité des infections.
- Milieux naturels : sol, eau, nourriture sont des réservoirs environnementaux classiques où les bactéries peuvent persister.
- Autres humains : certaines bactéries pathogènes se transmettent directement entre humains, qui jouent alors le rôle de réservoir.
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Animaux intermédiaires : de nombreux pathogènes utilisent des animaux comme réservoir ou vecteurs. Ces animaux incluent :
- Mammifères (singes, vaches, rats, souris…)
- Oiseaux (pigeons, poules, perroquets…)
- Arthropodes (puces, tiques, moustiques…), qui sont souvent des vecteurs transmettant la bactérie à l’hôte principal.
Cette diversité de réservoirs permet aux bactéries de persister dans différents environnements et d’atteindre leur hôte cible.
- Les étapes de l’infection (Pages 219-224)
#### 2.2 Transport vers l’hôte (Page 221)
Pour infecter un nouvel hôte, la bactérie doit être transportée depuis son réservoir. Les modes de transport incluent :
- Par l’eau ou l’air : aérosols, gouttelettes contaminées.
- Contact direct : transmission par contact physique, par exemple par toucher ou par les éternuements (diffusion par aérosols).
- Contact indirect : contamination par des surfaces ou objets (« fomites »), dépôt de bactéries via sécrétions, matières fécales, etc.
- Par des animaux intermédiaires : insectes ou autres vecteurs qui transportent la bactérie d’un hôte à un autre.
Le mode de transport influence la facilité et la rapidité avec lesquelles une infection peut se propager.
- Les étapes de l’infection (Pages 219-224)
#### 2.3 Reconnaissance et adhérence à l’hôte (Page 222)
L’étape suivante est critique : la bactérie doit reconnaître et s’attacher aux cellules ou tissus de l’hôte pour pouvoir s’implanter.
- Changement de milieu : la bactérie passe d’un environnement extérieur (sol, eau, surface) vers un milieu interne à l’hôte. Ce changement implique un stress et nécessite une adaptation rapide.
- Reconnaissance spécifique : la bactérie doit détecter et interagir avec les cellules de l’hôte. Cela nécessite des mécanismes moléculaires spécifiques.
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Facteurs de virulence impliqués :
- Adhésines : molécules situées à la surface bactérienne, telles que les pilis (fimbriae) ou protéines de surface, qui permettent l’adhérence.
- Cette adhérence est indispensable pour éviter d’être éliminée par les défenses mécaniques ou immunitaires de l’hôte.
L’adhérence est souvent très spécifique, ciblant certains types cellulaires ou tissus, ce qui influence la localisation de l’infection.
- Les étapes de l’infection (Pages 219-224)
#### 2.4 Entrée dans l’hôte et multiplication (Page 223)
Une fois attachée, la bactérie doit pénétrer dans l’hôte et atteindre ses sites cibles :
- Accès aux organes ou cellules cibles : la bactérie peut rester extracellulaire ou entrer dans les cellules de l’hôte.
- Élimination des défenses de l’hôte : pour survivre et se multiplier, la bactérie doit échapper ou neutraliser les mécanismes immunitaires (phagocytose, production d’anticorps, etc.).
- Multiplication : la bactérie utilise les ressources nutritives de l’hôte pour se multiplier et augmenter sa population.
La multiplication est essentielle pour que la bactérie atteigne un seuil critique et provoque des symptômes.
- Les étapes de l’infection (Pages 219-224)
#### 2.5 Sortie de l’hôte (Page 223)
Après multiplication, la bactérie doit quitter l’hôte pour contaminer de nouveaux individus ou retourner dans son réservoir :
- Sortie après multiplication importante, souvent par des sécrétions, excréments, toux, etc.
- Cette étape est cruciale pour la dissémination de la bactérie et la poursuite du cycle infectieux.
- Si aucun nouvel hôte n’est disponible immédiatement, la bactérie peut retourner au réservoir.
