Pathogènes des animaux Flashcards
(4 cards)
Yersinia pestis : la peste (détail)
Genre et espèces
- Yersinia est un genre bactérien appartenant aux entérobactéries, qui sont des bactéries Gram négatives.
- Parmi plusieurs espèces, trois sont pathogènes pour l’homme :
- Yersinia enterocolitica et Yersinia pseudotuberculosis provoquent des troubles intestinaux généralement bénins.
- Yersinia pestis, l’agent de la peste, est particulièrement virulente et a un mode d’infection différent des entérobactéries classiques.
- Yersinia pestis est issue de Y. pseudotuberculosis, son ancêtre, mais a acquis de nouvelles caractéristiques génétiques qui ont augmenté sa virulence [[63]].
Épidémies, pandémies et endémies
- Épidémie : apparition soudaine et rapide d’une maladie contagieuse touchant un grand nombre de personnes dans une région donnée.
- Pandémie : épidémie qui s’étend sur plusieurs continents ou zones géographiques très larges.
- Endémie : maladie présente de façon constante dans une région donnée, de façon chronique.
- La peste a provoqué plusieurs pandémies majeures dans l’histoire, avec des impacts dévastateurs [[64]].
Historique des pandémies
1. Première pandémie :
- Peste de Justinien à l’époque de l’Empire Romain (environ 200 ans).
- Cette pandémie a pu contribuer à la chute de l’Empire Romain.
- Les soins disponibles à l’époque étaient très limités [[66]].
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Deuxième pandémie :
- La peste médiévale, qui a duré près de 400 ans (1347-1721).
- Elle a exterminé environ un tiers de la population européenne, soit 44 millions de morts.
- Débute en Chine, avec environ 10 millions de morts, avant de se propager via les Mongols (Tatars) jusqu’en Europe.
- Utilisation de la peste comme arme biologique lors du siège de Caffa (en Crimée).
- La guerre de Cent Ans a aggravé la situation en France.
- La maladie était perçue comme une punition divine, les processions religieuses augmentaient la contagion.
- Les protections et soins étaient rudimentaires (vêtements spécifiques, désinfection au vinaigre), mais inefficaces [[67-69]].
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Troisième pandémie :
- Concerne le 19e et 20e siècle, avec environ 23 millions de morts.
- Démarre en 1855 au Yunnan (Chine), puis à Hong Kong en 1894 avant de se diffuser mondialement.
- Alexandre Yersin a isolé et caractérisé le bacille responsable [[69]].
Situation actuelle
- La peste n’a pas disparu et reste une maladie réémergente selon l’OMS.
- Chaque année, plus de 1000 cas sont recensés, par exemple à Madagascar en 2012 [[70]].
Cycle de transmission
- Hôtes : principalement l’homme, le rat, la souris.
- Transmission : par certaines espèces de puces, surtout la puce du rat.
- Réservoir principal : les rongeurs sauvages (comme les marmottes) [[71]].
Mécanisme de transmission par la puce
- La bactérie forme un biofilm dans le proventricule (partie du système digestif) de la puce, ce qui bloque le passage du sang.
- La puce bloquée ne peut plus se nourrir correctement et meurt de faim en environ deux jours.
- Cependant, cette puce bloquée devient plus agressive et pique plus fréquemment, ce qui augmente considérablement la transmission de la bactérie aux mammifères (hommes, rats, souris).
- Une très faible dose bactérienne (environ 80 bactéries) suffit pour infecter un mammifère [[72-78]].
Pathogénie chez l’homme
- Après la piqûre infectante, Y. pestis se multiplie localement puis migre vers le ganglion lymphatique le plus proche, provoquant la formation d’un bubon (ganglion enflé et douloureux), caractéristique de la peste bubonique.
- La bactérie désactive efficacement les défenses immunitaires du mammifère.
- Elle peut ensuite se disséminer dans le sang, provoquant une septicémie souvent mortelle.
- Durant la septicémie, la peste peut atteindre les poumons et provoquer la peste pulmonaire, qui est contagieuse par voie aérienne (aérosol) et cause la mort en 48 heures si non traitée [[78-79]].