- Les étapes de l’infection (Pages 219-224)
#### 2.6 Mise en évidence d’un pathogène (Page 224)
Pour étudier et confirmer qu’une bactérie est responsable d’une maladie, on utilise les postulats de Robert Koch, qui définissent les critères d’implication d’un microorganisme dans une pathologie :
- Le microorganisme doit être présent dans tous les cas de la maladie.
- Il doit pouvoir être isolé et cultivé en culture pure.
- L’inoculation de cette culture dans un hôte sain doit reproduire la maladie.
- Le microorganisme doit être ré-isolé de l’hôte expérimentalement infecté.
Un cinquième postulat possible, lié à la thérapeutique, est que la maladie doit guérir si le microorganisme est éliminé.
Au niveau moléculaire, Stanley Falkow a adapté ces postulats pour les gènes de virulence, précisant que :
- Le gène doit être présent dans les souches pathogènes.
- Sa mutation doit entraîner une perte de virulence.
- Sa restauration doit rétablir la virulence.
- Il doit s’exprimer durant l’infection.
En synthèse
Les étapes de l’infection bactérienne sont un processus complexe et coordonné, allant du maintien dans un réservoir, au transport vers l’hôte, à la reconnaissance et adhérence spécifique, à la pénétration, à la multiplication et enfin à la sortie pour assurer la transmission. Chaque étape est soutenue par des facteurs moléculaires spécifiques, et l’étude rigoureuse de ces étapes permet de comprendre la pathogénicité et d’élaborer des stratégies de contrôle [[219-224]].
A. Régulation de l’expression des gènes de virulence
- Expression séquentielle et coordonnée : Les bactéries n’expriment pas tous leurs gènes de virulence en même temps. L’expression est finement régulée selon les étapes de l’infection et l’environnement rencontré.
- Adaptation à l’environnement : Les bactéries détectent et répondent à des changements physico-chimiques tels que la température, l’osmolarité, la disponibilité en nutriments, la carence en fer, et la présence de molécules spécifiques de l’hôte.
- Multiples régulateurs : Plusieurs facteurs régulateurs peuvent agir simultanément ou successivement sur différents gènes de virulence, certains régulateurs peuvent répondre à plusieurs stimuli environnementaux.
Cela permet à la bactérie d’ajuster précisément son comportement pathogène pour maximiser ses chances de survie et d’infection [[225]].
B. Nature des facteurs de virulence
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Adhésines : molécules permettant la fixation de la bactérie sur les cellules ou les matrices extracellulaires de l’hôte.
- Non protéiques : comme les lipopolysaccharides (LPS) chez les bactéries Gram-négatives, les acides teichoïques et lipoteichoïques (LTA) chez les Gram-positives.
- Protéiques : pilis/fibrilles avec des adhésines à leur extrémité, protéines membranaires spécifiques (par exemple certaines porines chez Gram-), protéines associées au peptidoglycane ou LTA chez Gram+.
- Ces adhésines permettent de cibler des types cellulaires spécifiques ou des tissus particuliers (ex. E. coli entéro-pathogène cible l’épithélium intestinal, E. coli uropathogène l’épithélium rénal) [[226-228]].
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Toxines :
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Ciblant les membranes : Trois mécanismes principaux :
- Hydrolyse des phospholipides membranaires (ex : phospholipase C de Clostridium perfringens, Staphylococcus aureus).
- Effet détergent ou surfactant, provoquant la solubilisation partielle de la membrane (S. aureus, Pseudomonas aeruginosa).
- Formation de pores dans la membrane, ce qui perturbe le gradient ionique, provoque l’entrée d’eau, la lyse cellulaire et la libération du contenu cellulaire (par exemple toxines d’E. coli, S. aureus).
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Ciblant des mécanismes intracellulaires : Ces toxines sont internalisées après reconnaissance d’un récepteur membranaire et perturbent des fonctions cellulaires essentielles :
- Blocage de la signalisation cellulaire
- Inhibition de la synthèse protéique (ex : toxine diphtérique de Corynebacterium diphtheriae ciblant le facteur d’élongation EF2)
- Altération de l’ADN ou de l’actine (ex. toxines de Clostridium botulinum et Clostridium tetani)
- Certaines toxines bloquent la libération de neurotransmetteurs (ex. toxine botulinique utilisée en médecine esthétique comme Botox).
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Ciblant les membranes : Trois mécanismes principaux :
C. Localisation des gènes de virulence
Les gènes codant pour ces facteurs de virulence sont souvent regroupés et localisés sur différents types d’éléments génétiques mobiles ou stables, ce qui facilite leur acquisition, leur perte ou leur transfert entre bactéries :
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Grands locus ou îlots de pathogénie :
- Regroupent souvent plus de 10 gènes liés à une fonction précise de virulence (ex. capsule, systèmes de sécrétion, pilis).
- Ces îlots ont souvent une composition en GC différente du reste du génome, signe de transfert horizontal.
- Ils sont souvent intégrés dans le chromosome au niveau de sites spécifiques comme des gènes d’ARNt.
- Présents chez les souches pathogènes, absents chez les souches non pathogènes de la même espèce.
- Exemples : îlots codant pour les pili/fibrilles chez E. coli, ou système de sécrétion de type III chez Salmonella [[230-231]].
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Bactériophages tempérés :
- Intègrent leur ADN dans le génome bactérien.
- Peuvent porter des gènes de virulence essentiels, notamment des toxines (ex. toxines de Clostridium botulinum, Corynebacterium diphtheriae, Vibrio cholerae).
- Leur mobilité favorise la diffusion de ces gènes [[232]].
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Éléments intégrables et conjugables :
- Plasmides porteurs de gènes de virulence et parfois de résistance aux antibiotiques.
- Intégrons : systèmes permettant l’intégration et l’expression de gènes exogènes, souvent liés à la résistance aux antibiotiques.
- Les intégrons contiennent un gène codant une intégrase qui catalyse l’intégration/excision de cassettes génétiques spécifiques.
- Ces éléments facilitent la plasticité génétique et la transmission horizontale [[233-234]].
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Perte de gènes :
- Les pathogènes évoluent aussi par la perte de gènes, souvent via mutations ponctuelles ou délétions.
- La perte peut restreindre le spectre d’hôte et parfois augmenter la virulence.
- Exemples :
- Salmonella typhimurium (large spectre d’hôte) vs Salmonella typhi (spectre humain restreint) qui a plus de pseudogènes.
- Shigella flexneri a perdu le gène cadA, ce qui augmente la virulence en supprimant l’inhibition de l’entérotoxine.
- Mycobacterium leprae présente 50% de pseudogènes, illustrant une forte réduction génomique liée à sa pathogénicité.
- La réintroduction de gènes perdus peut diminuer la virulence, confirmant leur rôle dans l’adaptation pathogène [[235]].
D. Conclusion sur la virulence
- La virulence bactérienne repose sur une plasticité génomique importante, grâce à la mobilité des gènes de virulence (îlots, phages, plasmides, intégrons) et à la perte de certains gènes.
- Les pathogènes s’adaptent non seulement par une régulation fine de leurs gènes mais aussi par des changements dans leur contenu génétique.
- Cette plasticité explique l’émergence de nouveaux pathogènes à partir de bactéries auparavant non pathogènes, lorsqu’elles acquièrent et savent coordonner l’expression de gènes de virulence [[236]].
En résumé, cette partie décrit comment les bactéries pathogènes utilisent des facteurs spécifiques pour adhérer, envahir, et nuire à leur hôte, comment ces facteurs sont génétiquement codés et régulés, et comment la dynamique génomique (acquisition, transfert, perte) permet aux bactéries de s’adapter et d’évoluer dans leur rôle pathogène.