Évolution génétique de Yersinia pestis
- Il y a environ 20 000 ans, un clone très virulent de Y. pseudotuberculosis a émergé, donnant naissance à Y. pestis.
- Ce passage a impliqué :
- L’acquisition de deux plasmides (porteurs de gènes de virulence).
- La perte d’environ 150 gènes chromosomiques, ce qui a modifié son profil pathogène.
- Ces modifications génétiques ont transformé une bactérie relativement bénigne en un pathogène très virulent responsable des grandes pandémies [[80-81]].
En résumé
Yersinia pestis est une bactérie gram négative très virulente, transmise principalement par les puces qui parasitent les rongeurs. Sa capacité à former un biofilm dans le tube digestif de la puce augmente la transmission. Historiquement, elle a provoqué trois grandes pandémies humaines, causant des millions de morts et influençant des événements sociaux majeurs. Aujourd’hui, bien que mieux contrôlée, la peste reste une maladie réémergente dans certaines régions du monde.
- Shigella flexneri : la shigellose
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Caractéristiques générales :
Shigella est un genre bactérien strictement humain, c’est-à-dire que l’hôte est exclusivement l’homme. Il y a plusieurs espèces dont S. dysenteriae, S. flexneri, S. sonnei, et S. boydii. Ces bactéries provoquent des diarrhées sanglantes, souvent dans des zones où les conditions sanitaires sont mauvaises, et sont responsables d’endémies [[82]]. -
Infectiosité élevée :
La shigellose est très contagieuse : seulement 10 bactéries ingérées suffisent pour causer la maladie. Cette faible dose infectieuse est une des raisons pour lesquelles la shigellose est si répandue et difficile à contrôler [[82]]. -
Mécanismes d’entrée et d’invasion :
Shigella possède un plasmide de virulence d’environ 200 kilobases qui code pour des protéines essentielles à son invasion des cellules intestinales [[83]].- Cible dans l’intestin : contrairement à ce que l’on pourrait penser, Shigella n’envahit pas directement les entérocytes (cellules absorbantes de la muqueuse intestinale). Elle cible plutôt les cellules M, spécialisées dans la présentation antigénique situées dans les plaques de Peyer de l’intestin.
- Entrée dans la cellule : Shigella est internalisée par endocytose dans ces cellules M.
- Système de sécrétion de type III : pour réussir à infecter, Shigella utilise un système de sécrétion de type III (un genre d’aiguillon moléculaire) qui injecte dans les cellules hôtes des protéines effector qui modifient le cytosquelette de la cellule, favorisant son internalisation et perturbant les défenses cellulaires [[83-84]].
-
Développement et propagation intracellulaire :
Après avoir traversé les cellules M, Shigella infecte les macrophages sous-jacents et provoque leur apoptose (mort programmée). Cette destruction déclenche une forte réaction inflammatoire locale, avec recrutement de cellules immunitaires comme les cellules tueuses naturelles (NK), les polymorphonucléaires (PMN), et les cellules dendritiques (DC) [[85]].Parallèlement, Shigella perturbe les jonctions serrées entre les entérocytes, ce qui facilite sa propagation dans la muqueuse intestinale et l’aggravation des lésions [[85]]. -
Motilité intracellulaire :
Shigella peut se déplacer d’une cellule à une autre sans sortir dans le milieu extracellulaire, ce qui lui permet d’échapper au système immunitaire. Elle recrute pour cela l’actine de la cellule hôte pour se propulser à travers le cytoplasme et traverser les membranes cellulaires adjacentes [[86-87]].Ce mécanisme implique plusieurs protéines bactériennes et cellulaires :
- NWASP et le complexe Arp2/3 favorisent la polymérisation de l’actine.
- IscA et IscP sont des protéines spécifiques qui aident à la fixation et à la propulsion.
- VirA détruit les microtubules, ce qui facilite la mobilité intracellulaire [[87]]. -
Mécanismes d’évasion immunitaire :
Shigella a aussi développé des stratégies pour contrer les défenses de l’hôte :- Elle peut bloquer l’autophagie, un processus par lequel la cellule détruit des bactéries intracellulaires, grâce à la protection d’IscA par IscB [[88]].
- Elle inhibe la migration des lymphocytes T CD4 vers les ganglions lymphatiques, limitant ainsi la mise en place d’une réponse immunitaire adaptative efficace [[88]].
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Évolution génomique :
Comme pour Yersinia pestis, l’évolution de Shigella implique à la fois un gain et une perte de gènes. Ce processus d’adaptation génomique optimise sa virulence et sa survie dans l’hôte humain [[89]].
En résumé, Shigella flexneri est une bactérie très infectieuse qui envahit spécifiquement certaines cellules intestinales, déclenche une inflammation intense, se propage de cellule en cellule grâce à la manipulation du cytosquelette et évite la réponse immunitaire. Ces caractéristiques expliquent la sévérité de la shigellose et les difficultés à la contrôler.
- Borrelia burgdorferi : la maladie de Lyme
Découverte et historique
- La bactérie responsable de la maladie de Lyme a été découverte en 1982 par William Burgdorfer au Rocky Mountain Labs du NIH (National Institute of Health) aux États-Unis [[90]].
- Des analyses ont montré que Borrelia était déjà présente chez l’homme il y a environ 3300 ans, comme en témoigne la détection dans l’homme de glace Ötzi trouvé dans les Alpes [[90]].
Espèces impliquées et répartition géographique
- En Amérique du Nord, les principales espèces pathogènes sont Borrelia burgdorferi et Borrelia mayonii.
- En Eurasie, plusieurs espèces sont responsables, notamment Borrelia afzelii, Borrelia garinii, et aussi B. burgdorferi parmi d’autres [[91]].
Vecteur : les tiques dures du genre Ixodes
- La transmission se fait via les piqûres de tiques dures (Ixodes spp.) qui agissent comme vecteurs biologiques [[91-93]].
Cycle biologique de la tique et transmission
- La femelle tique effectue trois repas sanguins au cours de sa vie (un à chaque stade : larve, nymphe, adulte), tandis que le mâle en fait généralement deux (sauf à l’état adulte où il nourrit la femelle) [[96]].
- Chaque repas dure environ 4 à 7 jours.
- Lors de ces repas, la tique se fixe solidement à la peau de l’hôte grâce à son rostre qui s’ancre dans l’épiderme, aidé par une colle naturelle.
- Le sang est concentré dans un volume plus petit dans la tique, et la tique alterne entre prise de sang et sécrétion de salive [[96]].
- La bactérie Borrelia colonise d’abord l’intestin moyen de la tique, puis migre vers les glandes salivaires, d’où elle est transmise à l’hôte lors de la piqûre [[96]].
- Les réservoirs naturels de la bactérie sont principalement les oiseaux et les rongeurs, qui hébergent la bactérie sans forcément être malades [[96]].
Symptômes et évolution de la maladie
- La maladie de Lyme évolue en plusieurs phases [[92]] :
- Phase précoce (environ 1 mois après la piqûre) :
- Apparition d’un érythème migrant (une rougeur caractéristique en forme de cible autour du site de la piqûre).
- Symptômes généraux : fièvre, fatigue, maux de tête.
- Le traitement antibiotique est très efficace à ce stade.
- Dissémination précoce (1 à 4 mois) :
- La bactérie se propage dans l’organisme.
- Atteinte du système nerveux (neuroborréliose), du cœur (cardite), des articulations (arthrite).
- Dissémination tardive (plus de 4 mois) :
- Symptômes chroniques plus graves comme arthrite persistante, atteintes neurologiques sévères, acrodermatite chronique en Europe (liée aux espèces européennes) [[92]].
- Le traitement devient plus compliqué à ces stades avancés [[92]].
En résumé
Borrelia burgdorferi est une bactérie spirochète transmise à l’homme par la piqûre de tiques dures. Son cycle de vie complexe dans la tique et les réservoirs animaux permet à la bactérie de persister dans la nature. La maladie de Lyme peut évoluer d’une infection cutanée localisée à des formes disséminées et chroniques touchant plusieurs organes. Le diagnostic précoce et l’administration rapide d’antibiotiques sont essentiels pour éviter les formes graves [[90-96]].
Bacillus anthracis : le charbon (anthrax)
Caractéristiques générales
- Type de bactérie : Bacillus anthracis est une bactérie Gram positive sporulante. Cela signifie qu’elle peut former des spores, des formes résistantes capables de survivre longtemps dans l’environnement, notamment dans le sol [[97]].
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Cycle infectieux :
- Entrée des spores dans l’hôte : Les spores de Bacillus anthracis pénètrent dans le corps par différentes voies (cutanée, inhalation, ingestion).
- Phagocytose par les macrophages : Une fois dans l’organisme, les spores sont ingérées par les macrophages (cellules du système immunitaire).
- Germination dans le phagolyzosome : Dans ces macrophages, les spores trouvent un stimulus qui déclenche leur germination, c’est-à-dire qu’elles reprennent une forme active et commencent à se multiplier.
- Libération dans le milieu extracellulaire : Après germination et multiplication initiale dans les macrophages, les bactéries sortent dans les tissus environnants où elles se multiplient activement [[97]].
Facteurs de virulence
- Capsule : Bacillus anthracis produit une capsule qui aide à éviter la phagocytose par les cellules immunitaires, ce qui contribue à sa virulence.
- Couche S : Une couche protéique de surface qui joue aussi un rôle dans la protection et la virulence.
- Toxines :
- L’antigène protecteur (PA) est une protéine de 83 kDa, qui se transforme en un hexamère (PA63) dans la membrane des cellules cibles, permettant l’entrée des autres facteurs toxiques.
- Facteur létal (LF) : responsable des effets toxiques létaux.
- Facteur d’œdème (EF) : provoque un gonflement (œdème) des tissus.
Ces toxines sont codées sur deux plasmides :
- pOX1 : contient les gènes codant pour les toxines (PA, LF, EF) et certains gènes de métabolisme général et germination.
- pOX2 : contient les gènes codant pour la capsule [[98-99]].
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Importance des plasmides :
- La perte du plasmide pOX1 entraîne une croissance difficile, indiquant que ce plasmide contient des gènes importants au-delà de la virulence.
- La perte soit de pOX1 soit de pOX2 entraîne la perte de la virulence de la bactérie, montrant que les deux sont nécessaires pour que Bacillus anthracis soit pathogène [[99]].
- Gènes de sporulation : Ces gènes ne sont pas sur les plasmides mais sur le chromosome bactérien, ce qui signifie que la capacité à former des spores est intrinsèque à la bactérie [[99]].
Réservoir et modes de contamination
- Réservoir : Les spores résistent longtemps dans le sol, ce qui constitue un réservoir environnemental naturel de Bacillus anthracis [[100]].
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Contaminations :
- Voie cutanée : par une piqûre ou une abrasion de la peau. C’est la forme la plus fréquente et la moins grave, avec un développement lent, et qui répond bien aux antibiotiques.
- Voie intestinale : par ingestion de spores, développement plus rapide et plus dangereux.
- Voie pulmonaire : inhalation des spores, forme la plus grave et rapide, souvent mortelle sans traitement rapide [[100-102]].
Historique
- Bacillus anthracis est une bactérie très importante dans l’histoire de la microbiologie médicale.
- Robert Koch a été le premier à démontrer en 1876 que Bacillus anthracis était la cause du charbon, établissant ainsi les bases de la relation entre un micro-organisme et une maladie (postulats de Koch).
- Louis Pasteur a travaillé sur la vaccination contre le charbon, marquant le début de la microbiologie médicale moderne [[103]].
En résumé
Bacillus anthracis est une bactérie sporulante avec une virulence liée à sa capsule et ses toxines codées sur deux plasmides. Sa capacité à former des spores résistantes dans le sol en fait un pathogène durable dans l’environnement. Selon la voie d’entrée (cutanée, intestinale, pulmonaire), l’infection peut être plus ou moins grave, la forme pulmonaire étant la plus dangereuse. Son étude par Koch et Pasteur a été fondatrice pour la microbiologie médicale [[97-103]].